Vincennes en Anciennes - novembre 2023

Ça faisait quelques temps que je n'avais pas assisté à la réunion mensuelle Vincennes en Anciennes. Alors j'ai mis mon réveil et j'y suis allé. Et je ne le regrette pas.

Je me suis garé au Parc Floral de Paris, sans être passé devant le château. Aucune ancienne en vue. Par contre, il y a des jogger avec maillot rouge-orangé. La réunion est-elle annulée pour cause de course à pied ? Ça ne serait pas la première annulation... Je me promets de lire les bulletins de VeA, avant d'y aller, la prochaine fois.

Heureusement, fausse alerte : le Xiaomi POP Run n'occupe qu'une partie de l'espace, en face de l'esplanade du Château de Vincennes. Pour une fois, la Mairie de Paris a su faire preuve d'esprit d'organisation.
Cela dit, qu'on nous rabatte pas sur la pollution visuelle et sonore des anciennes. Car côté Xiaomi POP Run, c'était sono à fond, avec animateur au taquet :
"...Suavemente, Besame/Que quiero... ALORS LES XIAOMI FAN, VOUS ÊTES PRES ? 5, 4, 3, 2, 1... TOUS ENSEMBLE !"

A l'approche du château, une forme jaune fluo émergeait : l'étonnant plateau DS21 Tissier de SM2A. Point de voiture à l'arrière. Mais l'engin méritait largement d'être exposé seul...

Plutôt que de parler des voiture déjà croisées, intéressons-nous plutôt aux voitures plus inédites !

Voici une Renault Torino ! Dans les années 50, l'Amérique du Sud jouait les voitures-balais des constructeurs occidentaux. Kaiser-Jeep vendit ainsi la ligne de production des Kaiser Manhattan et de la Jeep CJ2 aux Argentins. En 1960, Renault s'invita chez Industrias Kaiser Argentina et déposa la Dauphine dans la corbeille. Alfa Romeo, éphémère allié du losange, revendit lui la ligne de production de l'Alfa Romeo 1900.
Au milieu des années 60, la Kaiser Manhattan était obsolète. IKA se tourna vers American Motors et sa Rambler American (un modèle par ailleurs assemblée par Renault à Vilvoorde, en Belgique.) Juan Manuel Fangio sorti son carnet d'adresse et c'est Pininfarina qui s'occupa "d'argentiniser" l'American. Il fut renommé Torino. Il y eu une Torino berline, mais c'est surtout le coupé qui est passé à la postérité.
En 1967, Renault prit la main sur IKA, qui devint Renault Argentina. Yvon Lavaud fut nommé PDG. Ce dernier commandita une Torino "Renault-isée", la R40. Malheureusement, il mourut dans le crash d'un avion de ligne, en 1973. Juan Péron, revenu d'exil, était élu président. Déjà malade, il décéda en 1974. Sa femme, Isabel Péron, prit sa suite et le pays tomba dans le chaos. Le projet "R40" n'avait pas survécu à Yvon Lavaud. La filiale argentine s'orienta vers des programmes moins ambitieux (R6, R9...)

Ça se remplissait petit à petit, de personnes et de voitures...

Une GT rouge débarqua : une De Tomaso Pantera GTS, la fameuse glacière de Matching Numbers ! Alejandro de Tomaso avait bâti son entreprise pas à pas. Avec la Vallelunga, il avait essuyé les plâtres. Il racheta Vignale, ce qui lui donna une usine pour construire la Mangusta. Pour la Pantera, il voyait grand. Il passa un accord avec Ford et la Pantera fut distribuée aux USA, dans le réseau Lincoln-Mercury. Voilà pourquoi, dans certaines vieilles revues, on parlait de "Ford Pantera". On la voit dans We're an American band de Grand Funk Railroad. Le design de Tom Tjaarda était très moderne pour 1971. Le V8 5,8l Cleveland fournissait 335ch. Pas assez pour De Tomaso, qui créa une Pantera GTS 350ch ! A l'échelle de l'artisan, la Pantera se vendait comme des petits pains. Avec la Deauville et la Longchamp, l'avenir semblait radieux...
Le premier coup dur vint de Ford. Échaudé par la crise de 1973, il dénonça l'accord avec de Tomaso. En 1975, le robinet US fut fermé du jour au lendemain. Entre 1971 et 1975, De Tomaso avait vendu environ 5 000 Pantera.
Le second vint d'Alejando de Tomaso. L'homme d'affaires avait racheté Ghia et Benelli. Avec la crise de 1973, l'état Italien lui offrit sur un plateau Moto Guzzi, Innocenti et Maserati. Ses moyens n'étaient pas illimités et il fut obligé de choisir. Il redressa Moto Guzzi au détriment de Benelli, moins évocateur. Côté voitures, Maserati était une marque qui faisait rêver. On était moins de 20 ans après le titre de Juan Manuel Fangio ! A contrario, De Tomaso venait à peine d'éclore. Priorité au trident, donc. Dans les années 80, la Pantera évolua (un peu), mais les autres modèles furent abandonnés.

Dans ce genre de concentrations, vous pouvez passer du coq à l'âne ! Voici donc une Citroën Type B. Compte tenu de l'empattement et de la calandre, je dirais une B2 de 1925.

La première Citroën était la Type A, en 1919. La B2 la remplaça en 1921, corrigeant ses défauts. Notez les voies très étroites, typiques de l'immédiat après-guerre (la première, pas la seconde.) Dès 1924, la firme au chevrons dévoila un modèle avec carrosserie "tout acier" (une innovation US, pays dont André Citroën était un grand admirateur), la B10. Puis il y eu les B12 et B14. Puis, en 1928, Citroën inaugurait sa troisième génération de voitures, avec les C4/C6.
La stratégie d'André Citroën était hyper-agressive : des cycles-produits très courts, mais aussi des concessionnaires cyclopéens dans les grandes villes et des opérations de promotions (Croisières, série des Rosalie de record...) Grâce à cela, Citroën s'installa dans le paysage automobile, tout en marginalisant nombre de rivaux.

Malgré la pluie, il y avait une petite foule. Foule qui ignorait superbement cette Chrysler 2 litres. Pourtant, elles sont très rares. La dernière que j'ai vu, c'était il y a dix ans, à quelques décamètres de là.

Jusque dans les années 70, les grandes berlines de Ford et d'Opel/Vauxhall étaient directement inspirées de leurs cousines US. C'était l'apogée de la "bagnole Américaine" et ils comptaient en profiter... Chrysler aussi, possédaient des filiales Européennes. Alors pourquoi ne pas faire lui aussi une vraie-fausse Américaine ? En plus, le Pentastar força Rootes et Simca à collaborer. C'est Roy Axe, designer vedette de Rootes qui signa la ligne. Notez que des deux côtés de la Manche, c'était une Chrysler, pour faire plus Américain. En France, par rapport aux DS, 504 et autres R16, elle était clairement plus statutaire.

Elle apparu en 1970, alors que l'image de Simca commençait à s'effriter. Qui plus est, Poissy n'avait pas produit de vrai haut de gamme depuis les Vedette, dix ans plus tôt et il manquait de crédibilité. En 1973, Chrysler lança la 2 litres, une version équipée donc d'un 2 litres, avec boite automatique, toit en simili et longues portées.
Hélas pour elle, tout alla de mal en pire. La concurrence se renouvela avec la CX et la R20. La Chrysler 2 litres prit un coup de vieux. En 1977, avant de vendre à PSA, Chrysler arrêta la 2 litres et expédia l'outillage chez Barreiros, sa filiale Espagnole. En Grande-Bretagne, elle subsista et prit plus tard un badge Talbot.

Toutes les voitures de Vincennes en Anciennes roulent ! Ce propriétaire de cyclecar fait démarrer son bicylindre. De quoi rameuter tout le monde. Je préfère ça à Suavemente de la secte des Xiaomi-fans en face...

La plus longue voiture de cette réunion, c'était sans conteste cette Cadillac Seville. Le gag, c'est qu'en 1975, elle représentait une "petite Cadillac" ! Son V8 ne cubait "que" 5,7l. Côté style, les designers se seraient inspirées de la Rolls-Royce Silver Shadow... Mais ce design inspira surtout quantité de berlines GM de la fin des années 70 : Oldsmobile 98, Buick LeSabre, Chevrolet Impala, etc. Du plus pur style "caisse carré".
La seconde génération de Seville avait davantage de personnalité. Néanmoins, la première Seville resta la plus vendue. Y compris par rapport aux Seville STS des années 90, avec le célèbre V8 Northstar. Il faut dire qu'ensuite, Cadillac fit encore plus petit, avec les Cimarron, puis Catera et CTS. De quoi gréver les ventes.

Il ne fait pas parti de Vincennes en Anciennes, mais il est là !

Au milieu des années 70, Lotus arrêtait l'Elan. Il songeait alors déjà à une remplaçante. Faute de budget, le projet M80 n'alla pas très loin (au point d'être réattribué ensuite.) Lorsque Toyota prit des parts de Lotus, il s'en saurait servi pour dessiner la MR. Il y eu ensuite la M90/X100 de 1984.
Les MG B, Midget et Triumph TR7/8 avaient disparu au début des années 80. On pensait les roadsters Britanniques dépassés. Mais il restait une micro-niche d'amateurs. De quoi faire les affaires d'artisans comme Ginetta, Panther, Reliant ou TVR. Au point où en était Lotus, il n'aurait pas craché sur quelques centaines d'unités en plus. Sauf qu'il n'avait pas un sou vaillant ! La M90/X100 resta donc un prototype.

En 1986, GM débarqua. Le projet de "nouvelle Elan" rebondit. Plus question d'en faire une création artisanale. Les Américains avaient de grandes ambitions. Peter Stevens retoucha le dessin, pour qu'elle affiche sa parenté avec l'Esprit S4. GM imposa aussi un 1,6l Isuzu (seule la version turbo 165ch fut exportée.) Une mécanique connue, vu que Lotus avait conçu la version sportive de la Piazza. Sacrilège : il entrainait les roues avant. Notez enfin que l'Elan devait être distribuée dans le réseau Opel/Vauxhall. L'Elan débarqua à l'été 1989 et GM se voyait en vendre plusieurs milliers par an !

Sauf que quelques mois plus tôt, Mazda avait dévoilée la MX-5. Signalons qu'une Lotus Elan trônait au centre du bureau de design Japonais. Et sur l'archipel, elle disposait d'un logo Eunos carrément calqué sur celui de Lotus ! La MX-5 avait une ligne plus craquante, c'était une propulsion et elle était nettement mieux finie. Certes, elle n'offrait que 115ch, mais au passage en caisse, il n'y avait pas photo : 139 000 francs contre 258 000 francs. De quoi compenser aussi le déficit de notoriété et de légitimité.
Sans surprise, le public plébiscita la MX-5 et l'Elan passa inaperçue (malgré des apparitions dans Chérie, j'ai agrandi le bébé et dans le jeu Lotus Turbo Challenge.) A l'été 1992, GM arrêta l'Elan et revendit Lotus dans la foulée.
Bugatti, le repreneur, aurait découvert 800 blocs Isuzu à Hethel. Avec il créa une Elan S2, en 1994. Lotus jouait alors sur l'aspect "futur collector". La chaine parti en Corée du Sud. La Kia Elan fut hélas victime de la crise Asiatique. L'histoire s'arrêta en 1999. Ironie de l'histoire, son 1800 était un moteur Mazda produit sous licence.

Tout n'était pas perdu. Lotus compris qu'il était incapable de lutter face à un généraliste comme Mazda. Il fallait se contenter de micro-niches et se montrer radical. Ainsi, l'Elise naquit des leçons de l'Elan.

La Lancia Beta fut beaucoup déclinée : berline 5 portes, coupé, coupé découvrable, 4 portes (Trevi)... Fiat devait trouver que ce n'était pas assez, car il y raccrocha la Montecarlo ! La plus originale, c'était ce break de chasse, la HPE. Notez la présentation très soignée, avec ces jantes alliages. Ici, c'était une Volumex (VX.) Le 2,0l recevait un compresseur, délivrant 130ch.

A ce moment-là, il n'y avait plus beaucoup d'arrivants. Cette Alfa Romeo Giulia Nuova fut l'une des dernières à poser les roues sur l'esplanade. Le temps maussade n'incitait sans doute pas les propriétaires d'anciennes...

Avant de partir, attardons nous sur la Fiat 127. 

Les trois premières citadines modernes apparurent quasi-simultanément. La Fiat 127 précédant de quelques mois la Renault 5 et la Peugeot 104. Après une quinzaine d'années de tout-à-l'arrière, Fiat était passé en douceur à la traction. Autobianchi avait joué les éclaireurs (d'ailleurs, la 127 dérivait de l'A112.) Le nom et l'aspect devaient faire le lien avec la 126, qui allait être lancée en 1972 (mais conservait le moteur dans le coffre.) Fiat avait doté sa citadine d'un hayon. Par contre, contrairement à la R5, la 127 était austère à ses débuts. Elle n'offrait d'ailleurs qu'un unique 1l 47ch, dans une seule finition. Le COTY, toujours aussi visionnaire, la consacra en 1972, alors que la R5 -bien plus innovante dans son concept- échoua en finale en 1973.
La 127 était un poil plus grosse que la R5, mais elle semblait plus petite. Et surtout, plus frêle. Évidemment, vu de 2023, c'est facile de pointer les erreurs de la 127. Mais au début des années 70, Fiat, Peugeot et Renault s'étaient lancé dans un segment à défricher. La firme au losange avait tapé dans le mille, par hasard. Fiat rectifia le tir en 1977, avec un lifting et surtout, une palette de moteurs (dont un diesel.) Challenger de Volkswagen au Brésil, il dévoila, en 1976, une 127 modifiée, la 147. En 1979, elle reçu de nouvelles optiques plus grosses et des boucliers en plastique, ainsi qu'une version break. En 1981, la 127 reçu un ultime lifting, calqué sur celui de la 147. Le break Brésilien, la Panorama, débarqua dans la gamme. A partir de 1983, toutes les 127 au tarif Européen provenaient du Brésil. Elle quitta la scène en 1987, au Brésil, comme en Europe. Signalons enfin la Seat Pura, cousine Espagnole. Elle eu droit au lifting des 147/127 série 3. Les Espagnols créèrent une inédite Pura 5 portes. Elle fut produite jusqu'en 1987, date à laquelle Volkswagen prit le contrôle de Seat.

Fiat avait vite compris qu'il avait manqué d'ambition. Plutôt que de s'acharner sur la 127, il préféra s'atteler à une remplaçante. Les premières maquettes étaient jugées trop timide, alors Fiat se remit au travail. Giorgetto Giugiaro ayant le coup de crayon juste. Une ligne moderne et qui renvoyait davantage une impression de sérieux. Ce fut donc l'Uno, qui fut un temps la deuxième voiture la plus vendue en Europe. Non pas la deuxième citadine, mais la deuxième voiture "tout court" de l'Europe des 12 !

Il était l'heure pour moi de tourner les talons. Vincennes en Anciennes révèle toujours de bonnes surprises. Mon conseil, c'est de n'y aller qu'une ou deux fois par an, sous peine d'avoir l'impression de croiser toujours les mêmes voitures.

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