Renault Trucks Kerax "Silk Road" Eligor
Ainsi, mon triptyque sur les camions Français en Chine aura quatre épisodes ! Voici le Renault Trucks Kerax 420 6x6 "Silk Road" d'Eligor, au 1/43e.
Le Critical Drinker a rédigé toute une série de vidéo critiquant la qualité de la production hollywoodienne actuelle. L’un de ses griefs, c’est l’absence de récompense. D’ordinaire, dans les films d’actions, le héros devait réaliser une quête. Qu’il s’agisse de retrouver un parent disparu ou un trésor, voire d'affronter un adversaire puissant. Les scénaristes soulignaient combien cette quête était importante pour le héros et que lui seul était capable de triompher. Le héros devait traverser des épreuves difficiles, avec des échecs ou des fausses pistes, pour finalement atteindre son objectif. On n’a rien inventé depuis Chrétien de Troyes ! En tant que spectateur, on exprimait donc davantage d’empathie pour le héros. L’exemple type, c’était la série des Indiana Jones. Qu’importe si le héros réussissait ou pas, ce qui comptait, c’était sa quête.
A contrario, aujourd’hui, tout semble tomber du ciel. Par exemple, dans Men in Black : International (2019), l’héroïne cherchait à découvrir les secrets des Men in Black… Et elle parvient à pénétrer dans cette organisation secrète, dès sa première tentative, puis à obtenir le statut d’agent. Le tout, dans le premier quart du film. De même, dans Le réveil de la force (2015), l’héroïne prend un sabre laser et elle décime les méchants. Plus besoin d’un apprentissage auprès d’un maître taciturne. On n’avait plus l’impression que le héros avait mouillé la chemise. Et si tout semble facile, si le héros n’échoue jamais, la victoire perd de sa valeur. Il n’y a même plus de récompense immatérielle, car votre héros était déjà au maximum de ses stats !
Et la vie sur le web ressemble à cela. Dès que quelque chose était « épuisé », vous entriez dans le monde de l’inconnu. Tout collectionneur avait forcément un artefact manquant. Tel objet est disponible en quatre versions, mais après des années de recherche, vous n’en aviez trouvé que deux. Puis, par hasard, dans une boutique, vous trouviez enfin l’objet convoité. Souvent dans des circonstances incroyables. Vous pouviez alors exposer fièrement votre artefact. Cela vous faisait une histoire à raconter. Une histoire avec un happy end.
Aujourd’hui, c’est terminé. Toute proportion gardée, plus rien n’est introuvable. Par exemple, quelqu’un parle d’un livre intéressant, mais épuisé ? Je le trouve sur Amazon.
Lorsque j’avais évoqué le raid de Renault Trucks sur la Route de la Soie, j’avais parlé des modèles réduits de Norev (en 4x4) et d’Eligor (en 6x6.) Deux Renault Kerax épuisés depuis longtemps. Tant pis pour moi.
Mais voici qu’il y a un Kerax 6x6 Eligor à vendre sur Vinted, quatre mois plus tard. Quelques clics plus tard, il était expédié chez moi. Voilà, plus de miniature introuvable. A ce train-là, je finirai bientôt par trouver le Kerax 4x4 Norev, voire la carte éditée par Michelin !
Plus de quête, plus d’attente, plus de frustration. Vous obtenez votre produit sans effort et votre satisfaction est forcément amoindrie. Le cerveau est fait de tel façon que vous aurez rapidement besoin d’une nouvelle piqure d’endorphine. Alors vous recherchez un nouvel objet « introuvable ». Et les notifications sont là pour vous tenter…
La miniature est massive. Si vous le trouvez, prévoyez de la place dans la vitrine ! Avec son aspect très vertical et son pare-buffles surmonté de quatre longue portées, il semble indestructible. J'ai l'impression que la galerie et l'arceau ont été volontairement déformés. Afin de simuler les bleus accumulés au cours de ce périple. Le seul reproche, ce sont les jantes chromées, très "jouet".
Notez que la cabine bascule.
Le Kerax, c'est avant tout une histoire de site.
La Première Guerre Mondiale avait démontré l’utilité du camion comme outil logistique. La Seconde Guerre Mondiale consacra la versatilité du camion. Notamment dans le génie civil. Or, l’après-guerre fut marqué par une frénésie de construction de logements et d’infrastructure routière.
Paul Berliet sut saisir la balle au rebond, avec des véhicules dédiés. Puis il prospecta les secteurs des mines et des hydrocarbures. Des secteurs très exigeants, mais avec des moyens colossaux. En 1960, il fit bâtir une usine à Bourg-en-Bresse dédiée à la construction de camions miniers (ainsi qu’aux camions militaires.) En 1978, Berliet et Saviem fusionnaient. Malgré les difficultés du Lyonnais, ses sites étaient plus modernes. De Saviem, seul Blainville fut conservé. Les camions miniers furent abandonnés. Bourg-en-Bresse se concentra sur le CBH, puis le Maxter et enfin, le Kerax. Les activités militaires partant à Limoges, dans l'ancien site d'Hispano-Suiza.
C'est à peu près tout ce qu'il y a à dire sur le Kerax, produit de 1997 à 2013. Pour ce "Silk Road", Renault Trucks avait opté sur des configurations plutôt destinées à l'armée. D'ailleurs, les Kerax étaient accompagnés de Sherpa.
Comme son nom l'indique, le Kerax 420 6x6 disposait de 6 roues motrices (non-permanente) et d'un moteur 11l 420ch. Il disposait d'une charge utile de 14,6t et il embarquait 450l de carburant (contre 2x130l d'ordinaire.) Il pouvait traverser des gués de 0,9m de profondeur, descendre des pentes à 60° et grimper des pentes à 30°.
40 ans après l'aventur(ism)e de Berliet en Chine, Renault Trucks comptait de nouveau séduire le Pays du Milieu (NDLA : notez au passage la différence de gabarit entre le Kerax et le GLM...)
L’Asie, en particulier la Chine, développait alors son secteur d’extraction de matière premières. Les moyens investis étaient colossaux. L’erreur de Renault Trucks – et de la plupart des constructeurs étrangers -, fut de croire que la demande en matériel allait monter en gamme. Force est de constater, vingt ans plus tard, que sur les utilitaires lourds, la montée s’effectue à un rythme de tortue. Les opérateurs n’ont que faire de payer deux fois plus cher, pour un camions trois fois plus durable.
Les entrepreneurs Chinois ont une culture du court-termisme. Il y a l'appât du gain. Mais c'est aussi la faute de l'arbitraire chinois. Si un de vos concurrents est un proche du Parti, l'état peut décider de vous neutraliser. Cela vaut aussi si un proche du Parti convoite votre site industriel ou si votre entreprise est prospère, alors que vous n'êtes pas membre du Parti. Et même si vous êtes membre du Parti, vous n'êtes pas à l'abri d'une révolution de Palais. Des milliardaires comme Jack Ma (Alibaba), YT Jia (LeTV et Faraday Future) ou Yang Rong (Jinbei/Brilliance) passèrent presque du jour au lendemain de chouchou à paria. Alors pourquoi investir jusqu'à votre dernier yuan, si demain, le sol peut s'ouvrir sous vos pieds ?
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