Spencer Pigot

Une Peugeot 404, l'été, quoi de plus normal ?

Quand j'étais petit, j'ai connu l'époque où, sur l'A6 et l'A10, on voyait des 404 break, 504 break et autres 505 break, chargées jusqu'à la gueule, descendre en direction du bled... Et pas plus tard qu'à l'automne dernier, en Tunisie, j'ai vu des 404 pick-up rendre encore service.

Il faut dire que c'était de la voiture increvable. 300 000km, c'était juste la fin du rodage ! Deux-tiers de siècle plus tard, malgré des conditions extrêmes (chaleur, routes défoncées, tempêtes de sable...) et des réparations souvent rudimentaires, elles sont toujours là.
En février 1960, la production de la 203, première Peugeot de l'après-guerre, s'arrêtait. La 403, sa plus ou moins remplaçante se retrouvait seule... Mais juste pour trois mois, car en mai, la firme au lion dévoilait la 404.
Comme la 403 vis-à-vis de la 203, la 404 marquait une légère montée en cylindrée (1,6l contre 1,4l) et en gamme. La 404 n'avait plus aucun complexe face à la DS19, a fortiori en version luxe. Notez que la 403 resta en production jusqu'en 1966. C'est ce que l'on appelle une transition en douceur...

Peugeot jouait la carte du conservatisme. Le moteur dérivait de celui des 403 et 203, la boite de vitesse était reprise telle quelle et bien sûr, c'était une propulsion. De quoi rassurer une clientèle un peu effrayée par l’extravagance de la DS. Ca n'empêcha pas la 404 de jouer les coquettes, avec ses versions coupés et cabriolets.
La ligne de la 404 était signée Pininfarina. A l'époque, le designer (mais aussi Bertone) jouait de la photocopieuse. Sur l'Austin A40 "Pinin" (1959), on voyait clairement un air de famille avec la 404. Idem sur les Fiat 1800/2100 (1959.) Et sur l'Austin Westminster (1961), là, c'était carrément du copier/coller !

Au début des années 60, les exportations de berlines étaient rares. Peugeot 404, Fiat 1800 et Austin Westminster se croisaient rarement. Donc leurs propriétaires respectifs pensaient que leurs voitures avaient un design original !

A l'époque, on ne se posait pas trop de questions. Les modèles avaient des durées de vie très longues. La 404 est sortie 5 ans après la 403. Garder les mêmes lignes ou souligner davantage l'air de famille, n'aurait eu aucun sens (et ça aurait risqué de donner un air désuet à la nouvelle venue.)
Plus généralement, les constructeurs n'avaient pas du tout conscience de leur image ou de leur univers. Chaque modèle était un peu une marque à part entière. C'était d'autant plus vrai chez Citroën, où 2cv et DS n'avaient pas grand chose en commun.

Lorsque les Allemands, les Britanniques, les Français ou les Italiens voulaient une voiture sportive, cossue ou plutôt typée, ils se tournaient vers les designers Italiens. L'Italie était la patrie des designers et du design. Il y eu même des tentatives "d'Italianiser" des voitures (Ford Anglia Torino, Morris Marina Ital...)

Dans les années 60, 70 et même 80, les généralistes européens se lancèrent dans une course à la croissance. Il fallait passer d'un modèle unique à une gamme de deux, trois ou quatre modèles.
Faire appel à la croissance externe était fréquent et cela pouvait prendre des formes multiples. Le plus évident, lors de l'absorption d'un constructeur, d'apposer son badge sur un modèle déjà existant (cf. Volvo/Daf 66, BMW/Glas 1700, Hopestar ON360/Suzuki Jimny, Ford/Simca Vedette, etc.) Parfois, vous absorbiez un constructeur avec un modèle dans les tuyaux et au dernier moment, il prenait votre badge (cf. Nissan/Prince Skyline C10, VW/NSU K70, Daf/Volvo 300...) D'autre fois, vous pouviez négocier avec l'ancien propriétaire un projet mort-né, destiné à une autre marque (cf. [Austin] Innocenti Mini, [Mercedes-Benz] Audi F103...) Si vous manquiez de modèle, vous passiez un accord pour produire tel quel un modèle d'un autre constructeur, même si vous n'avez pas de liens capitalistiques avec lui (cf. Alfa Romeo Arna, Truimph Acclaim, toutes les premières Seat...) Et enfin, vous pouviez carrément garder le badge d'origine (cf. [Alfa Romeo] Renault R4, [Datsun] Austin A50, [Saab] Lancia Delta...) Sans oublier les modèles sortis simultanément sous plusieurs badges, un sport typique des anglo-saxons...

Toutes ces pièces rapportées semblaient normales. Et cela renforçait l'idée que ce qui primait, c'était d'avoir une gamme complète.
A partir du milieu des années 80, le marché est consolidé. Il s'agit de moins en moins de bâtir une gamme et davantage de remplacer les modèles existants. De plus, les designers ont trop tiré sur la corde : designs banals, copier/coller, etc. le tout à un tarif délirant. Les généralistes mettent en place de vrais bureaux internes de design, quitte à débaucher des stars venues d'Italie. Ils ont été persuadés de pouvoir faire aussi bien que les Italiens... Il suffit de mettre cote à cote une 406 Coupé et une 407 Coupé pour voir que ce ne fut pas le cas...

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