So foot...

Une Renault 11, dans son jus, surprise devant un McDo. Ca, à l'instar de sa sœur R9, la R11 a mal vieilli. Malgré son hayon et sa vitre arrière panoramique, elle est jugée ringarde. Les exemplaires sont encore victimes des primes à la casse.
Ce qui fait le sel de cette R11, c'est le macaron Prévention Routière et sur le rétroviseur, le fanion AS Monaco d'époque !

La R11 est apparue début 1983. Un an plus tôt, Renault s'était offert les services d'un autre footballeur, Michel Platini, pour promouvoir la R12. Aujourd'hui, on aurait du mal à croire qu'un footballeur roule dans une modeste berline. Sur Instagram, Karim Benzema pose avec les Lamborghini qu'il loue à Miami. L'univers des footballeurs, ce sont davantage les montres de luxe. Mais au début des années 80, le football n'a rien de glamour. Le fan de foot est perçu comme un ouvrier ou un rural bas du front. Que ce soit dans Coup de tête (1979) ou dans A mort l'arbitre (1984.) Michel Platini aurait reçu 880 000 francs en sous-main, lors de ses trois saisons à Saint-Etienne. D'après l'INSEE, cela correspond à 292 000 euros ; à peine ce que claque un footballeur actuel lors d'un week-end à Miami ! En pourtant, pour l'époque, c'était énorme...

L'argent et la médiatisation, dans le football, ont progressé de manière exponentielle. En 1964, Sochaux réintègre la 1ère division. Les joueurs étaient de jeunes employés de Peugeot, footballeurs amateurs, qui avait été détectés et mutés à Sochaux. On leur offrait des postes de complaisances, mais avec un salaire "à temps plein". Essayez d'imaginer, aujourd'hui, Neymar pointant à Emirate Airways, une ou deux fois par semaine...
Cette même année 1964, les Jeux Olympiques de Tokyo étaient diffusés en Mondovision. Dans les années 70, la pratique devenait de plus en plus courante, alors que la TV envahissait les foyers occidentaux. Cela voulait dire qu'au même instant, des millions de spectateurs pouvaient voir les marques au bord des stades ou les logos des tenues. Coca-Cola et Adidas furent les premiers à comprendre l'impact que cela avait. Ils étaient près à payer pour être vus. En 1971, l'éphémère pilote Gordini André Guelfi faisait parti du tour de table des repreneurs du Coq sportif. Grâce à cela, "Dédé la Sardine" était invité dans tous les évènements sportifs importants. Ayant le flair en affaire, il monta une société de marketing sportif. Mais dès la fin des années 70, il avait perdu le CIO et la FIFA, faute de surface financière...
A la même époque, le foot hexagonal découvrait l'argent. En 1970, une équipe était créé de toute pièce, avec d'importants moyens (pour l'époque) : le PSG. En 1972, elle disposait d'un stade immense, le Parc des Princes. Néanmoins, l'équipe en verve, c'était Saint-Etienne. Dominique Rocheteau fut l'un des premiers footballeur connu du grand public. Ca lui valu un contrat avec... André. En 1976, les Français se passionnèrent pour l'épopée des "Verts" et le maillot de l'équipe s'orne de sponsors. Grâce à ses "grosses" primes, Ivan Curkovic pouvait s'offrir une Mercedes 300D. Quel pas de géant par rapport aux footballeurs de Sochaux, 12 ans plus tôt ! Mais ce n'était qu'un début...
De l'autre côté de l'Atlantique, la TV par câble débarquait. Les networks traditionnels, ABC, CBS et NBC, n'avaient pas vu le vent tourner. De nouveaux acteurs comme Warner Bros, Disney ou Turner -venu de la pub- se retrouvaient avec des dizaines de chaines. Il fallait bien les remplir... Turner racheta des catalogues de vieux films et en parallèle, il créa CNN, la première chaine d'information en continue. Warner Bros opta pour MTV, un robinet à clip. Disney, lui, créa la chaine de sport ESPN. La France, elle, en étais encore à découvrir la télévision à péage, avec Canal+ (1984.) Les chaines traditionnelles se contentaient de diffuser un match de temps en temps. Ces nouveaux opérateurs, eux, avaient davantage de créneaux. Canal+ toqua à la porte de la FFF pour diffuser DES matchs de D1, de manière hebdomadaire. En 1989, TF1 et Sky créaient Eurosport, un clone Européen d'ESPN. Ainsi, il y avait désormais une compétition pour s'offrir les droits de retransmission du foot. Un peu plus tôt, Matra s'était offert le Racing, devenu Matra Racing. Ce fut un échec sportif et financier. Mais il marqua le début d'une course à l'armement, avec recrutement à grands frais des meilleurs joueurs (y compris hors de France.) Arrivé à la tête de l'OM en 1986, Bernard Tapie ne prit son envol que vers 1989 et Marseille d'entamer une épopée Européenne. En 1991, Canal+ s'investit encore plus en prenant les commandes du PSG. Ces chaines de TV avaient des spectateurs plutôt CSP+. Il fallu donc lui "vendre" le football, qui restait un sport populaire (au sens péjoratif du terme.) Les footballeurs devenaient des stars. Les matchs, des évènements (cf. les "classicos" PSG-OM.) Il y avait désormais des conférences de presse d'après-match, devant les caméras. Les sponsors furent ravis par ce tournant. A commencer par l'équipementier Nike, qui avait une stratégie très agressive pour s'imposer face à Adidas. Consciemment ou non, Les Guignols participèrent à la médiatisation du foot, en mettant Eric Cantona ou Jean-Pierre Papin au même niveau que des Hommes politiques ou des acteurs.
En une quinzaine d'années, les salaires avaient gagné un "0". L'élite de l'élite dépassait le million de francs de primes accumulées, hors revenus extra-sportifs. En 1994, l'OM était surendetté. Les Guignols faisaient dire à Bernard Tapie qu'il allait gagner "un ou deux millions [de francs]" rien qu'en revendant les voitures des 11 joueurs. Et à l'époque, ça semblait énorme...

Commentaires

Articles les plus consultés