Solide !

Parfois, plus vous vous approchez d'un véhicule, plus vous allez de bonne surprise, en bonne surprise. Vu de loin, ce 4x4 noir attirait mon œil. Un Land Rover assez ancien. Peut-être un "Series", plus probablement un 110 des années 80. Non, il est plus moderne : c'est donc un Santana. Et finalement, je découvrais le badge à l'arrière : Iveco Massif.
Faisons un tour en Andalousie... En 1954, la Metalúrgica de Santa Ana voyait le jour, à Linares. Ce constructeur de machines agricoles approcha Rover. Santana prit une licence de fabrication du Land Rover.
A l'époque, le Land Rover était également assemblé en Belgique (par Minerva), en Allemagne (par Tempo) et... En Colombie (par Colmotores.) Ce dernier accumulait les difficultés (notamment la bureaucratie et un contexte politico-économique difficile.) La production ne démarra qu'en 1961. 4 ans et 4 000 véhicules plus tard, Chrysler racheta l'entité. Compte tenu de la relation privilégiée de l'Espagne avec l'Amérique Latine, Santana obtint l'exclusivité du continent. Nul doute que suite au flop Colmotores, BL était content de laisser un autre s'en occuper...
Lorsque Franco mourut, Santana profita de l'ouverture économique du marché pour exporter, notamment en Afrique du Nord et au Moyen-orient. C'est ainsi qu'il fournit des kits à Morratab. Ces nouveaux clients avaient des griefs par rapport aux aptitudes en tout-terrain du Land Rover. Lorsque les Espagnols remontèrent les informations, BL lui tendit son majeur. Il avait d'autres chats à fouetter... Santana commença à modifier ses Land Rover. Il créa même le 88 Ligero, inspiré par le 1/2 ton Lightweight, destiné aux forces spéciales. La grosse différence, c'est que le 88 Ligero était commercialisé auprès des particuliers. Il fut ainsi très prisé des amateurs de trial, mais BL interdisait à Santana de l'exporter en Europe.

En parallèle, Suzuki approcha Santana. En 1985, Linares commença à assembler des Jimny. Là, aucune interdiction d'exporter. Au contraire. Suzuki était plus que content de voir son Jimny envahir l'Europe. En 1991, Santana passa la 2 avec le Vitara. Le constructeur Japonais devint le premier actionnaire de Santana. En conséquence, les Espagnols durent arrêter les dérivés de Land Rover. Le constructeur revendit l'outillage du 3500 (dérivé du 110) à Morratab, en 1994...
Mais dès 1995, la donne changeait. Suzuki avait prévu que son futur Jimny serait uniquement produit au Japon (du moins, les exemplaires destiné à l'Europe.) Il revendit Santana pour une peseta symbolique à la région Andalouse, tout en se gardant le réseau.
Santana gardait l'outillage du Vitara, qu'il produisit sous ses propres couleurs. Surtout, il retourna à ses Land' à la sauce espagnole avec l'Anibal. Dans la tradition de Santana, il se voulait ultra-rustique. Un franchisseur pur et dur, pour ceux qui trouvaient que le Defender avait vendu son âme au diable !
Là, vous pensez : "Pourquoi est-ce qu'il me parle de Santana ? C'est un Iveco ! Il y a écrit I-VE-CO sur la calandre, pas Santana !"

On déménage en Italie. Au lendemain de la Deuxième Guerre Mondiale, l'armée Italienne -comme nombre d'armées- roulait en Jeep. De quoi énerver Fiat. En 1951, le constructeur dévoila le Campagnola, une Jeep à l'italienne. L'Armée Italienne fut ainsi équipée pour les années 50, 60. Pour info, ce fut la dernière voiture produite au Lingotto.
Dans les années 60, les armées Allemandes, Françaises et Italiennes voulurent rapprocher leurs besoins. C'était le projet Europa-Jeep. Deux consortium étaient en lice, mais la prise de décision trainait. En attendant, l'armée Italienne faisait des avenants de commande à Fiat.
Au début des années 70, le projet n'a pas avancé d'un pouce. Alors que Allemands et Français se contentèrent de véhicules "provisoires" (VW 181 et Citroën Mehari), les Italiens jetèrent l'éponge. Ils demandèrent à Fiat de faire une grosse mise à jour du Campagnola. Une fois le projet Europa-Jeep enterré, Renault V.I. proposa une Campagnola à moteur de R20 à l'armée Française. Les tests furent bons, mais curieusement, c'est la Peugeot P4 qui fut choisie.

Par la suite, l'armée Italienne employa des Land Rover.

Au milieu des années 2000, nouvel appel d'offres Italien. Fiat et Iveco se tournèrent vers Santana. Giorgetto Giugiaro fut chargé de le remodeler (pour éviter les protestations de Land Rover ?) Iveco baptisa la version militaire Campagola (en hommage au 4x4 militaire sus-cité.) La version civile, elle, prit le nom de Massif. En effet, les appel d'offres portent souvent sur des volumes ridiculement bas (avec d'hypothétiques options sur des véhicules supplémentaires), le tout avec des campagnes de production, au gré des lois-programmes. Voilà pourquoi les grands constructeurs ont arrêté les frais dans le militaire. Iveco, lui, comptait lisser la production avec du civil.
A l'époque, Fiat n'avait pas de tout-terrains et il envisageait de l'intégrer à sa gamme. En attendant, le constructeur d'utilitaires le rapprochait des ses véhicules tout-terrains.
Le Massif sorti en 2007, mais la production ne démarra véritablement qu'en 2009. Iveco n'avait pas l'habitude de s'adresser au grand public et les ventes furent décevantes. Or, cette même année 2009, Fiat se rapprochait de Chrysler, donc de Jeep : plus besoin d'essayer de promouvoir le rustique Massif. En 2011, Fiat déchira son accord avec Santana. La production s'arrêta et l'usine ferma, quasiment du jour au lendemain.
Du coup, les Iveco Massif sont très rares. J'en avais croisé un au salon de Bologne 2008. Le stand Iveco avait fait une mise en scène très "Guerre en Iraq"...

En tout cas, difficile de faire plus exotique que cette bouilli anglo-hispano-italienne... Quoique Morratab fit très fort : ils équipèrent l'ex-Santana 3500 d'un V6 Hyundai, ce qui faisait donc un attelage anglo-hispano-irano-coréen !

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