New Familia

Des vieilles Mazda, on n'en croise pas tous les jours ! Les Japonaises des années 80 sont encore victimes des primes à la casse. J'étais donc très content de croiser cette 323 troisième génération (alias "New Familia".) Une voiture lancée en 1985.
Dans l'énorme hors-série de L'Auto-Journal, elle avait droit à deux lignes. Ce n'est pas une boutade, voici le descriptif : "La nouvelle traction avant Mazda existe en trois versions : 1100, 1300 et 1500. Elle est proposée d'emblée en berline 2 ou 3 volumes à 3, 4 ou 5 portes."

Celle-ci est une 1.3 LX avec ses 68ch, elle atteignait les 158km/h. Prix : 53 990frs, soit près de 6 000frs de moins qu'une R11 TL. France-Motors, l'importateur, était obligé de casser les prix pour compenser la notoriété quasi-nulle de la marque...
La plupart des constructeurs automobiles ont connu des débuts héroïques. Mazda n'y fait pas exception. Jujiro Matsuda, au faciès de Buster Keaton Japonais, fonda la Toyo Kyogo en 1920, à Hiroshima. Ce fut d'abord une usine de machine-outils.
L'archipel avait un cruel besoin en transports individuels et des infrastructures déplorables. Le tout avec un pouvoir d'achat très limité. Conscient de tout cela, Matsuda décida de se diversifier dans les triporteurs, en 1931. Le premier modèle fut baptisé Mazda-Go DA et il était distribué par Mitsubishi. Officiellement, le nom "Mazda" est une déformation de "Matsuda" (cela se prononce pareil en japonais.) Mais le PDG n'a-t-il pas voulu créer la confusion avec les lampes Mazda ? Ces ampoules, conçues aux USA par General Electric (et fabriquées sous licence par Toshiba) se vantaient de leur "qualité Américaine".
Mazda poursuivit son bout de chemin, avec d'autres triporteurs et des motos. En 1940, le constructeur conçu une voiture. Mais à l'époque, le Japon était en guerre et toute production civile était proscrite. Toyo Kyogo produisit des armes à feu. Les ouvriers étant au front, des étudiants(es) furent réquisitionnés. Le 6 août 1945, Little boy explosait au-dessus d'Hiroshima. Les bâtiments et les pavillons du centre-ville furent pulvérisés. Les usines étaient situées en périphérie. Les Américains n'avaient pas bombardé la ville durant les mois précédents, afin de voir quelle était l'impact de la bombe atomique. Ainsi, Toyo Kyogo fut épargné. L'usine se trouvait au-delà du cratère. A nord et à l'ouest, il n'y avait plus que des gravas et des cadavres.
Après la guerre, Mazda revint à la charge avec son projet d'automobile. Le constructeur avait le savoir-faire et le matériel. Néanmoins, les constructeurs historiques (notamment Toyota et Datsun/Nissan) firent du lobbying à Tokyo. Ainsi, ceux qui avaient produits des voitures avant la guerre pouvaient en produire. Même si, dans le cas de Mitsubishi ou de Tokyo Automobiles Industries (Isuzu), on parlait de quelques centaines, voire quelques dizaines d'unités ! Le lobbying, c'est bien beau, mais ce n'était pas avec cela que le Japon allait se motoriser... Le pays autorisa les constructeurs de motos et de triporteurs à produire des voiturettes avec un moteur de 150cm3. C'était trop peu. En accord avec les constructeurs de voitures, la limite fut relevée à 360cm3 en 1955. Mazda s'engouffra dans la brèche avec la R360, en 1960. Pour les photos presse, le constructeur prit en photo des mannequins en kimono, devant le mémorial de la paix.
En 1962, alors que Mazda produisait encore essentiellement des triporteurs, la limite pour les voiturettes passa à 600cm3. La Carol, tout juste lancée avec un 360, s'offrit alors un 600. En 1964, sous la pression de Honda, les "nouveaux" purent enfin construire des voitures "normales". Mazda fêta cela avec la Familia. Tout alla très vite ensuite.

Dans les années 70, Mazda n'était qu'un petit constructeur Japonais, plutôt connu à l'étranger pour ses voitures de sport. Honda était comme lui, jusqu'au lancement de la Civic. C'est sans doute ce qui l'incita à lancer sa propre compact, la 323 (alias Familia troisième génération), en 1977. Pour marquer le coup, une 323 rallia Hiroshima à Francfort (où se trouvait alors le siège de Mazda Europe) par la route. Il n'en restait pas moins qu'avec ses roues arrières motrices, la 323 était datée pour les marchés occidentaux.
Depuis 1974, Ford était actionnaire de Mazda. En 1979, il s'en offrit 24,5%. La seconde génération de 323, lancée en 1980, profita de l'apport de l'ovale bleu. Le plus visible, c'était le passage à la traction.

Malgré tout, on l'a vu, ni elle, ni la génération suivante ne marquèrent les esprits. Les deux victoires en rallye d'Ingvar Carlsson (Suède et Nouvelle-Zélande 1988) n'y firent rien.

En 1989, Mazda lança une quatrième génération de 323, plus rondouillarde. La notoriété de la marque décolla grâce à la MX-5 "Miata" et à la victoires aux 24 heures du Mans. De manière plus accidentelle, Mazda bénéficia aussi des séries TV. En 1986, le constructeur accepta de filer des voitures à un Super Sentai lambda, en échange d'un placement-produit pas très discret... Mazda ne se serait jamais douté que TF1 allait acheter la série, pour en faire Bioman 2 ! Mazda apparaissait également dans Cat's Eyes. Mais là, je n'ai pas trouvé de preuves de l'implication...
Du reste, l'industrie automobile Japonaise connait une vague de concentration. Toyota a pris sous son aile Isuzu, Mazda, Subaru et Suzuki. Avec divers degrés de collaboration. Ainsi, aux Etats-Unis, Mazda et Toyota ouvriront une usine ensemble, en 2021. En parallèle, Mitsubishi, chahuté pour avoir maquillé les consommations de ses kei, s'est réfugié sous le parapluie de Nissan.
Certes, les Japonais se sont déjà serrés les coudes, dans les années 90, à coup d'entrée dans l'actionnariat ou de projets communs. Mais le changement semble plus profond. Car c'est aussi la fin des conglomérats (ou keiretsu) issus de l'après-guerre. Nissan avait ouvert le bal, dans les années 90. La dernière étape étant la vente de l'équipementier Calsonic Kansei à un fond d'investissement, KKR, en 2016. Historiquement, Mitsubishi était composé de quatre entités : Mitsubishi Motors (autos), Mitsubishi Electric, Mitsubishi Heavy Industries et Mitsubishi Corporation (holding financières.) A travers des participations croisées, elles s'auto-contrôlaient de facto. Puis Mitsubishi Motors s'est désengagé des camions Mitsubishi-Fuso (devenus du coup Fuso) au profit de Daimler. Désormais, ce sont Mitsubishi Electric et Mitsubishi Heavy Industries qui laissèrent filer Mitsubishi Motors vers l'Alliance Renault-Nissan. En 1998, Fuji Heavy Industries, le propriétaire de Subaru, fut éclaboussé dans un scandale de corruption. Le groupe payait un député, par ailleurs vice-ministre de l'agence de défense japonaise (JDA) pour obtenir des appel d'offres dans l’aéronautique militaire. Anecdote savoureuse : le député en question était Yojiro Nakajima, petit-fils de Chikuhei Nakajima, le fondateur de Nakajima Aircraft (qui devint Fuji Heavy Industrie après la guerre.) Suite à cela, la division aéronautique pris le nom de Subaru Aerospace Company. Le groupe liquida ses activités de fabrication de bus et de camion-poubelles. En 2017, Fuji Heavy Industrie devint Subaru Corporation, avec deux métiers : sous-ensemble aéronautique et automobile. Les moteurs thermiques industriels, ex-Robin, ont été revendus à Yamaha.
L'exception à la règle, c'est Honda. Lorsque Soichiro Honda se lança dans l'ingénierie, à la fin des années 30, son premier client fut Toyota. En redessinant la culasse de l'AA, il y trouva quelques chevaux supplémentaires. Une dizaine d'années plus tard, Honda fut le chef de file des constructeurs de motos et de triporteurs qui voulaient construire des voitures. Et Toyota était le chef de file des "vieux" constructeurs qui leur bloquaient la route (voir plus haut.) Honda finit par gagner le droit de produire des voitures. Un demi-siècle plus tard, Honda et Toyota n'ont toujours pas enterré la hache de guerre ! Voilà pourquoi Honda se tient à l'écart de cette concentration Japonaise. C'est avec GM qu'il va concevoir des batteries. En prime, lui, il vient de se diversifier dans l'aviation d'affaires avec Hondajet. Un quatrième métier qui s'ajoute à l'automobile, aux motos et aux tondeuses à gazon. Bref, l'inverse des tendances !

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