Lewis et la boite de Pandore
En 1980, Reiser dressait un portrait élogieux de la F1 (in La ruée vers rien.) Une F1 dionysiaque et apolitique. Il avait dessiné une étonnante voiture (mélange de la Tyrrell "Candy" 009 de Jean-Pierre Jarier et de l'AGS JH17 "Motul" de Richard Dallest ?)
En Nascar, la politique fait parti des meubles. Plus précisément, traditionnellement, les pilotes sont proches du parti Républicain. Qui le leur rend bien.
La FIA est née en 1946, sur les cendres de l'AIACR. La FIA était traumatisée par la surenchères nationaliste de la fin des années 30.
La saison 1939 fut inachevée. Le Grand Prix de Belgrade étant disputée le week-end même où chaque pays annonçait son entrée dans le conflit ! La Fédération Allemande, la DDAC, décida unilatéralement d'attribuer le titre à Hermann Paul Müller (Auto-Union), un ardant nazi. Le nouveau système de point était favorable à Rudolf Caracciola (Mercedes-Benz), mais il était plus tiède. Et l'AIACR entérina la décision. C'était le paroxysme d'une fin de décennie où les Grands Prix étaient au cœur de la propagande fasciste et nazi.
La FIA décréta la neutralité politique. Slogan et logos de partis étaient proscrits sur les voitures et dans le paddock. Tout juste enfonçait elle des portes ouvertes, dans les années 2000 : "La pollution, ce n'est pas propre. Le sexisme, ce n'est pas bien." En 2018, la F2 refusa à Santino Ferrucci de porter les couleurs de la Trump Organisation, de par ses liens avec le président Américain, Donald Trump.
Un incident rarissime, les pilotes de F1 étant peu impliqué politiquement. Comme le soulignait Reiser. Même si Carlos Reutemann a bien failli être candidat à l'investiture péroniste, en Argentine, au début des années 2000 (plus de 20 ans après sa retraite sportive.)
Et voilà Lewis Hamilton. On peut être d'accord ou pas avec ses idées, mais on ne peut le taxer d'opportunisme.
Lorsqu'il débuta en 2007, il était la nouvelle star de la F1. Tout semblait lui réussir et l'intéressé refusait d'être défini comme "un pilote noir". Quelques mois plus tard, à l'hiver 2008, il fit face à des supporters racistes lors d'essais à Barcelone. Puis les résultats plafonnèrent et le pilote prit du recul sur sa situation. Il se compara à Mohamed Ali et lui rendit hommage à sa mort, en 2016. Et donc, aujourd'hui, il se considère proche du mouvement Black Lives Matter. Dans son esprit, il y a sans doute de la sincérité. Même si c'est en contradiction avec son parcours et même ses actions présentes.
Les marques commerciales sont mal à l'aise avec le mouvement Black Lives Matter. Même la très conservatrice Nascar n'arrive pas à calmer les élans de Bubba Wallace, aux résultats et à l'aura plutôt modeste. Alors imaginez la FIA face à Lewis Hamilton, le leader du classement et l'un des pilotes les plus populaires !
Lewis Hamilton a ouvert la boite de Pandore du politiquement correct. Au moins, il existe un consensus relatif autour de BLM. Les cyniques diront qu'une fois le soufflet retombé, plus personne ne militera pour quoi que ce soit avant des décennies. Mais si ce n'est pas le cas ? Et si un autre pilote décidait de s'impliquer dans une cause plus controversée ? Au nom de quoi pourrait-on lui dire non, après avoir déroulé le tapis rouge à Lewis Hamilton ? Faudra-t-il définir une charte des causes justes ? Sachant que la F1 est un sport mondial et ce qui est encouragé ici peut choquer ailleurs. On est donc peut être face à un nouveau défi pour la F1, celui de la gestion des pilotes militants.
On s'étonne qu'il ne milite pas pour imposer des taux de répartition ethniques sur la grille de départ.
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