Blindé

Des taxis londoniens dans Paris, on en voit quelques uns et ils ont toujours un côté anachronique... Asie Auto avait tenté d'importer le LTI TX4. Je l'ai même testé. Sauf qu'ici, on a affaire à un TXII (calandre chromée, mais s'arrêtant au bouclier.) Et en conduite à gauche !
Carbodies (on va l'appeler comme cela, pour simplifier) est une de ces entreprises anglaises qui a navigué à vue, depuis les années 70. Au point de changer régulièrement de nom : Carbodies, London Taxi International (LTI), London Taxi Company (LTC) et désormais, London Electric Vehicle Company (LEVC.)

En 1948, Austin lançait le FX3, le premier "black cab" produit en grande série. Carbodies, alors une entreprise familiale, en fabriquait à la main, les carrosseries. Mann & Overton se chargeait de les vendre auprès des compagnies de taxi, assurant également le financement.
En 1954, le groupe BSA mit la main sur Carbodies. Le temps des carrosseries à la main était fini. L'idée de BSA était de mécaniser l'outil de travail. Outre le FX3, Carbodies devait produire des panneaux pour Daimler (également propriété de BSA.) Daimler étant à la dérive, la synergie ne se fit pas et en prime, BSA vendit Daimler à Jaguar... Du coup, Carbodies fabriqua des panneaux pour la marque au matou (notamment les fameux capots de Type E) et lorsque Jaguar fut absorbé par British Leyland, Carbodies fit de la sous-traitance pour les diverses marques du groupe.
Entre temps, en 1958, Austin avait lancé le fameux FX4. Carbodies en expédiait les carrosseries à Adderley Park, où avait lieu l'assemblage final. Mann & Overton s'occupant toujours de la vente. En 1972, lors d'une première réorganisation, BL voulu fermer Adderley Park. Mann & Overton racheta l'outillage et il le fit transférer dans une usine, à Coventry. Le groupe BSA était en pleine noyade, à cause de la mévente des motos éponymes. En 1973, Manganese Bronze racheta ce qu'il en restait. En 1977, ce fut le tour de Mann & Overton de boire la tasse. Manganese Bronze reprit l'activité de construction du TX4...

Pour autant BL et Austin conservaient la propriété intellectuelle du FX4. BL développa un FX5 (nom de code ADO39.) Un second projet, ADO69, fut évoqué, mais ADO39 reprit de plus belle. Le FX4 étant déjà complètement dépassé dans les années 70. Les ressources étant limitées au sein de BL, le projet FX5 fut abandonné au profit d'autres modèles du groupe. Au début des années 80, nouveau projet avec le CR6. Là encore, faute de budget, il fut abandonné. Suite à cet ultime abandon, Austin-Rover vendit les droits du FX4 à Manganese Bronze, en 1982. Du coup, il troqua son badge "Austin" pour un "London Taxi International".
Le CR6 était basé sur un châssis de Range Rover. Est-ce que ça a inspiré LTI ? En tout cas, en 1997, le FX4 prenait enfin sa retraite (peu avant ses quarante ans), au profit d'un nouveau modèle. Le TX1 était donc basé sur un châssis de Range Rover. Kenneth Grange, un designer indépendant, lui donna un look rétro.
Mais les moyens restaient limités. En 2002, le TXII se contenta d'une calandre chromée et d'un moteur Ford. Manganese Bronze cherchait déjà un partenaire, voire un repreneur. Brilliance fut approché. La marque Chinoise voulait acquérir des compétences pour développer sa berline de luxe. Pour la première fois, on parla de production en Chine. LTI a-t-il produit des taxis à conduite à gauche, en vue d'expédier l'outillage en Chine ? En tout cas, les négociations firent long feu. Est-ce justement suite à l'échec des négociations et alors que LTI avait déjà conçu un TXII à conduite à gauche, qu'il tenta de l'écouler lui-même ?

En 2007, LTI lança le TX4, avec sa longue calandre chromée et son Mitsubishi aux normes Euro 4. Geely devint actionnaire de Manganese Bronze. Lui aussi, il cherchait à acquérir du savoir-faire. Accessoirement, Geely possédait une usine près de Shanghai (SMA, Shanghai Maple Automobile) à l'arrêt. SMA produisait des copies de ZX. Même en leur collant des calandres d'Audi A4 ou de Cadillac STS, les Chinois n'en voulaient pas !
L'ex-SMA produisit en exclusivité des TX4 à conduite à gauche. Geely espérait envahir le monde avec. D'où l'accord avec Asie Auto. Au final, il solda les invendus à l'Azerbaïdjan.
L'un des défauts du TX4, c'était son coût (33 900€.) Geely voulu faire baisser les prix avec des pièces made in China. Résultat : le TX4 tombait en panne et les chauffeurs n'en voulaient plus.

En 2010, LTI fit faillite et l'usine de Coventry s'arrêta. Geely fut forcé de mettre la main à la poche. Il créa une nouvelle société, London Taxi Company (LTC), qui absorba donc les actifs de LTI. La production reprit.
Pour autant, la ville de Londres imposait des mesures très strictes à l'horizon 2018. Le TX4 n'allait plus pouvoir rouler dans la ville. Geely du développer un taxi inédit, le TX5 (devenu TX), ainsi qu'une usine flambant neuve.
En 2018, la production du TX débuta. Geely en a vendu 2500... Dont 2250 rien qu'à Londres. C'est dire à quel point le "Black Cab" reste un marché de niche.
Pour rentabiliser son outil industriel, Geely va le décliner. LTC devient "London Electric Vehicle Company" (LEVC.) Au salon de Francfort, LEVC a dévoilé le LCV, un TX avec une partie arrière de van. Une version vitrée, le TX Shuttle, doit suivre. C'est du pur n'importe quoi ! Le plus comique, c'est qu'en Allemagne (et en France ?), Volvo sera chargé d'écouler les LCV et TX Shuttle !

En tout cas, cela fait du bien de voir que Geely a renoué avec sa tradition de pingrerie et de projets bâclés...
Avec la fin de la décennie, il y aura forcément des articles du type "tops et flops des années 2010".

Personnellement, côté "tops", le N°1 absolu, c'est Telsa. Il y a 10 ans, ils se contentaient d'électrifier des Lotus Elise. Aujourd'hui, quoi qu'on en dise, ils se sont imposé comme LE pure-player du VE. D'ailleurs, les grands constructeurs se placent par rapport à Tesla (Audi e-Tron, BMW i, Mercedes-Benz EQ, Volkswagen ID...)
Le N°2, c'est PSA. Rappelons nous qu'en 2009, avec 2,6 millions de véhicules, il semblait au bord du gouffre. Il a connu une véritable révolution de palais, a racheté Opel et aujourd'hui, il est à 3,9 millions de voitures.
En N°3, je mettrais JLR. Le groupe a été métamorphosé depuis son rachat par Tata. Néanmoins, avec tous les lancements et les démarrage de sites, JLR devait mécaniquement augmenter sa production. Le vrai test, ce sera les années 2020. Car avec la deuxième génération de véhicules de l'ère Tata, il doit revenir sur le premium Américain.

Des flops, il y en a eu pas mal, comme Tata Motors (hors JLR, donc), VW et ses TDI, GM... Mais le principal flop, ce sont les Chinois. En 2010, ils étaient aux portes de l'Europe ! Certes, le Frontera en cochonium de Landwind ou les berlines norme Euro 4 de Brilliance (avec 0-100 en 20 secondes) avaient peu de chance. Mais les Chinois avaient vite appris. Chery et Lifan s'implantaient durablement en Amérique Latine et en Russie. Ils allaient donc être capable de faire des véhicules modernes et de les vendre en Europe, non ?
10 ans après, Lifan et Chery ont fermé leurs sites Sud-Américains. Qoros et Borgward, les labels premium de Chery et BAIC, sont livrés à eux-mêmes. MG devrait écouler 10 000 voitures en Grande-Bretagne et approcher les 1% de part de marché (soit un dixième de MG-Rover, lors de son naufrage.) Il n'était même pas à Francfort, alors que son implantation en Allemagne devait débuter cet été... Geely a racheté Volvo, mais ses marques Lynk&Co ou LEVC ont du mal à s'imposer hors de Chine. Quant à Byd et GAC, ils ont du lever le pied sur les USA, suite au bras de fer engagé par Donald Trump.
Non seulement il n'y a pas vraiment de constructeur Chinois avec une présence significative en Europe. Mais en prime, on en reste à des plans pour un hypothétique "bientôt".
Bref, un authentique flop.

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