Polo, polo !

Près de chez moi, il y a une auto-école qui s'appelle "Auto-école de l'église". Non pas qu'elle soit située à côté d'une église, mais que le dimanche, le local sert d'église évangélique !

Et donc, sur la devanture, il y a une Polo, visiblement trouvée à la va-vite sur une banque d'image. Il n'y a rien qui vous choque ? Le volant à droite est un indice. En fait, il s'agit d'une Polo Vivo GT, fabriquée en Afrique du Sud.
Depuis 1978, Uitenhage assemblait des Golf 1, alias "City Golf". Mais vers 2010, la compacte ne passait plus aucune norme et la modifier aurait été trop couteux. A la même époque, la Polo Mk4 quittait la scène, pour laisser place à la Mk5. Uitenhage a récupéré l'outillage de la Mk4, lui a offert un lifting et voilà la Polo Vivo, successeur low-cost de la City Golf. Ce fut un carton, squattant le podium des meilleures ventes Sud-africaines pendant près de 8 ans. En février dernier, elle parti à la retraite au profit d'une nouvelle Polo Vivo, basée elle sur la Mk5.
Notez que la Polo Vivo est également assemblée au Kenya, où Volkswagen a ouvert une chaine de montage, en 2016. En janvier dernier, Volkswagen a annoncé un doublement de la production... A 300 unités. Non pas par jour, mais par an !

Uitenhage est un héritage de l'apartheid. L'Europe boycottait les produits Sud-africains et en réaction, l'Afrique du Sud surtaxait les importations. D'où la création d'unités d'assemblage, puis de production, sur place. Désormais, le site à vocation à jouer les hub régionaux.
Depuis 2016, Volkswagen parsème le continent Africain d'unités d'assemblage : Nigeria, Kenya, Algérie, Rwanda et prochainement, au Ghana. Mais les obstacles sont nombreux. Outre le pouvoir d'achat local, qui limite le potentiel économique, il y a le savoir-faire. La plupart de ces pays ont pas ou peu de culture industrielle. A fortiori pour les voitures modernes, très complexes. Et aucun équipementier implanté sur place. Alors, faute de mieux, comme au Kenya, il faut se contenter d'assemblage final. D'où un prix de vente élevé, qui rogne un peu plus sur la diffusion potentielle. D'après mes calculs, Volkswagen a vendu 100 000 voitures sur le continent Africain, en 2017. Dont 80 308 rien qu'en Afrique du Sud.
Néanmoins, l'objectif est de sortir du cercle vicieux. Au Nigeria et au Ghana, le constructeur formera ses ouvriers, afin qu'il savent effectuer davantage d'opérations. Il compte également disposer d’entrepôts logistiques, afin de développer l'après-vente. Reste à convaincre les équipementiers. Renault l'a fait au Maroc, mais il frôle les 400 000 voitures par an (dont l'essentiel est exporté en Europe.) Il n'est pas du tout dans le même modèle industriel.

Je crois à une industrialisation de l'Afrique, pour l'Afrique. Au collège, on m'avait parlé du cacao en Côte d'Ivoire. La monoculture agricole se fait au détriment des forêts et cela appauvrit les sols. Et lorsque les prix du cacao plongent, c'est tout un pays qui est ruiné. L'idée d'une Afrique qui puisse s'enrichir en exportant massivement ses produits agricoles est un mythe. Le tourisme de masse ? C'est très volatil. On l'a vu en Tunisie ou en Egypte. En plus, les hôtels-clubs ont tendance à débarquer avec leurs propres animateurs et leurs propres guides. Accessoirement, ça enferme les populations dans un décor en carton-pâte. A Marrakech, j'ai pu voir des dizaines d'échoppes identiques, qui vendaient les même produits artisanaux (théières, babouches, tapis...) de mauvaise qualité. Une industrie automobile, cela apporte de la valeur-ajoutée et cela crée un écosystème.
Actuellement, dans l'industrie automobile, l'Afrique ne pèse rien. Dans les livres d'histoires, on l'évoque juste à travers le Dakar ou le Safari Rally. Rien ou presque sur son industrie. Je rêverais de voir des voitures conçues en Afrique. A minima, des versions spécifiques, comme la Polo Vivo. Et pourquoi pas un pilote d'Afrique Sub-saharienne en circuit ? Le Nigérian Ovi Iroro rendait 10 secondes au tour aux leaders de la Formule Ford 2014. Dans le British F3 2017, le Kenyan Jeremy Wahome avait parfois des notions de pilotage assez curieuses... Je ne crois pas à la fatalité. Peut-être même qu'un jour, il y aura un Grand Prix en Afrique (et pas forcément en Afrique du Sud.)

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