La nuit 208

Vendredi dernier, j'étais invité à la Nuit 208, le lancement grand public de la Peugeot 208.

Le même jour, la presse découvrait la 208. Moi, bien sûr, cela fait quelques années que je ne suis plus invité aux présentations presse. Et pour vous parler franchement, ça me manque.
Pour autant, dans ce genre de présentations, vous vous faites souvent balader (au sens propre, comme au figuré.) Qui plus est, certains responsable presse ont tendance à prendre les médias pour des agences de com'. Les essais du Blog Auto étaient publiés le dimanche et vous pouviez être sûr que le lundi matin, certains constructeurs allaient vous appeler...
L'avantage des présentations public, c'est qu'ils sont plus spontanés, y compris dans leurs remarques, parfois naïves.
Début de soirée
La présentation avait lieu au domaine de Saint Cloud, c'est-à-dire juste en face du siège de Renault. Drôle de coïncidence !

Comme son nom l'indiquait, la Nuit 208 avait lieu de nuit. Sur place, on trouvait désormais les habituels food-trucks.
Et au fond, les 208, bâchées et cernées de barrières.

Premier constat : il y avait énormément de monde. Vous aviez l'habituel fan hardcore vieillissant, avec son blouson [205] GTI et ses quelques potes. Mais dans l'ensemble, cela tournait plutôt autour de 20, 25 ans, essentiellement des hommes (les femmes étant surtout leurs copines/épouses respectives.) C'est la génération Uber, Velib', BlaBlaCar et trottinettes électrique. Une tranche d'age décrite volontiers comme post-automobile. Pourtant, le lancement de la 208 les passionnait au point d'y sacrifier un vendredi soir. Quitte à braver le froid et la pluie fine qui tombait en début de soirée. Des jeunes gens prêts à poireauter, là, debout, contre les barrières. Sachant qu'il n'y avait aucune animation ou même des sièges.
Nuit de folie
Puis à 21h, passage aux choses sérieuses. Les projecteurs s'éteignirent. Le DJ passa le "Aeroplane remix" de Baby I'm yours de Breakbot. Au fond, une nuée de drones composèrent des tableaux lumineux : 208, le lion Peugeot et la silhouette de la voiture.

C'était la première fois que j'assistais à une telle chorégraphie de drones. La musique ajoutait à l'effet spectaculaire. J'étais soufflé. Mes camarades d'un soir étaient pareillement émerveillés. Ca valait le déplacement !
La vie la nuit
Bien sûr, cette animation servait également de diversion. Pendant que l'on regardait en haut, on ne voyait pas, devant nous, les petites mains qui enlevaient les bâches. De plus, deux 208 avaient débarqué, devant nous.

Une fois le show achevé, nous voici donc devant la nouvelle citadine de la marque au lion.
La 208 a en fait été dévoilée à Genève. J'en avais vu rouler à l'automne dernier. J'imagine que comme d'habitude, le WLTP a forcé le constructeur à revoir sa copie. Heureusement pour les Fran-comtois, la Clio V était victime du même contre-temps.
La 208 repose sur la plateforme CMP et sa cousine Opel Corsa est déjà en concession.

Comme l'Allemande, la 208 est d'emblée proposée en version thermique et électrique. Elle propose ainsi trois variantes du 3 cylindres turbo 1,2l PureTech (75ch, 100ch et 130ch) et une e-208 100kW (l'équivalent de 136ch.) Sur le modèle sortant, les diesel tenaient le haut du pavé. Désormais, il n'y a plus qu'un unique 4 cylindres 1,5l BlueHDI 100ch. Info ou intox, il n'y aurait pas de GTI ; il faudrait donc se contenter de la PureTech 130ch GT Line et sa boite automatique à 8 rapports.

Le jaune Faro me fait penser à celui des 205 T16 Grand Raid sponsorisée par "chameau". Un hommage ? Les e-208 étaient, elles, en bleu Vertigo. Manquait le rouge Elixir (la 208 n'étant pour l'instant proposée qu'en deux teintes.) Sans quoi, on aurait eu les couleurs de Peugeot-Talbot Sport...
Les vigiles cernèrent les voitures de cordons, ce n'est qu'après qu'on a pu les approcher.

La presse a eu l'opportunité de s'assoir et même de conduire la 208... Alors que j'en suis réduit à tenter désespérément de photographier une 208 avec moins de dix personnes dans le champ. Victoribus gloria, vae victis.
Mon impression première, c'est que Peugeot a joué la carte de la virilité et de la personnalité. Le côté féminin et les rondeurs, c'est pour Citroën ! 
Les trois feux arrières en diagonales, façon 504 coupé, sont désormais déclinés aussi à l'avant. Le tout avec cette lame qui évoque les crocs d'un lion. Et sur la calandre, un "208" chromé, un autre clin d’œil au passé (inauguré par la 508.) Le profil se veut musclé, avec ces ailes boursouflées.

Peugeot se veut audacieux, face à l'ultra-conservatisme de Renault. Reste à savoir quelle stratégie sera payante...

Je suis surpris par les passages de roues, avec ces petites roulettes perdues dedans. 
Peugeot souhaite promouvoir l'e-208. Son message, volontiers martelé, étant que la version électrique propose les mêmes prestations que la thermique.

D'où de nombreuses e-208 à la Nuit 208, afin qu'elles soient bien visibles. Ces e-208 étaient repérable à leur teinte bleu Vertigo...
Mais surprise, ces e-208 disposaient d'une double-sortie d'échappement !

Depuis, j'ai croisé des e-208 et bien sûr, point d'échappement à l'arrière.

Le plus probable est que faute d'e-208 prêtes pour la soirée, Peugeot a vissé à la hâte des plaques "e-208" sur des PureTech...
Jardins d'enfants
La 208, c'est 2,1 millions de ventes en 7 ans. En 2018, malgré un fléchissement, du à la fin de carrière, elle représentait 17% des ventes mondiales de Peugeot. La nouvelle sera produite à Mulhouse, Trnava (Slovaquie) et Porto Real (Brésil.) Elle va inaugurer l'usine de Kenitra, au Maroc. Elle devrait être assemblée en Malaisie, au Vietnam, au Kazakhstan et au Nigeria.

C'est donc, par définition, un véhicule stratégique pour le constructeur.

Dans le temps, un tel lancement aurait été accompagné d'une grosse campagne dans les médias, avec un slogan tapageur et un ambassadeur. Sans oublier un carpet bombing de communiqué sur le design, les équipements, les teintes, les innovations par rapport au modèle sortant, etc. (NDLA : pour les gens comme moi, payé à l'article, c'était un rêve...) 
En résumé, la 208 devrait être omniprésente.

En pratique, c'est un quasi-silence-radio. La campagne de pub est tiédasse. D'ailleurs, sur YouTube, la vidéo a été vue douze mille fois. Celle de Genève, vingt-quatre mille fois, au bout de sept mois ! Le slogan, c'est "Unboring the future", du globish. Côté presse, le communiqué du lancement en concessions tient en dix-sept lignes. En comptant Genève, Peugeot a évoqué huit fois la 208 (dont quatre fois pour des tournois de tennis sponsorisés par Peugeot.)

L'une des raisons de cette stratégie petit bras, c'est que Peugeot reste échaudé par l'expérience des 205 et même 206. Des voitures cultes, qui furent difficile à remplacer. La 206 fut commercialisée jusqu'en 2012, grévant les 207 d'entrée de gamme. L'une des premières décisions du plan "push to pass" fut d'ailleurs de liquider cette encombrante mamie.
En 2019, la voiture doit être un produit périssable et interchangeable. La nouvelle venue doit ringardiser l'ancienne. Le propriétaire doit vouloir en changer tous les trois ans. Donc pas question de créer un attachement trop fort.
S'y ajoute la financiarisation des constructeurs. L'heure n'est plus aux stratégies marketing dispendieuses. Ensuite, la clientèle boboïsante a été poussée vers le 2008. Il ne reste qu'une clientèle utilitariste. A ce propos, Peugeot a multiplié les spots s'adressant aux gestionnaires de flottes : les Peugeot sont si géniales que vos collaborateurs s'en emprunteront mutuellement les clefs !
Les autres généralistes ont la même stratégie. Souvenez-vous de l'Idée Ford, avec ses contrats de location longue durée sur trois ans... Ford Europe a liquidé ses grands programmes promotionnels et sportifs. Ford Europe fut également l'un des premiers à communiquer davantage sur ses services associés que sur ses modèles. Une stratégie impeccable : 1,4 million de ventes en 1998, 1,2 million de ventes en 2008, 1 million de ventes en 2018 et -5,2% depuis le début de l'année... L'ovale bleu revient à des niveaux de ventes des années 80 (et encore, on parlait alors d'Europe des douze.) C'est un bel exemple de réussite et les généralistes sont bien inspirés de chercher à reproduire sa stratégie.
Pour finir sur une note optimiste, j'ai été surpris par les réactions des jeunes. En sortant, ils étaient enthousiasts. Ils commençaient déjà à se projeter sur la 208, à réfléchir à la meilleure teinte, etc. 
On est loin de l'image autophobe volontiers véhiculée sur cette génération. Non, les jeunes n'ont pas complètement abandonné l'idée de rouler en voitures, ni même d'en posséder une. 

Que la voiture ne soit plus aussi incontournable qu'avant, c'est un fait. En ville, c'est souvent un boulet, malgré les efforts des compagnies de métro, de tramway ou de bus, pour nous dissuader des transports en commun.
Pour autant, l'usage de la voiture particulière ne semble pas prêt de s'éteindre...

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