Solutrans 2023 : Mini-essai Fuso eCanter

A Solutrans 2023, (presque) tous les véhicules sont électriques. J'ai l'opportunité de monter à bord du Fuseau de Maître Canter...

S'il faudrait résumer Solutrans 2023 en un mot, ce serait "électrification". Le mot est sur toutes les lèvres. A court terme, tous les utilitaires, y compris les poids-lourd, deviendront électrique. Tout le monde a beaucoup de questions et peu de gens possèdent des réponses.

Pour l'instant, les ventes de +3,5t électriques sont marginales. L'implosion de Proterra, entrainant Volta -qui devait faire le show à Solutrans- dans sa chute et la mauvaise blague Nikola montrent que la route est longue.

En attendant, le salon propose un centre d'essai de camions électriques. On ne peut pas essayer tous les poids lourds. Notez qu'en plus, certains véhicules sont des prototypes, avec une fiabilité de prototypes... Chez certains constructeurs -comme Daimler-, il faudra se contenter du siège passager, titulaire du permis C ou pas. D'autres considèrent que les essais sont réservés aux clients et prospects. Renault Trucks est franchement hostile aux "prospects spontanés".

En tant qu'amateurs d'histoires tortueuses et de Berliet, je me devais d'opter pour le Fuso eCanter !

Paul Berliet a essayé d'exporter ses camions, à coup d'usines d'assemblage : Algérie, Chine, Maroc et... Portugal. En 1964, le Portugal ne faisait pas parti de l'Europe des six. Qui plus est, au temps de Salazar, le pays était sous le coup d'un blocus, comme son voisin Espagnol. La famille Duarte Ferreira, propriétaire de l'entreprise TRAMAGAL basée à... Tramagal, signa un contrat en 1964. Les Duarte Ferreira sont proche de Salazar. Ils fournirent des GBA et GBC pour lutter contre les indépendantistes Angolais, Mozambiquais et Sierra-Léonais. Des guerres ruineuses et impopulaires. En 1974, la révolution des œillets balaya Caetano, le successeur de Salazar. Comme par hasard, TRAMAGAL connu alors des soucis. Curieusement, l'Angola -devenu indépendant- était un gros client des camions militaires de l'ex-ennemi. Mais en 1977, Renault racheta Berliet et il déchira le contrat avec TRAMAGAL.
Après une période de flottement, Mitsubishi racheta l'usine de camion de TRAMAGAL, en 1980. Les Japonais ont compris que le Portugal allait intégrer dans la CEE. Cette usine Portugaise était une porte d'entrée, comme son homologue Espagnol EBRO, repris par Nissan. En 2001, Mitsubishi Motors Corporation (MMC) était KO. DaimlerChrysler fut brièvement actionnaire de la marque aux trois losanges. L'état Japonais aida MMC a se redresser et à racheter ses parts à DaimlerChrysler. Néanmoins, Daimler conserva la main sur la branche poids-lourd. Elle fut renommée Fuso en 2005, alors qu'elle était intégrée au pôle PL de Daimler. Notez que Fuso et Hino devraient fusionner, au sein d'une joint-venture entre Daimler (qui a externalisé son pôle PL) et Toyota.
L'usine de Tramagal est donc intégrée au groupe Daimler depuis 2004. C'est Daimler qui a voulu faire de Tramagal son site pilote sur les camions VE.

On a ici affaire à un eCanter 6t.

En France, les Fuso sont bien rares. 1 485 ventes dans l’hexagone, en 2023. C'est un rapport de 1 à 14 par rapport à Renault Trucks, par exemple.
Le Canter est quasiment l'unique Fuso exporté hors du Japon. Le terrain de jeu des Canter, c'est davantage ce que l'on appelle pudiquement les Pays en Voie de Développement. Il y font figure de bêtes de somme increvables, au chargement généreux. On en voit régulièrement dans Les routes de l'impossible. J'en ai croisé aux Philippines.

Le Canter huitième génération a été relifté. Autant la mécanique était indestructible, autant l'intérieur était biodégradable. Avec le lifting, Fuso lui a fourni des commodo plus solides et au design légèrement plus flatteur. 

En bon utilitaire low-cost, le Canter possède des diesel particulièrement bruyants à froid et à bas régime. Le silence au démarrage est déconcertant. Du coup, on entend la box, dont les montants travaillent à chaque inégalité de la route.

Ici, on est sur un 6S15e empattement court (2,5m.) Il est disponible avec un moteur 110kW, 430Nm et une batterie 41,3kWh. Il peut embarquer 3,5t et parcourir 70km en cycle WLTP.
A titre de comparaison, le 6S15e diesel possède 110kW, mais seulement 400Nm, par contre, il embarque 3,8t. Et l'on ne parle pas de l'autonomie...

Évidemment, avec un tour de pâté de maison, sur le siège passager, on ne parlera pas de sensations de conduite. D'après le chauffeur -par ailleurs formateur-, la conduite d'un camion électrique impose une remise à plat des connaissances. En éco-conduite "diesel", l'autonomie fond comme neige au soleil. Le dosage de l'accélérateur est différent. Il faut aussi jouer sur la récupération d'énergie (réglable.) Notez qu'il ne possède qu'une seule vitesse, ce qui est problématique en cote.

L'eCanter ne peut donc faire que de la distribution locale. De toute façon, même un Paris-Lyon en Canter diesel n'aurait aucun sens.

A court terme, l'eCanter permettra d'accéder aux ZFE. Car non, le vélo-cargo ne peut pas tout faire...

A propos de vélo-cargos, à Solutrans, il y a une piste d'essai dédiée. Comme on peut le voir, c'est un franc succès. Pas tous en même temps !