Ce n'est pas du Photoshop !

Le Bon Marché aime bien les décors atypiques. La dernière fois que j'y suis allé, il y avait des voitures de manèges, au rayon jouet.

Ils avaient une très jolie BMW "Neue Klasse", mais il y avait en permanence des enfants dedans. Donc, pour d'évidentes raisons, je ne l'ai pas prise en photo...
Si ce bus jaune et noir m'intriguait, c'est parce que je l'ai vu sur internet !
C'était un photo basé sur une Ford 1958/1959. La cellule centrale était rallongée jusqu'aux extrémités de la voiture. Il y a pas mal de voitures de ce style, mais là, l'auteur avait pris soin de modifier les portes. Surtout, comme la berline à l'ovale bleue possède des pare-brise très verticaux, la ligne est plus cohérente. Seules les porte-à-faux et l'absence de compartiment moteur trahissent l'origine. On obtenait le monospace que Ford n'a jamais fait...
De mémoire, il était rouge à toit blanc. Et bien sûr, impossible de retrouver l'illustration...

Il y a trop de similitudes pour que ce soit une coïncidence. Et ça m'étonnerait que l'auteur du photoshop ait été rémunéré...
Internet a des avantages et des inconvénients. L'avantage, c'est qu'il offre une visibilité inédite à tout le monde. Beaucoup d'artistes se sont fait connaitre sur internet. L'inconvénient, c'est qu'il est très facile de copier. On peut même chercher des idées à copier ! Et en cas de litige, les procédures sont inadaptées. On a créé de nouvelles lois sur le copyright, mais elles permettent surtout aux gros émetteurs de contenus de garder des droits sur des œuvres a priori tombées dans le domaine public. Pour les "petits", en revanche, cela reste un marigot de législations nationales. Ici, il faudrait que notre designer se trouve un avocat et attaque le fabricant de jouet, en admettant que tout le monde soit basé en France. Et la défense dirait que de toute façon, ce n'est pas lui qui a dessiné la Ford 1958/1959, donc il n'a rien à revendiquer !
Les Américains possèdent une hégémonie intellectuelle sur le monde.
Tout le monde pense que cela vient de l'après-guerre, lorsqu'il y avait des soldats Américains stationnés dans toute l'Europe de l'Ouest (et une partie de l'Asie.) Les adolescents voulaient les imiter, jusque dans les détails. Pour le monde ouvrier, le paradis sur terre se situait à Moscou. Oui, mais Moscou, c'est loin. Alors que les GIs, leur base est dans le village d'à-côté ! Alors, Yankee, go home, n'empêche Rock around the clock, cela faisait davantage rêver les adolescents que Kalinka, Kalinka... D'où l'invasion de la pop-culture US.

En fait, dans le monde industriel, les Américains se sont imposés dès les années 10. De grands penseurs Européens, on en a eu comme Blaise Pascal, Jean-Jacques Rousseau, Charles Fourier... Mais ils cherchaient avant tout à créer une société (dans le sens "communauté d'individus") plus prospère. Pour Karl Marx, le terme "productivité" possédait une connotation négative : c'est la différence entre la création de richesse d'un ouvrier et ce qu'il était effectivement payé ; le patron empochant cette différence, à son insu. Même pour les libéraux, comme Adam Smith, l'objectif était d'optimiser les ressources économiques et financières, à l'échelle d'un pays.
Pour l'Américain Frederick Taylor, ce qui comptait, ce n'était pas le bien du pays, mais celui de l'entreprise. L'autre nouveauté, c'est que ces nouveaux penseurs sont des consultants. Ils peuvent venir dans votre entreprise pour vous présenter leurs merveilles. Henry Gantt, un disciple de Taylor, fut le premier à partir sur les routes. La demande en conseils était énorme. Au point que l'Autrichien Peter Drucker ou le Français Charles Bedeaux traversèrent l'Atlantique pour vendre (à prix d'or) leurs idées... Ils proposaient aux entrepreneurs de gagner de l'argent, alors forcément, on les écoutait !
Une vision utilitariste des sciences (les sciences molles, puis les sciences dures) et de gros efforts d'autopromotion, au moment de la publication des résultats. Des livres concis, avec des idées percutantes. Et plus tard, des documentaires, des clips vidéos... Les universitaires européens tristounets, avec leurs colloques et leurs thèses, ils furent balayés.

J'ai pas mal de grief envers la production intellectuelle Américaine. Elle est souvent pensée par et pour les Américains. Après, il y a un moment où le sujet finit par influer sur l'objet. A force d'avoir tous les projecteurs  braqués sur eux, les essayistes Américains se sont pris pour le centre du monde. A croire que ce qui était vrai chez eux, est forcément applicable ailleurs. Il ne faut pas non plus perdre de vue que les cabinets d'études et les chercheurs ont un but lucratif. Le rapport, que ce soit un article, un livre, un documentaire, etc. doit apporter gloire et/ou fortune à son auteur. Quitte à partir des conclusions et bâtir son étude en chaussette...
En face, ils ont souvent des gens qui avalent tous cru les idées. Ils sont comme ces gamins qui épiaient les GIs. "T'as vu comment il tient sa clope ? Je veux faire pareil !" Dans l'automobile, les Trois Grands (surtout GM et Ford, depuis que Chrysler a du prendre un remède de cheval, à la fin des années 70) ont donné le tempo. Sur les vans, les 4x4, les SUV, la création de groupes transnationaux, l'invasion des marchés d'extrême-orient... Ils faisaient et les généralistes Européens copiaient. Et puisque le canevas Américain ne collait pas à notre vieille Europe, on a qu'à transformer l'Europe en de nouveaux Etats-Unis ! Tant pis s'il y avait des ratés.
Et actuellement, il y a une panne d'idées. Donald Trump, c'est satan, donc on ne peut plus le copier. Qui plus est, Ford et GM en sont à abattre le mat pour éviter de chavirer. Enfin, avec le Brexit, l'Europe n'est plus un marché homogène. La boule de cristal made in USA est cassée. Mon impression sur ce salon de Genève 2019, c'est l'attentisme général. Comme disait Renaud : "C'est quand qu'on va où ?"

Commentaires

Articles les plus consultés