Running in the family
Voir une Citroën 11cv sur un parking, ce n'est pas banal ! Ici, c'est une Familiale 9 places (empattement long 3,27m), sortie de chaine entre 1953 et 1957. Elle n'a pas le droit au hayon de la Commerciale. La calandre entièrement chromée n'est pas d'origine, pas plus que les phares entièrement chromés, les ouïes sur les ailes ou les projecteurs additionnels. Mais il faut reconnaitre qu'elle est superbe.
Dans les années 80, alors que le monde de l'ancienne se consolidait, la grande famille des Traction Avant (NDLA : oui, c'était le nom officiel, tant pis pour le pléonasme) était considérée comme "collection". Les 11cv d'après-guerre pouvaient se négocier jusqu'à 50 000 frs, ce qui était plus que correct, eu égard à leur diffusion et leur âge. Oui, mais en cherchant un peu, on pouvait trouver des voitures par chères chez des garagistes un peu naïfs ou en province. C'était des voitures rincées et souvent entretenues sans aucun scrupule (accessoirisation à outrance, peinture non d'origine, pneus modernes, etc.) Et c'était la même chose avec les 203 et les 4cv...
Les concentrations type Vincennes en Anciennes tournaient alors au rendez-vous des 11cv, 203 et 4cv tunées. Et l'été, lorsque les magazines auto voulaient remplir leurs pages, ils en prenaient une en photo et bâclaient un historique dessus...
Lorsque j'ai commencé à faire des "Conducteurs du jour" pour Le Blog Auto, je ne les prenais même pas en photo. Et puis, qu'est-ce que j'aurais pu dire de neuf dessus ? Aujourd'hui, les "popus" françaises tunées ont disparu et je redécouvre la beauté de la Traction Avant...
André Citroën était l'Elon Musk de l'entre-deux guerres ! Comme l'homme d'affaires Sud-africaino-Américain, Citroën était un flambeur, amateur de casinos. Citroën (la marque) est venu à l'automobile en 1919, alors que le marché français était déjà mature. Citroën (l'homme) était fasciné par les Etats-Unis et en particulier par Henry Ford. De ce dernier, il avait compris l'intérêt de la communication. André Citroën n'hésitait pas à se mettre lui-même en scène, là où Louis Renault fuyait les caméras. Pour se faire de la pub, il organisa des raids à travers un désert Africain et des hauts-plateaux Asiatiques réputés infranchissables (merci Adolphe Kegresse.) Il fit transformer la Tour Eiffel en support publicitaire géant et lorsque Charles Lindbergh traversa l'Atlantique, on l'invita à visiter les usines Citroën (sans oublier les photographes, bien sûr.) Et tout cela, durant les dix premières années de la marque ! L'autre point commun avec Musk, c'est que Citroën (l'homme) jonglait avec les créances, créant des sociétés pour les absorber et frôlant en permanence la faillite.
Au début des années 30, le marché français se consolidait. Il fallait rester compétitif. La "Rosalie" était une voiture somme-toute assez classique. André Citroën voulait une voiture "révolutionnaire" pour balayer la concurrence. La carrosserie monocoque avait été introduite en 1922 par Lancia, avec la Lambda. Néanmoins, c'était l'Américain Budd qui avait créé une vraie carrosserie où le toit participe à la rigidité de l'ensemble. L'avantage, c'était une baisse du centre de gravité (vu qu'il n'y avait plus l'épaisseur du châssis.) Pour un généraliste comme Citroën, cela signifiait aussi moins d'éléments à construire (gain financier) et à monter (gain de temps.) La traction avait été popularisée par Harry Miller. Au temps des courses US sur des autodromes couverts de planches (comme un vélodrome), le centre de gravité bas offrait un avantage considérable en matière de stabilité et de vitesse. Par contre, les roadsters de Miller tournaient difficilement. Le Français Jean-Albert Grégoire avait conçu un joint permettant aux roues avants de tourner tout en recevant le couple du moteur. Citroën prit donc des brevets auprès de Budd et de Grégoire. Grâce à tout cela, la Traction Avant était beaucoup plus basse et plus racée que les voitures contemporaines. Le Traction Avant bénéficiait également de freins hydrauliques sur les quatre roues et de suspension avant indépendantes. Rien de très neuf, mais au début des années 30, cela restait rare chez les généralistes. André Citroën voulait également une boite automatique avant l'heure. Mais la boite n'était pas fiabilisé. In extremis, les voitures furent équipées d'une boite trois rapports en "H" (ou plutôt en "h"), que j'ai retrouvé sur le Type H...
Le public avait eu vent de la future Citroën et il l'attendait, boudant la Rosalie. Un lifting, en 1934, n'y fait rien. En mars 1933, André Lefebvre posa ses valises chez le constructeur. Sa compétence-clef, c'est qu'il avait travaillé sur la traction, chez Voisin. Un an plus tard, en mars 1934, les agents Citroën assistaient à la première présentation des prototypes de la Traction Avant. Le constructeur, aux abois, en profitait pour leur demander de pré-commander leurs voitures. En octobre 1934, les Traction Avant 7cv et 22cv sont présentées au public, au Grand Palais. Les soucis d'André Citroën ne sont pas finis, loin s'en faut. On accusa Louis Renault d'avoir manœuvré en coulisse (auprès des banques et de l'état Français) pour que personne ne lui prête un seul centime. En décembre 1934, Citroën était mis en liquidation. Le fondateur était écarté. Diminué par ce revers, son cancer prit de la vigueur et il mourut en juillet 1935. Quelques jours plus tard, une 7cv atteignait Moscou ; le dernier raid commandité par le patron...
Dans les livres d'histoires, on a l'impression qu'entre le salon de Paris 1934 et le salon de Paris 1955 (où fut dévoilé la DS), il ne s'est rien passé. Rien n'est moins vrai.
Après la mise en liquidation, Citroën fut confié à ses créanciers. Michelin était l'un de ceux avec la plus grosse ardoise et il prit le contrôle. Terminés, les excès du flambeur Parisien ! Place à la rigueur auvergnate. La 22cv à moteur V8, trop chère, fut écartée. La 7cv S, à moteur 1,9l, fut rapidement renommée 11cv. En attendant la montée en cadence des Traction Avant 7cv et 11cv, les Rosalie reçurent leurs moteurs des Traction Avant, réalésés (les Rosalie, plus lourdes, avaient besoin de davantage de chevaux...) L'autre nouveauté, c'est une malle ouvrante, à l'arrière (les toutes premières Traction Avant n'avaient pas de coffre !) En 1938, la 15cv-Six fit son entrée, en profitant des études menées sur la 22cv.
Durant la guerre, les collaborateurs ironisaient sur la judéité supposée d'André Citroën et comment cela avait "contaminé" l'entreprise. Pourtant, officiers nazis et cadres de Vichy se battaient pour confisquer les Traction Avant. Ils appréciaient leurs performances et leur tenue de route. Puis elles furent adoptées par les FFI. Dans l'immédiat après-guerre, il y eu le fameux "gang des Traction", formés d'anciens résistants et d'anciens collaborateurs, dont Pierrot le fou...
Dès 1945, la production de la 11cv reprit. L'année suivante, la 15cv-Six reparti à son tour. La 7cv, elle, ne passa pas 1939... En cette même année 1946, Michelin conçu le pneu radial et bien sûr, la 11cv fut la première à en bénéficier. A la fin des années 40, il fallait attendre deux ans pour obtenir une Traction Avant. Qui plus est, elles étaient exclusivement proposée en anthracite ! La 11cv, avec ses 56ch et ses 120km/h en pointe, elle commençait à marquer le pas face aux 203 et autres Simca Huit. Sans oublier la visibilité arrière quasi-nulle ou la direction très lourde à l'arrêt. Oui, mais les autres n'étaient pas davantage disponible et la Citroën surfait sur son image de "voiture de la résistance". En 1953, les Familiale et Commerciale (uniquement proposée en bleu de chauffe) firent leur retour.
Au salon de Paris 1955, la DS 19 fit ses grands débuts. Mais l'histoire des Traction Avant n'était pas fini. Comme avec la Rosalie en son temps, les 11cv et 15cv-six restèrent au tarif, le temps que la nouvelle venue s'installe... La 15cv-six reçu les suspensions hydropneumatiques de la future DS. La 11cv, elle, eu droit à un 1,9l largement revu, le moteur 11 D, offrant 60ch ; de quoi atteindre 125km/h ! Finalement, en juillet 1957, 24 ans et 3 mois après la présentation aux concessionnaires, la dernière Traction Avant sorti de l'usine du quai de Javel. C'était une 11cv Familiale...
Dans les années 80, alors que le monde de l'ancienne se consolidait, la grande famille des Traction Avant (NDLA : oui, c'était le nom officiel, tant pis pour le pléonasme) était considérée comme "collection". Les 11cv d'après-guerre pouvaient se négocier jusqu'à 50 000 frs, ce qui était plus que correct, eu égard à leur diffusion et leur âge. Oui, mais en cherchant un peu, on pouvait trouver des voitures par chères chez des garagistes un peu naïfs ou en province. C'était des voitures rincées et souvent entretenues sans aucun scrupule (accessoirisation à outrance, peinture non d'origine, pneus modernes, etc.) Et c'était la même chose avec les 203 et les 4cv...
Les concentrations type Vincennes en Anciennes tournaient alors au rendez-vous des 11cv, 203 et 4cv tunées. Et l'été, lorsque les magazines auto voulaient remplir leurs pages, ils en prenaient une en photo et bâclaient un historique dessus...
Lorsque j'ai commencé à faire des "Conducteurs du jour" pour Le Blog Auto, je ne les prenais même pas en photo. Et puis, qu'est-ce que j'aurais pu dire de neuf dessus ? Aujourd'hui, les "popus" françaises tunées ont disparu et je redécouvre la beauté de la Traction Avant...
André Citroën était l'Elon Musk de l'entre-deux guerres ! Comme l'homme d'affaires Sud-africaino-Américain, Citroën était un flambeur, amateur de casinos. Citroën (la marque) est venu à l'automobile en 1919, alors que le marché français était déjà mature. Citroën (l'homme) était fasciné par les Etats-Unis et en particulier par Henry Ford. De ce dernier, il avait compris l'intérêt de la communication. André Citroën n'hésitait pas à se mettre lui-même en scène, là où Louis Renault fuyait les caméras. Pour se faire de la pub, il organisa des raids à travers un désert Africain et des hauts-plateaux Asiatiques réputés infranchissables (merci Adolphe Kegresse.) Il fit transformer la Tour Eiffel en support publicitaire géant et lorsque Charles Lindbergh traversa l'Atlantique, on l'invita à visiter les usines Citroën (sans oublier les photographes, bien sûr.) Et tout cela, durant les dix premières années de la marque ! L'autre point commun avec Musk, c'est que Citroën (l'homme) jonglait avec les créances, créant des sociétés pour les absorber et frôlant en permanence la faillite.
Au début des années 30, le marché français se consolidait. Il fallait rester compétitif. La "Rosalie" était une voiture somme-toute assez classique. André Citroën voulait une voiture "révolutionnaire" pour balayer la concurrence. La carrosserie monocoque avait été introduite en 1922 par Lancia, avec la Lambda. Néanmoins, c'était l'Américain Budd qui avait créé une vraie carrosserie où le toit participe à la rigidité de l'ensemble. L'avantage, c'était une baisse du centre de gravité (vu qu'il n'y avait plus l'épaisseur du châssis.) Pour un généraliste comme Citroën, cela signifiait aussi moins d'éléments à construire (gain financier) et à monter (gain de temps.) La traction avait été popularisée par Harry Miller. Au temps des courses US sur des autodromes couverts de planches (comme un vélodrome), le centre de gravité bas offrait un avantage considérable en matière de stabilité et de vitesse. Par contre, les roadsters de Miller tournaient difficilement. Le Français Jean-Albert Grégoire avait conçu un joint permettant aux roues avants de tourner tout en recevant le couple du moteur. Citroën prit donc des brevets auprès de Budd et de Grégoire. Grâce à tout cela, la Traction Avant était beaucoup plus basse et plus racée que les voitures contemporaines. Le Traction Avant bénéficiait également de freins hydrauliques sur les quatre roues et de suspension avant indépendantes. Rien de très neuf, mais au début des années 30, cela restait rare chez les généralistes. André Citroën voulait également une boite automatique avant l'heure. Mais la boite n'était pas fiabilisé. In extremis, les voitures furent équipées d'une boite trois rapports en "H" (ou plutôt en "h"), que j'ai retrouvé sur le Type H...
Le public avait eu vent de la future Citroën et il l'attendait, boudant la Rosalie. Un lifting, en 1934, n'y fait rien. En mars 1933, André Lefebvre posa ses valises chez le constructeur. Sa compétence-clef, c'est qu'il avait travaillé sur la traction, chez Voisin. Un an plus tard, en mars 1934, les agents Citroën assistaient à la première présentation des prototypes de la Traction Avant. Le constructeur, aux abois, en profitait pour leur demander de pré-commander leurs voitures. En octobre 1934, les Traction Avant 7cv et 22cv sont présentées au public, au Grand Palais. Les soucis d'André Citroën ne sont pas finis, loin s'en faut. On accusa Louis Renault d'avoir manœuvré en coulisse (auprès des banques et de l'état Français) pour que personne ne lui prête un seul centime. En décembre 1934, Citroën était mis en liquidation. Le fondateur était écarté. Diminué par ce revers, son cancer prit de la vigueur et il mourut en juillet 1935. Quelques jours plus tard, une 7cv atteignait Moscou ; le dernier raid commandité par le patron...
Dans les livres d'histoires, on a l'impression qu'entre le salon de Paris 1934 et le salon de Paris 1955 (où fut dévoilé la DS), il ne s'est rien passé. Rien n'est moins vrai.
Après la mise en liquidation, Citroën fut confié à ses créanciers. Michelin était l'un de ceux avec la plus grosse ardoise et il prit le contrôle. Terminés, les excès du flambeur Parisien ! Place à la rigueur auvergnate. La 22cv à moteur V8, trop chère, fut écartée. La 7cv S, à moteur 1,9l, fut rapidement renommée 11cv. En attendant la montée en cadence des Traction Avant 7cv et 11cv, les Rosalie reçurent leurs moteurs des Traction Avant, réalésés (les Rosalie, plus lourdes, avaient besoin de davantage de chevaux...) L'autre nouveauté, c'est une malle ouvrante, à l'arrière (les toutes premières Traction Avant n'avaient pas de coffre !) En 1938, la 15cv-Six fit son entrée, en profitant des études menées sur la 22cv.
Durant la guerre, les collaborateurs ironisaient sur la judéité supposée d'André Citroën et comment cela avait "contaminé" l'entreprise. Pourtant, officiers nazis et cadres de Vichy se battaient pour confisquer les Traction Avant. Ils appréciaient leurs performances et leur tenue de route. Puis elles furent adoptées par les FFI. Dans l'immédiat après-guerre, il y eu le fameux "gang des Traction", formés d'anciens résistants et d'anciens collaborateurs, dont Pierrot le fou...
Dès 1945, la production de la 11cv reprit. L'année suivante, la 15cv-Six reparti à son tour. La 7cv, elle, ne passa pas 1939... En cette même année 1946, Michelin conçu le pneu radial et bien sûr, la 11cv fut la première à en bénéficier. A la fin des années 40, il fallait attendre deux ans pour obtenir une Traction Avant. Qui plus est, elles étaient exclusivement proposée en anthracite ! La 11cv, avec ses 56ch et ses 120km/h en pointe, elle commençait à marquer le pas face aux 203 et autres Simca Huit. Sans oublier la visibilité arrière quasi-nulle ou la direction très lourde à l'arrêt. Oui, mais les autres n'étaient pas davantage disponible et la Citroën surfait sur son image de "voiture de la résistance". En 1953, les Familiale et Commerciale (uniquement proposée en bleu de chauffe) firent leur retour.
Au salon de Paris 1955, la DS 19 fit ses grands débuts. Mais l'histoire des Traction Avant n'était pas fini. Comme avec la Rosalie en son temps, les 11cv et 15cv-six restèrent au tarif, le temps que la nouvelle venue s'installe... La 15cv-six reçu les suspensions hydropneumatiques de la future DS. La 11cv, elle, eu droit à un 1,9l largement revu, le moteur 11 D, offrant 60ch ; de quoi atteindre 125km/h ! Finalement, en juillet 1957, 24 ans et 3 mois après la présentation aux concessionnaires, la dernière Traction Avant sorti de l'usine du quai de Javel. C'était une 11cv Familiale...
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