Le Baur et l'argent du Baur

Croiser une BMW série 3 (E21), utilisée en daily, c'est assez rare pour être souligné. Mais en plus, ici, il s'agit d'un cabriolet réalisé par Baur (il faut alors parler de TC[1].) Un top cabrio ! Visez au passage les anti-brouillards et les jantes BBS, une accessoirisation typique de la fin des années 70.

C'est l'occasion d'évoquer la grande époque de la sous-traitance automobile.

En 1950, 9 voitures sur 10 étaient produites aux Etats-Unis. Les constructeurs du monde entier salivaient sur les Américains (y compris dans les pays du bloc communiste.) Ils voulaient tous non seulement produire des voitures ressemblant aux Américaines, Mais également produire de la même manière que les Américains.
Durant la Seconde Guerre Mondiale, la recherche militaire Américaine était très décentralisée. Avec de petites unités ultra-spécialisées. C'est sans doute ce qui inspira les Trois Grands, la paix revenue. Qu'il s'agisse de style (on ne parlait pas encore de design) ou d'ingénierie, les constructeurs US multipliaient les petites unités. Mettant systématiquement deux ou trois équipes en concurrence pour des genres "d'appel d'offres internes".

Les Européens n'avaient pas les moyens de bâtir autant de bureaux d'étude. Les Italiens trouvèrent la solution : l'entreprise étendue. La botte possédait nombre d'artisans gravitant autour des constructeurs (principalement Fiat.) Fiat, puis Alfa Romeo, les incitèrent à monter en compétence. Les carrossiers se muèrent en bureau de design (cf. Bertone, Pininfarina, Zagato...) et les garagisti, en atelier d'ingénierie (cf. Abarth, Conrero, Nardi...) avec un rôle plus officiel.
L'époque était aussi marquée par une demande en carrosseries spéciales (cabriolets, coupés, puis breaks.) Or, les usines possédaient une fabrication en "push", très rigide. Au moindre changement, il fallait arrêter la chaine de montage, changer la configuration des machines, réaliser des essais, puis lancer la production. Ensuite, il fallait de nouveaux arrêter la ligne, remettre les machines dans la bonne configuration, refaire des essais et enfin, tout rentrait dans l'ordre. Sachant que les machines et les outils n'aimaient pas être déréglés, avec des problématiques d'usure prématurée.
En faisant appel à un carrossier indépendant, vous ne lui confiez que des véhicules semi-finis et il se charge de la production, avec un outil industriel dédié. Par contre, les exigences allaient crescendo. A la fin des années 40, on était sur des lots d'une petite dizaine de voitures par an. Les carrossiers pouvaient construire les voitures l'une après l'autre, en 1+1. Mais dès le milieu des années 50, la demande se comptaient en dizaines de voitures par an. Cela imposait une organisation semi-industrielle, bien au-delà des compétences de carrossiers souvent autodidactes. En France, Antem, Letourneur et Marchand ou Pichon-Parat s'y cassèrent les dents. Dans les années 60, les volumes furent de l'ordre de la centaine d'unités par an. Mais le client exigeait une finition et un prix proches des berlines dont les véhicules dérivaient. C'en était trop pour Vignale, débordé par le coût des retouches de bout de chaine. Puis arrivèrent les années 70, on gagnait un zéro supplémentaire pour la production annuelle. Les acteurs n'étaient plus des designers possédant un petite usine, mais de vrais industriels. Les investissement étaient lourds et il fallait "nourrir" la chaine, en enchainant les contrats.

En Allemagne, deux constructeurs étaient de gros clients de la sous-traitance : Volkswagen et BMW.
Volkswagen était l'archétype du constructeur faisant du "push", produisant toujours plus de Coccinelle. Karmann récupéra ses "petites" productions (Coccinelle cabriolet, Karmann-Ghia, Golf cabriolet...) Aussi, le constructeur n'avait pas de compétences en développement. Porsche avait ses faveurs pour la R&D, tandis qu'Ital Design était le designer privilégié (ses travaux servant de mètre-étalon pour les designers VW.) Le rachat de NSU lui permit de disposer enfin de designers et d'un bureau d'étude. L'ex-BE NSU ne prit vraiment son envol qu'en 1975, avec le recrutement de Ferdinand Piëch.
BMW, lui, fut longtemps le petit poucet du marché Allemand. Il manqua longtemps de moyens techniques et financiers. Il cherchait donc des cerveaux et des bras d'appoint, à moindre coût. C'est Denzel, l'importateur Autrichien, qui avait demandé à Michelotti une petite berline, basée sur la 600. Avec ses deniers. En 1972, la firme à l'hélice inaugura en grande pompe son bureau d'étude et de préparation moteur, Motorsport GmbH. Puis en 1985, il ouvrit Technik GmbH, son bureau d'études avancées.

Baur fut un carrossier qui connu les évolutions sus-cités. Il ouvrit boutique à Stuttgart, en 1910 et il état alors un simple carrossier. Dans les années 50, BMW lui confia la production homéopathique des 501 et 502 cabriolets. Puis il passa à un rythme semi-industriel avec la 700 cabriolet. Lorsque la "02" apparu, il en proposa une version cabriolet, qu'il produisit. Karosserie Baur était une maison sérieuse ; ses produits ne déparaient pas, dans les concessions BMW.
Le tournant eu lieu en 1971. Baur s'inspira des 911 Targa et créa le "top cabrio". Davantage découvrable, que cabriolet, la 2002 TC conservait ses portes d'origines. Surtout, son arceau lui procurait une bonne rigidité (le point noir des cabriolets de l'époque) et une protection en cas de retournement. Par contre, seul la lunette arrière s'abaissait. Le toit -en dur- était à démonter et à ranger dans le coffre. En 1976, Baur porta le concept sur la Kadett. Pininfarina, lui, copia l'idée pour la Beta découvrable.
A la fin des années 70, d'aucun pensaient que les cabriolets étaient condamnés. Que le consommateur voulait de l'économie d'essence, pas du fun. Aussi, BMW ne commercialisa pas de série 3 (E21) cabriolet pour remplacer la 2002 TC. De manière spontanée, Baur réalisa une E21 TC. Il en produisit un peu moins de 5 000 exemplaires en 5 ans. Ils étaient distribués par BMW, bien que ne figurant pas au catalogue officiel.

En 1983, Baur lança un cabriolet sur base série 3 (E30), nommé TC2. En parallèle, il assembla les BMW M1 et Z1 (un comble, pour les fers de lance du savoir-faire de l'ingénierie BMW !), ainsi que la Porsche 959. Mais BMW avait changé de dimension. Après avoir repris la main sur l'ingénierie, il dévoila sa propre E30 cabriolet, plus gracieuse que celle de Baur. L'E30 cabriolet inaugura aussi le site de Ratisbonne ; la firme munichoise disposait d'un outil industriel lui permettant de faire du sur-mesure en interne.
L'étau se resserrait sur Baur. En 1985, il dévoila la tortueuse TC3, un genre de roadster sur base E30. BMW n'en voulu pas. Puis, en 1991, il y eu la TC4. Une originale série 3 (E36) 4 portes découvrable. Baur fut racheté par IVM, qui tenta de le transformer en équipementier. Le nom apparu une dernière fois avec le concept-car Baur G-Cabrio XL, un Mercedes-Benz G cabriolet 5 portes.

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