Le conservatoire Citroën
Depuis 2002, la marque aux chevrons possède un musée, sur le site de l'ancienne usine d'Aulnay-sous-Bois. Chaque année, le Conservatoire Citroën s'entrouvre aux visiteurs lors des journées du Patrimoine. Et en prime, j'ai eu le droit à une visite guidée VIP !
Pour vous situer les lieux, voici une maquette de l'usine, au temps de sa splendeur.
Voici le musée :
Et pour info, voici la piste de karting :
Quant à la piste d'essai, au fond, je l'ai constaté de visu : la terre a été retourné et l'on y bâti (des entrepôts ?)
Disparue aussi, la voie ferrée que l'on voyait depuis l'A1. Je les voyais quand j'allais prendre l'avion à Roissy. La vue des voitures chargées était synonyme que l'on touchait au but et qu'on allait bientôt s'envoler...
Ma première impression, c'était une impression de déjà vu. Des véhicules présents au centenaire, à Rétromobile 2019 et aux Citroën Born Paris XV. Comme cette autochenille de la Croisière Blanche traversée du Sahara 1922-1923...
Il y a tout de même une reconstitution du bureau d'André Citroën...
Ainsi qu'une maquette de la Tour Eiffel aux couleurs du constructeur.
Et puis, voire une Type A, c'est déjà exceptionnel. Alors deux...
La présentation des véhicules est un peu désordonnée. Mais cela donne du charme. On a l'impression de débarquer à l'improviste. C'est authentique ; pas d'histoire réécrite au Tipp-ex par le marketing, comme ailleurs...
En octobre 1932, Citroën lança les 8cv et 10cv. Quelques mois plus tard, Yacco battit des records à Montlhéry avec une Citroën surnommée "petite Rosalie". André Citroën saisit la balle au rebond et les 8cv/10cv/15cv devinrent officieusement des Rosalie.
Mais en 1933, la rumeur voulait que la marque soit déjà en train de préparer une révolution. La clientèle préféra attendre. Citroën tenta vainement de relancer l'intérêt avec un lifting (à gauche.)
La Rosalie aurait du s'effacer devant la Traction Avant, dévoilé au salon de Paris 1934. Mais la mise au point s'éternisa, André Citroën fit faillite et Michelin prit le contrôle. Les Auvergnats prolongèrent la vie de la classique Rosalie, qui fut produite jusqu'en 1938.
En voyant cote-à-cote une Rosalie et une Traction Avant, on mesure à quel point cette dernière était un pas de géant. Plus basse, grâce à sa carrosserie monocoque, la Traction Avant possédait surtout des lignes beaucoup plus inclinées.
Et ainsi, malgré tout, j'ai commencé à photographier chaque modèle. Ma première impression était dissipée. Le plus dur, c'était de choisir quels clichés publier !
Impossible notamment de résister aux charmes de ce trio de prototype 2cv de 1939...
De 1926 à 1965, la marque posséda une usine à Slough, en Angleterre. Outre la conduite à droite, les voitures produites se distinguaient par des détails. Telle cette 2cv affichant fièrement que ses roues avant sont motrices !
Une simple DS21 ? Il s'agit d'une prototype et pour mieux définir l'habitacle, les stylistes avaient supprimées les portes sur le flanc gauche !
Citroën C60
L'un des principaux souci de Citroën, c'était le manque de cohérence de sa gamme. A la fois en terme de positionnement et de style. Dès 1956, Citroën avait réfléchi à un véhicule à mi-chemin entre la 2cv et la DS, avec la C10 d'André Lefebvre.
Puis en 1960, ce fut la C60. Stylistiquement, c'était un compromis entre l'Ami 6 (qui allait sortir en 1961) et la DS. Techniquement, elle possédait un 4 cylindres à plat dérivé du bicylindre de la 2cv.
Le style est maladroit, mais l'idée de créer un "langage" Citroën est assez moderne.
D'après internet, la C60 aurait été l’œuvre du bureau de style Citroën, orphelin de Flaminio Bertoni. Sauf que ce dernier est mort en 1964. Mon guide, lui, jurait que c'était les designers de Panhard qui avait créé la C60. Ils cherchaient à prouver qu'ils savaient "faire du Citroën", alors que l'avenir de la doyenne de marque française était bouché...
En tout cas, Citroën partira ensuite sur une toute autre direction, qui abouti en 1970 à la GS. Sachant qu'en parallèle, un projet de citadine avançait également à un train de sénateurs... Les détracteurs déclarant que la marque aux chevrons perdait son temps et dilapidait son argent.
Citroën GS Break Club 1220 "Afghanistan"
Entre les autochenilles des "Croisières" et les 2cv des raids, il y a cette GS Break Club 1220 de 1976, à la décoration très naïve. Je pensais que tout le monde connaissait cette histoires, mais mes bêta-lecteurs pensaient juste à une œuvre de street art...
André Costa, légendaire plume de l'Auto-Journal, avait emprunté une D Super, en 1971, pour rallier Tamanrasset, dans le Sahara Algérien. L'année suivante, c'est avec la SM "Coralie" qu'il rallia Fort-Lamy (aujourd'hui N'Djaména), au Tchad. En 1976, sans doute inspiré par les travaux de Werner Herberg, il voulu traverser l'Aghanistan avec des GS. Citroën et Total le soutinrent et lui envoyèrent aussi un Range Rover pour l'assistance.
En 1970, le raid 2cv Paris-Kaboul-Paris avait emprunté l'unique route à peu près goudronnée, reliant Hérât à Kaboul.
Mais Costa, lui, voulait voir les bouddhas de Bâmiyân (détruits depuis au lance-roquette par les taliban) et le minaret de Djâm ! Soit un détour de 1100km, sans jamais dépasser 20km/h. Sachant que les ravitaillements en essence et en nourritures se faisaient avec ce qui était trouvé sur place...
Une vraie épopée. D'autant plus que trois ans plus tard, les chars soviétiques débarquaient... Costa s'était aussi amusé à rallier Quimper à Bonneval-sur-Arc, en Mehari. Particularité : il avait laissé volontairement la plaque d'immatriculation, ses papiers et son argent avant de partir...
Difficile, en lisant cela, de ne pas faire le parallèle avec le journalisme actuel. Des pantouflards, il y en a toujours eu. Il suffit de lire Le désert des Tartares de Dino Buzzati (une parabole sur son travail à La Stampa.) Mais quand je lisais, l'autre jour, le thread d'un journaliste excédé, parce que Honda n'a pas déposé la voiture d'essai au pied de sa rédaction. Du coup (gasp !) il a du prendre le RER jusqu'à Lognes (siège de la marque) et ensuite, il a du... Marcher. Une expérience visiblement traumatisante.
Citroën Sport
Pour beaucoup, l'histoire de Citroën en compétition débuta avec les Xsara, puis C4 de compétition et bientôt, Sébastien Loeb.
En fait, dès la fin des années 50, le constructeur s'impliqua en compétition. Il fut d'ailleurs le premier généraliste français à se lancer via sa propre entité.
L'hiver, le parking du Grépon, au pied de l'Aiguille du Midi, est complètement enneigé. Dès la fin des années 60, des rallymen ont voulu s'y entrainer. Cela donna, en 1970, la Ronde de Chamonix (qui devint plus tard, les 24 Heures de Chamonix.) Guy Verrier en ouvrit le palmarès avec cette DS21. Anecdote : il perdit une roue arrière, mais grâce à l'équilibre de la voiture, il put finir et s'imposer !
La MEP, alias Formule Bleue. La concurrente malheureuse de la Formule France, alias Formule Renault.
Cette frêle Mehari servit de voiture médicale pour le premier Dakar.
Au début des années 90, outre le rallye-raid, Citroën disputait le championnat de France de rallye (avec la ZX kit-car de Bernard Béguin), le championnat d'Europe de rallycross (avec la Xantia 4x4 de Jean-Luc Pallier), sans oublier la Coupe AX [circuit], qui devint une Saxo Cup (avec des éditions en rallycross et en prologue de Trophée Andros.)
Le sport auto ibérique était balbutient et le constructeur créa une Supercopa ZX. Elle y envoya Arnaud Duprey, dernier vainqueur de la Coupe AX et premier vainqueur de la Saxo Cup ! Duprey termina ainsi vice-champion, en 1997. Pilote rapide, mais aux poches trouées, Duprey tenta de rebondir chez Renault Sport, vice-champion de Coupe Megane 1999, il raccrocha ensuite le casque pour fonder Duprey Compétition.
Et pour finir, cette Saxo Trophée...
A son volant, un jeune ouvrier Alsacien. Il arrivait à l'usine en tirant des câbles sur le parking. Il participa deux fois au Volant Rallye Jeune. A chaque fois, il était le plus rapide. Un juré m'avait raconté qu'il était néanmoins recalé car à chaque fois, il rameutait toute la cité. Car déjà, à l'époque, tout le monde l'adorait. Ce pilote charismatique fit quelques rallye, en 1997, avec une 106 Groupe N et fut élu Espoir Echappement. Il débuta réellement avec Citroën, dans le Trophée Saxo, en 1998.
La suite fut météorique : vainqueur du Trophée en 1999. Il pilota une vieille Xsara kit-car en championnat de France de rallye et s'imposa, en 2001... En parallèle d'une campagne victorieuse en S1600, en JWRC. Son rôle alla crescendo chez Citroën. En 2002, le voilà au volant d'une Xsara WRC, pour plusieurs manches et il remporta le rallye d'Allemagne. En 2003, il termina sa première saison complète comme vice-champion. Puis, en 2004, ce fut le début de la moisson. On n'avait plus affaire à un "bon pilote de rallye" ou à un "excellent pilote Français", mais au meilleur pilote que la discipline n'ait jamais connu...
It's Van Time
Citroën fut un précurseur dans le domaine des utilitaires. Tout le monde connait l'incontournable Type H. Mais qui connait son prédécesseur, le TUB ? Lancé à la fin des années 30, le TUB connu une carrière éphémère. Mais son nom devint le surnom du Type H : le Tube.
A ses côtés, le Type I, un genre de Type G sur une plateforme de 2cv. Même le Citroën époque Michelin trouvait que la base était un peu juste...
Avec l'U23 et l'U55, Citroën se fit une place dans les utilitaires moyens. Simca avait laissé Unic à Fiat et il ne s'impliqua jamais sérieusement dans les utilitaires. Peugeot était venu aux fourgonnettes via Chausson, sans trop faire d'efforts. Hotchkiss était sur une voie de garage. Renault était un acteur crédible des utilitaires légers, avec une politique agressive. Mais dans les camions, Saviem n'était qu'un agglomérat de marques moribondes. Son nouveau rigide devait offrir un confort et une tenue de route inédite. Lancé en 1965, la production fut déménagée en 1967, suite aux accords entre Citroën et Berliet. A cet instant, les deux constructeurs proposaient une gamme complète d'utilitaires légers, moyens et lourds. Las, le "Belphégor" fut un flop (à cause de son look ?) De son côté, Berliet, en grave difficulté, fut repris par Renault.
Ce fut la fin des ambitions de Citroën dans les utilitaires moyens.
Bien que basé sur la Traction Avant, le Type H fut produit jusqu'en 1981. L'arrivée du C35 gréva à peine la popularité de ce dinosaure !
A ses côtés, le Citroën Evasion. 10 ans après avoir claqué la porte au nez de Matra et son Espace, PSA changea son fusil d'épaule. Bertrand Rakoto parlerait de financiarisation, à la vue des économie d'échelles très extrêmes. Non seulement les Evasion, 806, Ulysse et Zeta étaient des jumeaux (seuls la calandre et les feux arrière différaient), mais en plus, ils avaient été déclinés en utilitaires. Peugeot avait fait des efforts de marketing (en gros : c'est nul, mais vos jeunes enfants vont adorer.) A contrario, Citroën ne s'est guère décarcassé. Ce fut l'un des pire rebadgage de l'ère PSA.
Le Berlingo Coupe de Plage, signé Bertone. Je ne connaissais pas, mais il ne me surprend pas. Autant la marque aux chevrons avait complètement manqué les monospaces, autant avec le Berlingo, il pensait avoir lancé un véhicule mythique. Il fit donc de gros efforts pour créer un univers autour du Berlingo.
Un Berlingo deuxième génération. C'est l'un des 250 Berlingo Electriques produit par Venturi à Solesmes. Avec la Manufacture de Voitures Electriques (MVE, un clin d’œil à MVS ?), Venturi s'était doté d'une petite usine de production de voitures électriques.
C'était l'époque où Bolloré (via Bluecar) et Cleanova (une joint-venture Dassault-Heuliez) voulaient proposer une électrification clef-en-main aux constructeurs. Venturi a-t-il songé à faire de même ? Les Berlingo étaient-ils destinés à permettre au constructeur de se faire la main sur la production en moyenne série, avant de produire la Fetish ?
En tout cas, en 2012, Venturi livra son 250e et dernier Berlingo VE à La Poste. MVE ferma en 2015. A mon avis, Venturi n'avait pas réussi à convaincre un autre constructeur et il manquait de moyens pour industrialiser la Fetish. Gildo Pastor décida de recentrer Venturi sur l'équipe de FE et quelques engins de records.
Citroën a rejoint tardivement la bataille pour les monospaces. Mais ensuite, il fut très dynamique avec la Xsara Picasso, la C4 Picasso, puis la C3 Picasso... Voilà un monospace avec une déco "façon Picasso". Il apparaissait dans une pub où un robot-peintre se mettait d'un seul coup à peindre cela sur une caisse nue. Le tout avec le Je ne veux pas travailler de Pink Martini, en musique de fond...
Malaise era
Le conservatoire Citroën a l'honnêteté de présenter tous ses modèles. Y compris ceux ayant été des catastrophes.
En 1967, BMC demandait à Pinifarina de lui dessiner une 1800 "aérodynamique". Les Italiens s'exécutèrent. Le client eu une réaction mitigée. BMC, devenu BL, repris le projet à son compte et après bien des péripéties, cela devint la Rover SD1.
Le monde du design est petit et Robert Opron pu examiner la BMC 1800 de Pininfarina. Elle aurait servit d'inspiration à la fois pour la GS et la CX. Opron était un fan des avants plongeants. Pourtant, ce Projet L de 1971 possède une maladroite calandre verticale (qui donna des idées à Philippe Guédon pour la Matra Bagheera de 1973 ?) L'arrière, lui, semble déjà gelé.
La FAF, un projet de voitures ultra-low-cost destiné à être produit en CKD par les pays émergents. Cousine de la Mehari, on la voit ici en version 4x4 militaire.
Le nom signifiait "Facile A Faire/Facile A Fabriquer"; un choix d'initiales très malheureux.
La Visa 1, ça c'est une auto ! Sérieusement, c'était son slogan !
Sa cousine, l'Axel. A cause de la bureaucratie Roumaine et de la situation précaire de la marque durant la seconde moitié des années 70, l'Axel ne sortit qu'en 1984. L'AX, bien plus moderne, était déjà dans les starting-blocks et l'Axel n'avait guère d'atouts : prix plancher, mais design banal, moteurs poussifs, équipement spartiate, structure biodégradable... Sans oublier la concurrence interne avec la LNA et la Visa 2. Le réseau souquait ferme et ce n'était pas le même de leur en coller une troisième !
Citroën REvolt
Un concept-car d'hybride électrique/essence. La société de Christophe Schwartz avait travaillé dessus. L'exemplaire bariolé étant un prototype roulant. Il semblerait que PSA ait poussé l'Hybrid4 (hybride essence/diesel) au détriment de la solution du chevron. Avec le succès que l'on sait...
DS
Au fond, il y a le coin de DS. L'occasion de noter quelques voitures réservées à la Chine, comme la DS 5 LS. C'est grosso modo, une C4 L (modèle tricorps réservé à la Chine), mais maquillée en DS5.
Le DS6 WR (Wild Rubis) est un 3008 relooké, destiné à la Chine.
Retour au milieu des années 2000. Citroën était conscient des limites de son partenaire Chinois DongFeng. Comme d'autres, il pressentait une explosion des utilitaires moyens. Pour son nouveau partenaire, il se tourna vers Hafei. Autant DongFeng faisait figure d'entreprise étatique, avec une certaine pesanteur. Autant Hafei semblait plus agile et plus dynamique.
Vers 2007, Hafei assembla un Berlingo "job one". Les deux parties songeaient également à un Jumpy. Néanmoins, Hafei était une filiale de l'équipementier aéronautique AVIC 2. L'état Chinois décida de le fusionner avec son concurrent AVIC 1 et créer un "EADS Chinois". Dans ce contexte, Hafei se retrouva livré à lui-même. En 2009, ChangAn finit par reprendre Hafei. Puis, Carlos Tavares arriva à la tête de PSA. Nouveau projet : produire des DS chez l'ex-Hafei. Sauf que DongFeng était désormais actionnaire de PSA et il se tenait debout sur les freins pour cette coopération avec un concurrent. Finalement, ChangAn et PSA bâtirent une usine ex nihilo à Shenzhen.
La Chine devait être un second pôle pour DS, à égalité avec la France. Mais la marque ne décolle pas. Sur 2020, elle a écoulé 250 voitures !
Globalement, DS a toute les difficultés du monde à percer. On lui a souvent prédit une fin prochaine. Autant cette marque premium était cohérente dans un PSA bicéphale, autant l'arrivée d'Opel la rendit moins incontournable. Et aujourd'hui, au sein de Stellantis, face à Alfa Romeo et Maserati, que peut-elle apporter ?
DS sera-t-il le Talbot des années 2010 ?
Citela
Dans un recoin, avant la boutique, il y a un concept-car méconnu. Citela ? Inconnu au bataillon ! Mes archives personnelles sont muettes.
En fait, elle fut présentée lors de l'exposition universelle de Seville, en 1992. C'était une citadine électrique. 14kW seulement, mais ses batteries en nickel-cadium offrait 210km d'autonomie et se rechargeait en 6 heures. En plus, cela permettait de contenir la masse, à 790kg. Un second véhicule, un pick-up, fut construit.
Après, il y a le contexte. Au printemps 1992, personne ne croyait aux micro-citadines. D'ailleurs, quelques mois plus tard, lorsque Renault dévoila la Twingo, la concurrence ricanait... Et 1992, c'était aussi avant l'arrivée des portables, qui firent s'écrouler les prix des batteries. Celles en NiCad de la Citela coutaient donc une fortune. Voila pourquoi les AX Electric, Saxo Electric et 106 Electric reçurent d'antiques batteries au plomb. Des batteries lourdes, peu performantes, mais à un prix raisonnable.
Merci à Patrick Henocque et à Fedoua Zeggar pour leur accueil
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