Prune
J'avais envie de lever le pied sur le spotting. Et puis, une Lada, ça n'est pas si original que cela... Néanmoins, avec son orange très seventies et ses chromes, difficile d'y résister !
En prime, il n'y a quasiment pas de Lada (ou de productions soviétiques) sur ce blog. Autrefois reine des quartiers populaires, les berline Soviétiques se raréfient. Les primes à la casse les ont décimées. La disparition de Poch, puis de Lada France, voire la destruction physique d'anciens concessionnaires Lada, n'arrange rien...
Le 5 mars 1953, Staline mourrait. Après la parenthèse de Georgy Malenkov, Nikita Khrouchtchev prit les rênes de l'URSS le 14 septembre. Il voulu impulser un tournant radical à l'économie Russe : développement de l'industrie civile et des biens d'équipements, promotion de la classe moyenne... L'objectif était de développer une alternative à l'American way of life.
En 1956, suite à la mise en service d'un barage, la ville de Stavropol-sur-Volga se retrouva submergée. Le progrès ne s’embarrassait pas des vieilleries du passé !
Il fallait motoriser l'URSS. La propagande tournait à plein régime. Les puissants ordinateurs ont scanné l'entièreté du territoire et ils ont défini le coin idéal pour implanter une usine de voitures : les rives de la Volga, près de l'ancienne Stavropol-sur-Volga ! Accessoirement, cela permettait de reloger les habitants.
L'automobile Soviétique se limitait alors essentiellement aux limousines de Zis (devenu Zil.) Les tentatives locales (Gaz, Moskvitch, Zaporojetz...) butaient sur le manque de savoir-faire. D'où l'obligation de se tourner vers l'étranger pour une vraie production de masse.
Le projet de production sur les rives de la Volga traina pendant dix ans. Puis, en mai 1966, Vittorio Valletta, le PDG de Fiat, se rendait à Moscou. Il y signa un accord prévoyant la production sous licence de voitures, en URSS. Le modèle produit, ce serait la 124, présentée quelques semaines plutôt à Turin.
Les Soviétiques ne s’embarrassaient pas d’appellations poétiques. Les constructeur s'appelaient [ville] Avtomobilny Zavod (usine d'automobiles), d'où les initiales [V]az (cf. Gaz, Maz, Uaz...) Comme celle-ci était au bord de la Volga, elle prit le nom de Volzhsky -Volga- Avtomobilny Zavod (Vaz.)
La ville, elle, fut baptisée Togliattigrad, en hommage à Palmiro Togliatti, mort en 1964. Ce dernier fut l'un des cofondateurs du PCI. A l'emprisonnement, puis à la mort d'Antonio Gramsci par les fascistes, Togliatti devint leader du PCI. D'abord clandestinement, puis officiellement, lorsque Mussolini fut chassé. Staliniste orthodoxe, titulaire de la nationalité Soviétique, Togliatti ne sourcilla pas lorsque Kroutchchev dévoila publiquement l'existence des goulag ou lorsqu'en 1956, les chars Soviétiques semèrent la mort dans les rues de Budapest. Togliatti rêvait de dictature du prolétariat et voilà que son nom devint synonyme d'embourgeoisement de l'URSS !
Berline propulsion, de conception traditionnelle, la Fiat 124 était une voiture idéale pour un constructeur novice. Accessoirement, vu sa rusticité, elle pouvait a priori plaire à la clientèle de pays émergents.
Outre les Soviétiques, Valleta multiplia les accords de productions pour la 124 : avec Seat, Tofaş (dans la future usine de la Fiat Albea), Premier, Kia et le conglomérat Bulgare SPC Balkankar. Valleta serra ainsi la main de proches de Franco, de Cevdet Sunay, d'Indira Ghandi, de Park Chung-hee et de Todor Zhivkov. Des chefs d'états aux opinions politiques radicalement différentes, mais qui avaient en commun une inimité pour la démocratie et le multipartisme...
Par contre, avec la montée en puissance du marché commun, la filiale Allemande, Neckar (ex-NSU-Fiat), n'avait plus de raison d'être. Le projet d'assemblage de la 124 Outre-Rhin fut avorté et l'usine de Neckarsulm ferma en 1971.
Revenons à l'URSS. Pour rattraper le retard, Togliattigrad mit les bouchées doubles ! Par rapport à la 124, la Vaz 2101 reçu des trains roulants différents (pour être plus solides) et le 1,2l Fiat fut légèrement dégonflé, de 66ch à 62ch. La culasse, avec arbre-à-cames en tête, était inédite. Le NAMI, un bureau d'études soviétiques, aurait supervisé ces modifications. L'objectif étant d'affronter les conditions extrêmes et les mauvaises routes soviétiques.
Le 22 avril 1970, les premières Vaz 2101 sortirent de l'usine... Qui ne fut réellement achevée qu'en 1972. Le logo était un bateau traditionnel de la Volga. S'il ressemble à un drakkar, c'est normal : les Rus (qui donnèrent leur nom à la Russie) étaient a priori des vikings. En tout cas, on les percevait comme cela, en 1970. A l'export, les premiers modèles furent vendus sous la dénomination Zhiguli (ou Shiguli), du nom des monts Jigouli, qui surplombent la Volga. Monts qui dominent la plaine de Samara (un nom employé plus tard...) En 1972, l'export débuta vraiment et la Volga 2101 prit le nom de Lada 1200... En Allemagne, Zhiguli resta (d'où l'absence de marquages "Lada" sur cet exemplaire.)
L'URSS s'était distinguée pour ses projets pharaoniques, dans le génie civil, le militaire (terrestre et aérien), le nucléaire (civil et militaire), puis le spatial. A chaque fois, en quelques années, le pays s'était fait une place parmi les leaders mondiaux. Donc, si l'URSS se mettait à construire des automobiles, elle allait forcément devenir un grand constructeur mondial...
Effectivement, en 1972, Togliattigrad fêtait sa 100 000e Vaz. Fin 1973, la production cumulée dépassait le million. De petites unités d'assemblage poussèrent sur le territoire soviétique et malgré tout, en 1980, un citoyen soviétique devait attendre un an pour recevoir sa Jigouli...
En France, Jacques Poch y cru. La Lada 1200 était déjà techniquement et stylistiquement datée. Mais à 16 990frs (soit 100frs de moins qu'une R4 800cm3), difficile de faire mieux. Et puis, ce n'était censé être qu'un début... La 1500, avec son 1,5l GM était déjà un premier pas...
La Lada 1200 représente bien cette époque faite d'espoirs.
Imaginez l'ingénieur de Togliattigrad de la fin des années 60... Fils de moujik, il a profité de l'éducation gratuite pour faire des études. Et le voilà dans cette ville-champignon, ultra-moderne, à travailler sur l'avant-dernier-cri occidental. En prime, en tant qu'ingénieur, pour peu qu'il devienne chef d'équipe, il avait droit à quelques privilèges : une maison, une voiture de fonction, un téléviseur, manger à la cantine des cadres, s'approvisionner dans les magasins de cadres... Ces privilèges étaient inscrits noir sur blanc sur une nomenclature (d'où le terme nomenklatura.)
Notre homme avait donc un statut social et financier inédit dans sa famille. Il remerciait volontiers sa bonne étoile (rouge.) Ça valait le coup de rogner sur ses libertés individuelles. Et encore une fois, ça ne devait être que le début des réformes...
La génération suivante fut plus désabusée. Elle-même originaire de la classe moyenne, elle a moins ressenti cette progression sociale. Le second train de réformes n'est jamais venu. L'outil industriel était de plus en plus daté. La ville, de plus en plus délabrée. Le niveau de vie stagnait. Les nominations et promotions se faisaient par proximité et non au mérite. Ceux qui voyageaient, voyaient bien que les occidentaux ne faisaient pas la queue devant les magasins et que l'on y discutaient plus librement. Enfin, l'URSS était un état failli : il dépensait davantage qu'il gagnait et les caisses étaient vides. Déjà, on voyait apparaitre la corruption et le marché noir, donc l'individualisme.
Le mythe d'un destin collectif s'effondrait. Le mécontentement était historiquement circonscrit aux intellectuels, aux artistes et aux minorités non-Russes. Désormais, il gagnait l'ensemble de la population.
Mikhail Gorbatchev a voulu réaliser un lâcher d'eau pour faire diminuer la pression. Mais ce fut un torrent qui emporta le barrage Soviétique et son chef...
L'an prochain Vaz fêtera son cinquantenaire. Lada est le premier constructeur Russe. Mais c'est un colosse aux pieds d'argile. Dernière vraie marque Russe encore en activité, elle est tenue à bouts de bras par l'état, via l'investisseur étatique Rostec. Vaz produit des Dacia à peine replâtrées et destinées au seul marché Russe.
En prime, il n'y a quasiment pas de Lada (ou de productions soviétiques) sur ce blog. Autrefois reine des quartiers populaires, les berline Soviétiques se raréfient. Les primes à la casse les ont décimées. La disparition de Poch, puis de Lada France, voire la destruction physique d'anciens concessionnaires Lada, n'arrange rien...
Le 5 mars 1953, Staline mourrait. Après la parenthèse de Georgy Malenkov, Nikita Khrouchtchev prit les rênes de l'URSS le 14 septembre. Il voulu impulser un tournant radical à l'économie Russe : développement de l'industrie civile et des biens d'équipements, promotion de la classe moyenne... L'objectif était de développer une alternative à l'American way of life.
En 1956, suite à la mise en service d'un barage, la ville de Stavropol-sur-Volga se retrouva submergée. Le progrès ne s’embarrassait pas des vieilleries du passé !
Il fallait motoriser l'URSS. La propagande tournait à plein régime. Les puissants ordinateurs ont scanné l'entièreté du territoire et ils ont défini le coin idéal pour implanter une usine de voitures : les rives de la Volga, près de l'ancienne Stavropol-sur-Volga ! Accessoirement, cela permettait de reloger les habitants.
L'automobile Soviétique se limitait alors essentiellement aux limousines de Zis (devenu Zil.) Les tentatives locales (Gaz, Moskvitch, Zaporojetz...) butaient sur le manque de savoir-faire. D'où l'obligation de se tourner vers l'étranger pour une vraie production de masse.
Le projet de production sur les rives de la Volga traina pendant dix ans. Puis, en mai 1966, Vittorio Valletta, le PDG de Fiat, se rendait à Moscou. Il y signa un accord prévoyant la production sous licence de voitures, en URSS. Le modèle produit, ce serait la 124, présentée quelques semaines plutôt à Turin.
Les Soviétiques ne s’embarrassaient pas d’appellations poétiques. Les constructeur s'appelaient [ville] Avtomobilny Zavod (usine d'automobiles), d'où les initiales [V]az (cf. Gaz, Maz, Uaz...) Comme celle-ci était au bord de la Volga, elle prit le nom de Volzhsky -Volga- Avtomobilny Zavod (Vaz.)
La ville, elle, fut baptisée Togliattigrad, en hommage à Palmiro Togliatti, mort en 1964. Ce dernier fut l'un des cofondateurs du PCI. A l'emprisonnement, puis à la mort d'Antonio Gramsci par les fascistes, Togliatti devint leader du PCI. D'abord clandestinement, puis officiellement, lorsque Mussolini fut chassé. Staliniste orthodoxe, titulaire de la nationalité Soviétique, Togliatti ne sourcilla pas lorsque Kroutchchev dévoila publiquement l'existence des goulag ou lorsqu'en 1956, les chars Soviétiques semèrent la mort dans les rues de Budapest. Togliatti rêvait de dictature du prolétariat et voilà que son nom devint synonyme d'embourgeoisement de l'URSS !
Berline propulsion, de conception traditionnelle, la Fiat 124 était une voiture idéale pour un constructeur novice. Accessoirement, vu sa rusticité, elle pouvait a priori plaire à la clientèle de pays émergents.
Outre les Soviétiques, Valleta multiplia les accords de productions pour la 124 : avec Seat, Tofaş (dans la future usine de la Fiat Albea), Premier, Kia et le conglomérat Bulgare SPC Balkankar. Valleta serra ainsi la main de proches de Franco, de Cevdet Sunay, d'Indira Ghandi, de Park Chung-hee et de Todor Zhivkov. Des chefs d'états aux opinions politiques radicalement différentes, mais qui avaient en commun une inimité pour la démocratie et le multipartisme...
Par contre, avec la montée en puissance du marché commun, la filiale Allemande, Neckar (ex-NSU-Fiat), n'avait plus de raison d'être. Le projet d'assemblage de la 124 Outre-Rhin fut avorté et l'usine de Neckarsulm ferma en 1971.
Revenons à l'URSS. Pour rattraper le retard, Togliattigrad mit les bouchées doubles ! Par rapport à la 124, la Vaz 2101 reçu des trains roulants différents (pour être plus solides) et le 1,2l Fiat fut légèrement dégonflé, de 66ch à 62ch. La culasse, avec arbre-à-cames en tête, était inédite. Le NAMI, un bureau d'études soviétiques, aurait supervisé ces modifications. L'objectif étant d'affronter les conditions extrêmes et les mauvaises routes soviétiques.
Le 22 avril 1970, les premières Vaz 2101 sortirent de l'usine... Qui ne fut réellement achevée qu'en 1972. Le logo était un bateau traditionnel de la Volga. S'il ressemble à un drakkar, c'est normal : les Rus (qui donnèrent leur nom à la Russie) étaient a priori des vikings. En tout cas, on les percevait comme cela, en 1970. A l'export, les premiers modèles furent vendus sous la dénomination Zhiguli (ou Shiguli), du nom des monts Jigouli, qui surplombent la Volga. Monts qui dominent la plaine de Samara (un nom employé plus tard...) En 1972, l'export débuta vraiment et la Volga 2101 prit le nom de Lada 1200... En Allemagne, Zhiguli resta (d'où l'absence de marquages "Lada" sur cet exemplaire.)
L'URSS s'était distinguée pour ses projets pharaoniques, dans le génie civil, le militaire (terrestre et aérien), le nucléaire (civil et militaire), puis le spatial. A chaque fois, en quelques années, le pays s'était fait une place parmi les leaders mondiaux. Donc, si l'URSS se mettait à construire des automobiles, elle allait forcément devenir un grand constructeur mondial...
Effectivement, en 1972, Togliattigrad fêtait sa 100 000e Vaz. Fin 1973, la production cumulée dépassait le million. De petites unités d'assemblage poussèrent sur le territoire soviétique et malgré tout, en 1980, un citoyen soviétique devait attendre un an pour recevoir sa Jigouli...
En France, Jacques Poch y cru. La Lada 1200 était déjà techniquement et stylistiquement datée. Mais à 16 990frs (soit 100frs de moins qu'une R4 800cm3), difficile de faire mieux. Et puis, ce n'était censé être qu'un début... La 1500, avec son 1,5l GM était déjà un premier pas...
La Lada 1200 représente bien cette époque faite d'espoirs.
Imaginez l'ingénieur de Togliattigrad de la fin des années 60... Fils de moujik, il a profité de l'éducation gratuite pour faire des études. Et le voilà dans cette ville-champignon, ultra-moderne, à travailler sur l'avant-dernier-cri occidental. En prime, en tant qu'ingénieur, pour peu qu'il devienne chef d'équipe, il avait droit à quelques privilèges : une maison, une voiture de fonction, un téléviseur, manger à la cantine des cadres, s'approvisionner dans les magasins de cadres... Ces privilèges étaient inscrits noir sur blanc sur une nomenclature (d'où le terme nomenklatura.)
Notre homme avait donc un statut social et financier inédit dans sa famille. Il remerciait volontiers sa bonne étoile (rouge.) Ça valait le coup de rogner sur ses libertés individuelles. Et encore une fois, ça ne devait être que le début des réformes...
La génération suivante fut plus désabusée. Elle-même originaire de la classe moyenne, elle a moins ressenti cette progression sociale. Le second train de réformes n'est jamais venu. L'outil industriel était de plus en plus daté. La ville, de plus en plus délabrée. Le niveau de vie stagnait. Les nominations et promotions se faisaient par proximité et non au mérite. Ceux qui voyageaient, voyaient bien que les occidentaux ne faisaient pas la queue devant les magasins et que l'on y discutaient plus librement. Enfin, l'URSS était un état failli : il dépensait davantage qu'il gagnait et les caisses étaient vides. Déjà, on voyait apparaitre la corruption et le marché noir, donc l'individualisme.
Le mythe d'un destin collectif s'effondrait. Le mécontentement était historiquement circonscrit aux intellectuels, aux artistes et aux minorités non-Russes. Désormais, il gagnait l'ensemble de la population.
Mikhail Gorbatchev a voulu réaliser un lâcher d'eau pour faire diminuer la pression. Mais ce fut un torrent qui emporta le barrage Soviétique et son chef...
L'an prochain Vaz fêtera son cinquantenaire. Lada est le premier constructeur Russe. Mais c'est un colosse aux pieds d'argile. Dernière vraie marque Russe encore en activité, elle est tenue à bouts de bras par l'état, via l'investisseur étatique Rostec. Vaz produit des Dacia à peine replâtrées et destinées au seul marché Russe.
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