The Silk Road in 68 days
Suite du triptyque sur les camions Français en Chine. Voici le raid de Renault Trucks sur la Route de la Soie. Une aventure retracée dans un livre, aux éditions Agnès Vienot. Et bien sûr, je vous le recommande.
Sur la période 1995-2005, il y eu une seconde vague de concentration, dans le domaine des utilitaires moyens et lourds. Les constructeurs de voitures voulurent se concentrer sur leur chœur de métier.
En 1996, Renault fit de Renault Véhicules Industriels une filiale distinct, dans le but de la revendre.
En 1999, Volvo Group fit l'inverse. Il revendit sa branche automobile à Ford, afin de se spécialiser dans les camions.
Les camions Renault était appréciés en Europe du Sud et dans la Méditerranée. Sans oublier Mack, bien implantés dans les utilitaires moyens, aux USA. Un complément idéal pour Volvo (détenteur du fabricant de semi-remorques White.)
Dans les années 70-80, Volvo et Renault avaient connu une amourette digne d'un soap-opera, avec fiançailles, séparations et réconciliation... Cette fois, les ponts semblaient coupés. Le Suédois voulait revendre ses parts du Français, en échange de RVI. Ce qui fut acté en 2000.
Ancien d'Iveco et de MAN, Stefano Chmielewski fut appelé pour piloter le transfert de Renault VI. En 2002, pour marquer le coup, l'entreprise devint Renault Trucks. Stefano Chmielewski fut nommé provisoirement PDG... Un poste qu'il conserva finalement jusqu'en 2015.
Renault Trucks prenaient un nouveau départ et le PDG souhaitait marquer le coup.
L'histoire du constructeur fut jalonnée de raids.
Le général Estienne avait été moyennement convaincu par l'expédition Transsaharienne de Citroën. Pour sa deuxième tentative, il envoya ses deux fils réaliser une seconde expédition, en 1923. Au volant de Renault MH à trois essieux, les frères Estienne ouvrirent des voies, qui servirent pour la future Compagnie Transsaharienne.
54 ans plus tard, en hommage au "Raid Six Roues", sept camions Saviem TP3 partirent de Dakar, en direction du Caire. Douze semaines de traversée du désert (au sens propre), dans un contexte pré-Dakar.
RVI était né de la fusion de Saviem et Berliet. Le constructeur Lyonnais avait eu son propre raid tout-terrain. En 1959, neuf GBC firent une première boucle dans le Sahara, en partant (et en arrivant, donc) du sud Algérien. La "Mission Berliet Ténéré" fut doublé d'une "Mission Berliet Tchad", en 1960. Avec les mêmes points de départ et d'arrivée, mais suivant un autre itinéraire.
Dans les années 2000, l'Afrique de l'ouest était perçue comme une zone de plus en plus instable. Aussi, Renault Trucks lorgnait sur l'Asie, avec l'ouverture d'une filiale en Chine. Va donc pour un raid Asiatique.
Renault Trucks ne laisse rien au hasard. René Metge est chargé des reconnaissances (ainsi que de la préface.) Rappelons qu'il était l'organisateur du Master Rallye (ex-Paris-Moscou), du Rallye d'Orient et plus tard, de la Transorientale. Autant dire qu'il connaissait bien les pistes d'Asie Centrale et du Moyen-Orient.
Yann Arthus-Bertrand était présent à ses côtés. Hélas, il avait laissé son appareil-photo chez lui...
68 jours pour aller de Lyon à Pékin, ce n'était pas très rapide. A titre de comparaison, les raids Atypik rallient Pékin, de Paris, en un mois et demi. Et ils prennent les chemins des écoliers. Cet été, Aito n'a mis que deux semaines pour aller de Pékin à Paris.
Néanmoins, Renault Trucks souhaitaient avant tout démontrer les aptitudes de ses Kerax et Sherpa tous-terrains. Le but n'était pas d'aller vite, mais d'affronter un maximum d'obstacles (dunes, pistes rocailleuses, hauts plateaux, etc.)
D'ordinaire, pour les raids, ce sont les autorisations qui dictent le tracé.
Ici, les organisateurs se veulent plus lyriques. La boussole, c'est Marco Polo. D'ailleurs, chaque chapitre commence par une citation du Livre des merveilles. Ailleurs, c'est Ferdinand von Richtofen qui est cité.
La tracé est étonnant. En fait, le marchand Vénitien voyagea essentiellement par mer. Puis il traversa l'Afghanistan en diagonale (même s'il évoqua Samarcande.) Un parcours impossible à reproduire de nos jours. Alors Renault Trucks s'est contenté d'aller à Venise, puis de marcher sur ses pas à l'entrée en Chine, de Kashgar à Hotan.
Hasard ou coïncidence, la traversée de la Turquie reprend le tracé et les étapes du Raid 2cv Paris-Kaboul de 1970... Et en Iran, ils suivent pendant quatre jours le parcours du Paris-Persépolis-Paris de 1971. Au Turkenistan et en Ouzbekistan, les camions s'offrent trois étapes du Raid Berlingo. Enfin, sur le segment Urumqi-Pékin, on retrouve le parcours de La Croisière Jaune. Sans doute un hommage aux raids motorisés du passé.
Le livre est écrit en anglais. Mais ne vous inquiétez pas, si vous ne maitrisez pas la langue de Shakespeare. En effet, il y a très peu de textes. La part belle est donnée aux photos. Plus précisément aux photos de paysage et d'habitants.
Tant pis pour ceux qui auraient voulu un ouvrage davantage "journal de bord".
Il y a un côté très Géo de la grande époque. On sent que toute la caravane a été époustouflée par cette impression de bout du monde. Des paysages et des villageois qui n'avaient guère changé depuis que Marco Polo, Louis Audouin-Dubreuil ou Jacques Wolgensinger ne soient passés par là. Et pour que le lecteur soit tout autant impressionné, ils préfèrent se taire.
Le parcours traversait également de grandes villes d'orient. Où la population est tiraillée entre les mirages de la modernité occidentale et un attachement farouche à ses racines.
Puis ce fut l'arrivée à Pékin. La Croisière Jaune avait placé sa ligne d'arrivée sur la Cité Interdite. Renault Trucks, lui, s'arrêta au Palais d'été. Exactement comme l'Opération Dragon, 17 ans plus tôt. Encore un discret hommage ?
2005, c'était l'année de la France en Chine. La presse Française et Chinoise accueillit la caravane.
Côté Renault Trucks, le moral était au zénith. Le constructeur avait signé une lettre d'intention avec le Chinois DongFeng. Objectif : produire des camions chez DongFeng-Liuzhou.
En fait, le secteur Chinois des poids-lourd était tiré par les prix. Les Kerax sont très jolis, mais un camion tout-terrain Chinois était vendu moitié moins cher. Les opérateurs Chinois ne songeaient pas au coût total de possession (TCO.) Le projet de joint-venture fit long feu. Renault Trucks vendit deux camions de pompiers (dont un que j'ai photographié à Pékin) et six dumper.
En bonus, un trombinoscope de toute l'équipe. Les pilotes (tous des employés "normaux" de Renault Trucks), les chefs de projet, les organisateurs et Phoenix TV, chaine de TV Hong-Kongaise chargée du tournage. Sachant qu'il y a eu des rotations, dans les cabines. Tout le monde n'étant pas libre durant deux mois...
Et enfin, un descriptif des quatre camions.
Norev a reproduit le Kerax 4x4 et Eligor, le Kerax 6x6. Ils sont tous les deux épuisés. Les Sherpa étaient en fait des véhicules militaires. Au dernière nouvelle, l'un d'eux rouillait sur le parking du site Arquus de Marolles-en-Hurepoix.
Stefano Chmielewski voulait un grand raid, prélude à une aventure industrielle du losange en Chine. On l'a vu, les ambitions Asiatiques ont vécu et le Silk Road a été oublié. Il n'en reste pas moins un superbe livre, qui plaira aux fans de l'orient.
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