Rétromobile 2019 : 33. Daf 66 1300 Marathon

Ah, le coin des voitures à vendre de Rétromobile... Beaucoup de voitures des années 60, 70. Des MG B, des Fiat 500, mais pas que... Le salon allait bientôt fermer, j'étais loin d'avoir tout vu et je n'avais pas le temps de toutes les prendre en photos... Tiens, une Daf ! Allez, hop, je l'immortalise !

N'est-elle pas mignonne, cette Daf 66 1300 Marathon, avec ses longues portées jaune et ses jantes Minilite ? Sans oublier la bande latérales...
Née en 1972, la Daf 66 remplaçait la 55. Giovanni Michelotti lui avait donné une ligne complètement inédite. La plateforme, restait la même. C'est à dire que c'était peu ou proue celle de la toute première Daf, la 600 de 1957.
Pour le moteur, les Néerlandais se sont fournis chez Renault. D'abord avec un 1,1l et ici, avec un 1,3l 57ch. La boite était bien sûr une Variomatic Daf.
Et ensuite ? Pour expliquer le devenir de Daf, il faut faire un petit cours d'économie.

En 1922, l'autobiographie d'Henry Ford, My Life and work, écrite Samuel Crowther, fut publiée. Elle devint le livre de chevet de nombreux industriels. Le terme "Fordisme" apparu à la même époque. Le Fordisme, c'était du "push" : produire toujours plus, perfectionner, d'année en année, le produit. Ford croyait en une marque monoproduit.
L'inconvénient immédiat de ce système, c'est que l'entreprise reposait entièrement sur un produit et son cycle. Ford lui-même failli sombrer à la fin des années 20, lorsque la T devint obsolète. Pour s'en prémunir, à partir de 1932, le constructeur opta pour un lifting complet tous les 2, 3 ans. Ford voulait motoriser la classe ouvrière. Il n'avait pas prévu que les ouvriers puissent s'enrichir, au point que la Ford, même dans sa finition la plus luxueuse, ne correspondrait plus à ses besoins. Après tout, même Karl Marx n'avait pas prévu que les ouvriers puissent s'enrichir ! Aussi, Ford quitta vraiment le modèle unique avec la Falcon, en 1961. Puis, en 1964, les Custom, Fairlane et Galaxy devinrent trois modèles distincts. 

Ainsi, Ford ne respectait plus les principes du Fordisme. Malgré tout, 40 ans après My life and work, cela restait un horizon indépassable pour les dirigeants européens. La plupart des constructeurs restaient sur un modèle unique, avec un cycle de vie très long et presque exclusivement vendu localement. American Motors, British Leyland, Rootes ou Volkswagen étaient des agglomérats de marques nationales n'ayant chacune qu'un seul véhicule réalisant des volumes.
Puis, à la fin des années 60, Gianni Agnelli se voulut messianique : l'avenir appartiendrait aux groupes internationaux, produisant au moins 2 millions de voitures par an. Les autres seront condamnés à disparaitre. Fiat était d'ailleurs l'une des rares marques multi-produits, tout comme sa filiale Lancia. Peugeot, Volkswagen, Alfa Romeo, puis plus tard Rover, Saab et d'autres se créèrent une gamme. Ces acteurs prirent de l'ampleur et à l'instar de Peugeot et Volkswagen, il purent absorber d'autres marques.
Bien sûr, tout le monde ne pouvait pas se constituer en groupe produisant 2 millions de voitures. Théorie classique de l'innovation : les acteurs ne pouvant ou ne voulant grossir étaient condamnés à être absorbés (comme Autobianchi, AMC ou Innocenti), voire à disparaitre (comme Rootes ou la plupart des marques de British Leyland.)
L'histoire de Daf était intimement liée à celle de son fondateur, Hub van Doorne (Daf signifiant [Van] Doorne's Automobiel Fabriek.) En 1972, van Doorne prit du recul et il vendit un tiers de son groupe à International Harvester.
Daf faisait parti de ces petits constructeurs généralistes. La 66 arrivait en fin de cycle. Les Néerlandais préparaient une remplaçante, la 77, mais ils manquaient de moyens. Il aurait fallu investir lourdement pour que Daf devienne un vrai généraliste d'envergure européenne. Surtout, International Harvester ne s'intéressait qu'au poids-lourd.
En 1973, Volvo acquit un quart de la branche auto. Le solde suivit en 1975, avec l'usine Nedcar de Born. En 1976, la 66 devint "Volvo 66", avec un léger lifting. La 77, elle, fut produite sous le nom de Volvo 343. A cette date, Daf n'avait plus aucun lien avec les voitures produites à Born. Pourtant, avec les moteurs Renault, les séries 300, puis 400 gardèrent leur spécificités. On parlait de "Volvo Hollandaise". Il fallu attendre 1994 et la S40 pour que ces petites Volvo soient enfin réellement intégrées à la gamme !
Pour étendre sa gamme et quitter le modèle unique, Volvo choisit donc d'absorber une autre marque. Exactement comme BMW l'avait fait avec Glas. Néanmoins, l'ombre d'Agnelli et ses 2 millions de voitures par an continuèrent longtemps de planer sur l'automobile. Ainsi, en 2000, Volvo Group vendit sa branche automobile, persuadé qu'elle n'atteindrait jamais une taille critique.

Je trouve cette manière de suivre aveuglement des préceptes ridicules. Le "mais à l'école on disait que", c'est valable pour les stagiaires, pas pour les dirigeants d'entreprises ! Il faut savoir se projeter au-delà des schémas classiques et savoir analyser les réalités d'un environnement.
Daf a aujourd'hui complètement implosé. La branche poids-lourd appartient à Paccar. Le groupe VDL s'est offert les bus, en faillite après une aventure Britannique. VDL a également racheté l'usine de Born, qui produit des MINI. L'héritage de Daf auto s'est complètement dissout dans Volvo.
Reste les boites de vitesse, vendues à ZF en 1998. En 2006, la société passa sous le contrôle de Punch. 

Guido Dumarey, son PDG, est un personnage controversé. Pour les uns, c'est un Bernard Tapie ou un Donald Trump ; un homme d'affaires sans scrupules qui achète, en tire le maximum, puis revend la pulpe. En tout cas, Punch possède un contrat pour des boites de vitesses avec PSA. Je le sais d'autant plus que j'ai travaillé sur ces boites ! 
Punch était candidat à la reprise du site Ford de Bordeaux, qui fabrique des boites de vitesse. Même les syndicats ne voulaient pas de Dumarey. Ce qui est tout de même une logique surprenante. Personnellement, je préférerais travailler pour un usine, même si elle va fermer à moyen-terme que de perdre mon emploi tout de suite, même si Ford me faisait un chèque...

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