Dans 20 ans, on aura oublié Max Verstappen

Le titre est volontairement provocateur. Mais c'est une réalité : le palmarès ne fait pas tout. "Le visible définie la forme ; l'invisible définie sa valeur." Or, aussi talentueux que soit Max Verstappen, il manque de profondeur et sur le long terme, le triple champion du monde de F1 n'apporte aucune valeur ajoutée. C'est un produit de l'année, point.

Le charisme est par définition, une notion subjective. Quant à la postérité, là, il faut sortir sa boule de cristal !

Un beau champion du monde du F1, ce n'est pas qu'un pilote. Au-delà du palmarès, pour entrer dans l'histoire, il y a l'image bâtie auprès du grand public. Que ce soit celle d'un technicien ou d'un playboy. Les champions ont longtemps considérés qu'ils avaient des devoirs envers leurs écuries, leurs sponsors, leurs pairs, leur public... Maintenant qu'ils étaient en haut, ils devaient aider leur équipe à continuer à gagner après leur départ, jouer les ambassadeurs de la F1 auprès des non-initiés, faire progresser la sécurité et mettre le pied à l'étrier des pilotes de demain, etc.

Rien n'est inné. Lewis Hamilton, Fernando Alonso ou Kimi Räikkönen étaient des pilotes ternes à leur début. Des playmobil modelés par les services marketing des écuries. Des posts-adolescents qui n'avaient connus que les circuits. Je me souviens d'un publi-reportage laborieux de Fernando Alonso dans Auto-Hebdo. La seule chose que l'Espagnol avait à dire, c'est qu'il écoutait Clandestino de Manu Chao en boucle. Charge aux journaliste de chercher quelqu'un dans l'entourage proche, présent ou passé, de plus loquace...
Au fil du temps, ils ont trouvé leur place. Ils ont digéré la médiatisation et le nomadisme. Par exemple, le sage Kimi Räikkonen s'est créé cette image de marlou, amateur de choppers et insolent à l'occasion. Il est vrai que la F1 des années 2005-2015, dominée par les constructeurs, adorait les events. Chaque apparition d'un pilote de F1 dans ce cadre semi-professionnel, était un source potentiel de frasques, voire de gags.

Aujourd'hui, il y a une vingtaine de Grand Prix par an. Les pilotes ne peuvent plus aller en boîte de nuit après la course ou faire du tourisme. Il faut préparer le Grand Prix suivant. Des années covid, certains pilotes ont gardé l'habitude de garder de la distance vis à vis du monde extérieur.


Et Max Verstappen, dans tout ça ? 

A 26 ans, Max Verstappen possède un palmarès incroyable. Il a glané autant de titres qu'Ayrton Senna, davantage de victoires qu'Alain Prost et il devrait prochainement battre le nombre de pole du Français. Les tribunes des Grand Prix sont quasiment repeinte en orange, couleur des Pays-Bas, donc des supporters de "l'autocoureur". Mais au dehors de la voiture, le Néerlandais est transparent.

Je m'attendais à ce qu'à la longue, il finisse par prendre son envol. Peut-être même que face à l'environnement surprotecteur de Red Bull + Jos Verstappen, il se transforme de manière radicale. Pas forcément en flambeur bling-bling. Il aurait pu s'impliquer davantage dans Red Bull, coacher les espoirs de la KNAF, commencer à donner son opinion sur des sujets extra-sportifs, etc.
Trois titres de champion de F1 plus tard, la mue n'a pas eu lieu. Verstappen Jr a huit ans de F1 au compteur. La seule nouveauté, c'est que le clan Piquet a supplanté Vertappen père !
Les tabloïds Britanniques voulaient le détruire, comme ils ont détruit Nico Rosberg. Sus au rival de Lewis Hamilton ! Mais il n'y a rien, dans la vie privée de Max Verstappen. Pas de villas, pas d'aventures extraconjugales, pas de déclaration controversée de fin de repas... Tout juste un excès de vitesse en Aston Martin Valkyrie.

Car tous les champions ne deviennent pas inoubliables. Le précédent, c'est Sebastian Vettel. L'autre champion de Red Bull. Ado surdoué, il avait enchainé les records : plus jeune pilote à marquer des points, plus jeune pilote en pole d'un Grand Prix, plus jeune vainqueur, plus jeune champion... Autant de records explosés ensuite par Max Verstappen.
Quadruple champions des années V8, l'Allemand a failli accrocher une cinquième couronne avec Ferrari. Puis sa vitesse de pointe s'émoussa. Comme disaient les Eagles "They will never forget you 'til somebody new comes along..." Le New kid in town, c'était Charles Leclerc. Il tenait désormais la Scuderia et Sebastian Vettel n'était plus dans le coin pour longtemps.
Fin 2022, il annonça son départ. Sa vidéo "Air Papin" était doublement pathétique. La forme était ridicule. On voyait qu'il s'était tellement habitué à ce que les attachés de presse lui mâchent le travail, qu'il était incapable d'avoir une vraie idée pour s'adresser au public. Le fond était encore pire. Il voulait "Qu'on t'aime, et bien sûr pour ce que tu es", comme le chantait Emma Daumas. Or, entre phobie de l'invasion de sa vie privée et réelle absence de vie extra-sportive, il n'avait rien du tout à raconter sur lui.
Quatre mois plus tard, Sebastian Vettel disputait son dernier week-end de Grand Prix. Les formulix se déchainaient à chaque apparition, chaque mot du futur retraité : "Fichue poussière dans l’œil !" Et ensuite ? Pas grand chose. On l'a vu au Festival of Speed de Goodwood avec un Williams. Puis il prit le volant d'une Red Bull fonctionnant à l'essence synthétique, sur le Nürburgring. Pour l'activisme écologique, il a planté une ruche à Suzuka. Il a envoyé des ballons-sondes en F1 et en WEC, sans succès. Son "bruit" sur Google trend est édifiant. Depuis les pics de 2023 (les fameux Air Papin et dernier GP), plus personne ne l'évoque. Il est intéressant de noter que les Formulix l'ont lâchés. Beaucoup de comptes Twitter en "Vettel" se sont focalisés sur d'autres sujets, voire d'autres pilotes.


La substance, c'est ce qu'il reste à un pilote vieillissant.
Le Fernando Alonso de 2020 sortait d'une période contrasté. Son dernier podium en F1 remontait à son passage chez Ferrari et chez McLaren; il décrochait un top 5 par an. Il remporta deux fois les 24 heures du Mans et un titre en WEC avec Toyota, mais c'était davantage une alliance de raison. Puis il y eu ce retour raté dans l'orbite McLaren, avec une écurie de FREC et une troisième participation aux 500 Miles d'Indianapolis, pour faire oublier le fiasco de 2019.
Malgré tout cela, Fernando Alonso, cela restait une aura. Un nom capable de mobiliser les médias et les sponsors. Renault le recruta pour tout cela. Ce n'est qu'ensuite qu'ils se demandèrent s'il savait encore piloter une F1...

A contrario, donc, Sebastian Vettel n'aurait pas grand chose à offrir, en cas de retour en compétition. Et c'est clairement ce qui attend Max Verstappen. Tôt ou tard, son étoile pâlira. Un autre pilote brillera, battra ses records et il aura lui aussi une légion de fans dévoués. Poussé dehors, "Super Max" nous fera lui aussi une vidéo Air Papin, puis on l'oubliera.

Ce n'est pas qu'une charge contre Max Verstappen. La grille de F1 est affligeante. Y compris devant. On a vu un pilote fêter son contrat avec un top team en se rendant à Disneyland Paris, avec sa copine. Un autre s'est plaint qu'il y avait trop de monde dans les paddocks. Viens me chercher, maman, j'ai peur !
Dans l'une de mes premières vies, j'étais au service marketing d'une entreprise, où je participais au lancement de produits. Honnêtement, je serai bien incapable de créer une campagne autour des 3/4 de la grille de F1 actuelle. Car pour leur définir un univers propre...
Drive to Survive
a transformé les pilotes en héros de télé-réalité. En héros interchangeables de télé-réalité. Des pilotes aussi superficiels que l'intérêt que leur porte leurs fans. Personne ne s'intéressait à Nyck de Vries champion de F2 ou à Nyck de Vries champion de FE. Puis il fut bombardé nouvelle sensation de la F1. L'excitation fut croissante, jusqu'à sa signature chez Alpha Tauri. Puis le soufflet retomba, jusqu'à son licenciement et il redevint Mr Nobody.

Et c'est aussi pour cela que de vieilles gloires comme Henri Pescarolo, Jackie Stewart ou même Jean Alesi sont si demandées. Qu'à Maison & Objet, on trouve des objets consacrés à Jacky Ickx ou à Ayrton Senna, mais rien du tout sur Max Verstappen. Les vrais fans veulent rêver, s'attacher à des personnages entiers, passionnés et passionnants. Y compris des personnes trop jeunes pour les avoir vus en piste.


(Images générées par Dall-e Mini, sauf photo 3, Joest Ouaknine, ainsi que photos 5 et 7, captures de Google trend.)

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