Le rouge, ça va vite

On croise de tout, dans les rues de ma ville ! Après la Citroën BX première génération, voici une Dodge Viper RT/10. Oui, une "Dodge" Viper. A l'époque, la voiture était importée en France sous le badge Chrysler. Mais pour l'homologation, les Chrysler Viper avait des échappements normaux. Les latéraux étaient factices. Ici, vu qu'elle possède des échappements latéraux, c'est donc bien une Dodge. Et accessoirement, la lame du spoiler avant plate trahit une SR1, jamais importée.
Lorsque Bob Lutz débarqua chez Chrysler, au milieu des années 80, le groupe était dans le même état que Rover, à la même époque. La marque avait échappée à la faillite et elle était redevenue rentable. Mais elle avait complètement perdu son âme. Le groupe n'avait pas vraiment de navire-amiral, ni dans le luxe, ni dans le sport. Quant à Dodge, il produisait ça.

Remarquez, à l'époque, Ford et GM étaient également en plein désarroi. Que voulait la clientèle Américaine ? Dans quelle direction fallait-il aller ?

Alors les "trois grands" débarquaient à Detroit avec plusieurs concepts-car sous le bras. "Ca vous plait ? Non. Et celle-là ? Oui ? OK, on la produit !" Chrysler mettait le paquet, car il fallait reconquérir le public et effacer une image de marque très négative. La Lamborghini Portofino (1988) annonçait la Dodge Intrepid/Chrysler Concord/Eagle Vision. La Dodge Neon (1991) préfigurait la voiture éponyme. Parfois, un concept-car était corrigé. La Chrysler 300 (1991) évolua en Chronos (1998), qui devint la 300C de série.
Lutz voulait des coupés, des roadsters et des voitures de compétition. Alors il fit un tir de barrage. Faute de trouver ce qu'il cherchait dans le passé de la marque, il s'inspira des autres. Il y eu la Chrysler Atlantic (1995), une réinterprétation de la Bugatti 57S Atlantic. La Plymouth Prowler (1993), créée par un jeune Chip Foose, en songeant aux rods sur base Ford '32. La Plymouth Pronto Spyder (1997) lorgnait vers la Porsche Spyder 550. Elle n'a pas plu. Mais le nom fut réutilisé sur la Plymouth Pronto Cruizer (1998), une Prowler break annonçant clairement la PT Cruiser. Et en matière de projets fous, qui se souvient de Chrysler Patriot (1993) ? Cette barquette propulsée par une turbine devait s'attaquer aux 24 heures du Mans !
C'était dans ce contexte que Dodge débarqua au salon de Detroit 1989 avec la Viper concept. Elle était clairement inspirée par la Cobra.

Le public fut enthousiaste. Bob Lutz tenait de quoi offrir un électrochoc à Dodge, alors il plongea ! Lamborghini -alors propriété de Chrysler- fut chargé de développer le V10 8 litres (!) 400ch. Une mécanique dérivée du V8 du Dodge Ram Van ! Carroll Shelby, qui avait développé des versions sportives des Dodge Omni et Charger, fut appelé. A moins que l'équipe ne cherche surtout l'imprimatur du père de la Cobra... Quant à Michelin, il du construire des roues arrières sur mesure. A l'époque, ces roues de 335/35ZR17 étaient les plus larges de la production. Pour le manufacturier Clermontois, c'était aussi un moyen de pénétrer le marché US, jusqu'ici chasse gardée de Good Year et Firestone.
En 1991, Dodge avait prévu de fournir une Stealth pour les 500 miles d'Indianapolis. Tollé des ouvriers de Chrysler. Pas question de faire "Indy" avec une Mitsubishi rebadgée ! Le constructeur sorti une Viper de pré-série et Ol'Shel' en prit le volant.
L'année suivante, la Viper RT/10 de série sortit enfin. C'était une voiture superlative. Une gueule béante surmontée de deux fines optiques (c'était avant les xénon.) Un capot interminable, s'ouvrant intégralement, avec de larges nasaux sur le dessus. Des hanches larges. Un habitacle scindé en deux par un immense tunnel de transmission. Il y avait des détails baroques, comme les échappements latéraux, les pneus dignes d'une F1 (mais en taille basse) et ces jantes façon étoile de ninja. La Viper semblait sorti d'un comic ou d'un actionner bien bourrin. Même pas du Sylvester Stallone ou de l'Arnold Schwartzenegger, non, plutôt un Chuck Norris ou un Hulk Hogan ! America, fuck yeah !
La presse Française fut assassine : habitabilité ridicule (surtout par rapport au gabarit), boite imprécise, garde-au-sol inadaptée à un usage routier, coffre symbolique... Et le tout réalisé en cochonium, dans la plus pure tradition US...

Moi, j'adorais la Viper. J'en ai eu une Bburago au 1/18e, deux Maisto au 1/40e (merci Shell) et la Rent-a-car du Mans, au 1/43e.
La Viper semblait bien partie pour être une légende, au même titre que la Corvette et la Mustang. Hélas, l'histoire s'est terminée en eau de boudin. En juillet 2010, la dernière Viper ZB 2 sorti de chaine. En septembre, Sergio Marchionne dévoila le prototype de la VX. Elle fut produite pour le millésime 2012. Les ventes n'ont jamais décollé. En octobre 2015, FCA annonça la fin de la production. Fin août 2017, la dernière Viper sorti de chaine et dans la foulée, son usine de Corner Avenue fut fermée.
Et la nouvelle passa quasiment inaperçue. C'est dire à quel point elle n'intéressait plus grand monde.

Est-ce que le nouveau patron de FCA souhaitera relancer la machine ? Ces dernières années, Chrysler et Dodge n'ont pas lancé grand chose de neuf. Les stars, ce sont Jeep et Ram. A Detroit, FCA a donc lancé un Cherokee et un RAM 1500, tandis que le Wrangler vient de débuter à Los Angeles. Et c'est tout. Même pas un concept-car à se mettre sous la dent !

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