La nuit... 204

Gag : sur le chemin de la Nuit 208, je suis tombé sur ce break Peugeot 204. C'est un modèle essence (absence de badge "Diesel" à l'arrière), produit entre 1969 (pare-chocs avec rembourrages en caoutchouc) et 1972 (lion encore dans un écusson.)

Notez les bavette d'époque, accessoire typique du propriétaire, avec les catadioptres sur les côtés ou la queue de tigre (merci Esso) sur le rétroviseur... 
Les constructeurs aiment bien évoquer le passé. Cela rassure. Et c'est toujours ça de pris sur les Asiatiques. Encore qu'aujourd'hui, timidement, Japonais et Coréens ouvrent à leur tour leurs album-photos...
Bien sûr, les constructeurs ont la mémoire sélective. Le passé est là pour mettre en valeur le présent, voire l'avenir. Il faut créer le fameux story-telling. En Europe, on souligne l'inventivité (le premier à proposer telle innovation, par exemple.) En Asie, les constructeurs préfèrent évoquer la prospérité (millionième voiture produite, ouverture d'usines, lancement dans tel pays, etc.)

Dans ce passé réécrit, les voitures comme la 204 n'ont guère de place. En règle générale, la firme au lion est discrète sur l'époque "pré-205". Ce n'est que récemment qu'il a sorti la 504 des limbes.

A la limite, son dérivé 304 a défriché le segment "C" et c'est un lointain ancêtre de la 308.

La 204, elle, représentait la petite berline 6cv. Une catégorie qui s'est retrouvée balayée par les citadines des années 70. Peugeot finit d'ailleurs par sacrifier la 204 au profit d'une 104 légèrement montée en gamme, en 1975.
Qui plus est, la 204, sous-motorisée (1,1l 55ch) et sous-équipée (notez tout de même ses nombreuses chromes) conserve une image guère reluisante auprès du grand public. Surtout dans ce break, très utilitaire, destiné aux représentants de commerce et aux ruraux.
Pourtant, au risque de radoter, la 204 fut très importante pour Peugeot. Depuis l'après-guerre, il était fidèle au modèle unique. Néanmoins, la clientèle s'était segmentée et avec sa 404, il laissait tomber des pans entiers du marché.

En avril 1965, la 204 débarqua en concession (à l'époque, les lancements presse étaient rares.) Pour la première fois depuis la guerre, la firme au lion revenait à une organisation multi-produit.
Le break suivi à l'automne, au salon de Paris (qui ne s'appelait pas encore Mondial...) Car le plus-produit de Peugeot, c'était les déclinaisons. La R8 n'était proposée qu'en 4 portes. La génération suivante de 6cv Françaises (Renault 12, Simca 1100 et Citroën GS) furent également proposées en break. Néanmoins, Peugeot alla encore plus loin avec un coupé et un cabriolet (comme il l'avait fait pour les 203, 403 et 404.)
Face à l'arrivée de nouvelle concurrente, à la fin des années 60, Peugeot réagit avec la 304. Équipée d'un moteur 1,3l et un poil plus cossue, elle était mieux armée. La stratégie très discutable du constructeur fut de maintenir la 204 vaille que vaille. Elle survit à l'arrivée de la 104 et la firme au lion expédia aux orties une 104 break qui aurait cannibalisé la 204 du même acabit.

Peugeot, entreprise ambitieuse des années 60, passé en quelques années d'un à cinq modèles (104, 204, 304, 504 et 604) coupa net son élan et fit preuve d'un immobilisme complet. Grâce au trésor de guerre des années de vaches grasses, le constructeur pu s'offrir ses rivaux Citroën et Simca. Néanmoins, par son manque d'innovations et d'adaptation aux évolutions, le nouveau groupe a bien failli être un BL Français...
La 204 aurait sans doute plu de l'autre côté des Pyrénées, très friand de 3 volumes de poche (cf. la Renault 7.) Néanmoins, l'Espagne de Franco était boycottée et contrairement à Renault, Peugeot ne possédait pas encore de tête de pont espagnole...

Globalement, la 204 fut une voiture très franco-française.
Pour sa défense, dans les années 60 ou même 70, exporter au sein de l'Europe des 9 était une gageur. Il fallait investir lourdement pour développer un réseau, comme le firent Ford et Fiat en France. Faute d'homologation Européenne, il fallait adapter son modèle à des normes nationales. Tout cela pour des possibilités très limitées, car les automobilistes privilégiaient les marques nationales.
Le rachat de Chrysler Europe permit à PSA de mettre le pied en Grande-Bretagne et surtout, en Espagne. Pour autant, ce n'est que dans les années 90 qu'il voulu vraiment rayonner en Europe. Et encore, autant PSA investissait au Brésil, en Chine et dans une moindre mesure, au Nigéria et au Maroc, autant il restait très timide dans l'Europe des 12. Sans parler de l'Europe de l'est, où il laissa partir Olicit dans les bras de Daewoo, là où Renault investissait dans Dacia... Le traumatisme de Chrysler Europe (et de la croissance externe), ainsi que du flop US dictèrent sa politique jusqu'à Carlos Tavares.

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