Citroën Berlingo Raid Paris-Samarkand-Moscou au 1/43e par Eligor

J'ai toujours autant de mal à stopper les acquisitions de miniatures ! Dernière en date : un Citroën Berlingo Raid Paris-Samarkand-Moscou, réduit au 1/43e, par Eligor.

Un véhicule un peu ringard, ayant participé à un raid oublié par tous : il me fallait la miniature !

Eligor est un fabricant Français, surtout connu pour sous-traiter les miniatures des constructeurs.
Non, l'Opération Dragon n'était pas le dernier raid Citroën en date ! Il y a eu le Paris-Samarkand-Moscou, en 1997...

Retour il y a près de 30 ans. Citroën débarqua en rallye-raid en s'appuyant largement sur l'expérience de Peugeot, avec les 205 et 405. La ZX Rallye-raid de 1990 était peu ou proue une 405 T16 recarrossée. D'ailleurs, Jacky Ickx et Ari Vatanen étaient des anciens de Peugeot Sport.
Dans les années 80, on vit éclore plusieurs rallye-raid inspirés du Paris-Dakar (rallye de Tunisie, rallye du Maroc, rallye des Pharaons...) Les promoteurs étaient principalement d'anciens pilotes ou d'anciens coorganisateurs du Dakar. La FIA décida de les regrouper au sein d'une coupe du monde des rallye-raid, en y ajoutant les Baja de la péninsule Ibérique. Une bonne idée sur le papier, sauf que Citroën était le seul à jouer à peu près le jeu. Pour Mitsubishi, l'unique objectif, c'était le Paris-Dakar. A la limite, Mitsubishi France voulait bien aider Bruno Saby pour le rallye du Maroc ou le rallye de Tunisie, mais ce n'était que des queues de budget. Quant à Nissan et Toyota, ils se contentaient de victoire en T2, car plus exploitables pour la série.
Citroën aurait pu dérouler. Mais non, les hommes de Guy Fréquelin voulaient écraser la concurrence ! Citroën Sport construisait ainsi des ZX spécifiques à chaque épreuve. L'assistance était une vraie armée mexicaine.
Tout ceci finit par énerver la FIA, qui fit un règlement 1998, spécifiquement anti-Citroën. De toute façon, la ZX arrivait en fin de production. Avec la Xsara, cap sur les rallyes, avec l'objectif à terme de faire du WRC (1.) Mais ça c'est une autre histoire...

Pour le dernier rallye-raid (2) de la ZX, le Master Rallye (alias Paris-Moscou) Citroën voulait marquer le coup. D'où un raid avec des Berlingo, sur les parcours d'assistance.
Pourquoi le Berlingo ? A priori, pour un raid à vocation populaire, la Saxo aurait été plus adaptée (et dans l'esprit des AX de l'Opération Dragon.) Sauf qu'en 1997, on était persuadé que le Berlingo serait un futur best-seller.

Avec la disparition des 2cv et R4, une clientèle se retrouvait orpheline. Elle souhaitait un véhicule spacieux et pas trop cher. A l'époque, le dogme disait que les monospaces devaient forcément avoir sept places. Quant aux 4x4, malgré leur descente en gamme, ils restaient perçus comme des engins frimeurs, ce qui répugnait une partie de la clientèle.
Aux Etats-Unis, les ouvriers et les banlieusards avaient opté pour des pick-up. Quitte à installer un hard-top pour utiliser l'arrière comme coffre.
En France, le Renault Express avait connu un succès certain, dans sa version "civile". Les analystes y voyaient une transposition du phénomène des pick-up US. A début, les constructeurs s'étaient contenté d'installer une banquette arrière sur leur camionnette (cf. les C15, Fiorino, etc.) Pour la seconde génération, PSA avait d'emblée songé à une version destinée aux particuliers. Le Partner/Berlingo aurait du apparaitre avec des portes arrières coulissantes. Néanmoins, Jacques Calvet aurait lui-même chassé l'idée.
Malgré cela, PSA était confiant. Très confiant. Citroën était le plus enthousiaste. Dans son histoire, il y avait eu la Traction Avant, la 2cv et la DS. Il y aurait désormais, le Berlingo. Il fut lancé en grande pompe au Mondial de Paris 1996. Il eu d'ailleurs droit à la "une" du prospectus.
En 1997, on pensait également que pour pérenniser un type de véhicule, il fallait lui donner un univers, une légitimité. Citroën avait bâti sa légende sur les "Croisière" et donc, le Berlingo allait se rattacher à ce mythe, avec son propre raid.

Et puis la Russie, ça tombait bien !
Dans les années 80, les Soviétiques étaient encore le grand satan. Le monde connu s'arrêtait à la RFA et à l'Italie ! Au-delà, c'était le règne de l'arbitraire. On ne croyait plus trop aux chars Soviétique entrant dans Paris. Par contre, les téléfilms adoraient les histoires de braves gens de l'ouest débarquant dans un pays communiste et se retrouvant mêlé à une salle affaire (marché noir, passage de clandestins vers l'est, espionnage...) avec son lot de traitres et de personnages patibulaires en imperméables...
Mais en 1991, c'était fini ! Plus d'URSS. Les pays de l'est pouvaient reprendre leur destin en main et les frontières s'ouvraient. Beaucoup de curieux voulaient justement rencontrer cet ex-ennemi, avec toutes les légendes qui l'entouraient...

Accessoirement, pour Citroën, c'était une revanche. En 1931, la Croisière Jaune aurait du passer à travers l'URSS. Avec le Transsibérien, l'Empire Russe avait créé un réseau routier et des infrastructures dans l'Asie Centrale et Septentrionale. Avec l'URSS, ces régions étaient politiquement stabilisées (NDLA : au prix d'une répression féroce des rebelles.) Mais au dernier moment, Citroën essuya un "нет" cinglant.
D'où ce tracé à travers l'Iran, l'Afghanistan et la Chine orientale. Un chemin plus long et surtout, plus dangereux.
Contrairement à l'Opération Dragon, les participants ne roulaient pas avec leurs propres véhicules. La marque aux chevrons fournit 150 Berlingo 1.9D 71ch, avec garde-au-sol rehaussés. Par contre, comme avec les AX, les filiales Européennes (Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Hongrie, Italie, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République Tchèque, Slovaquie et Suisse) envoyèrent des candidats. Une fois passé les éliminatoires, chaque équipage devait fournir 15 000frs.

Le 22 août 1997, la troupe parti vers Venise, qu'elle atteignit le 24. Le surlendemain, départ de Turkmenbashi, au bord de la Caspienne et le 30 août, ils atteignaient Samarcande. Puis, c'était la remontée vers le nord-ouest, avec l'arrivée à Moscou, le 7 septembre.

Pour info, Vatanen remporta le Master Rallye, sur ZX, bien sûr.
Comme d'habitude, les populations locales étaient tenues à l'écart. Une amie Ouzbek n'avait jamais entendu parler de ce raid. Et pourtant, dans l’Ouzbékistan de 1997, les évènements étaient bien rares...

Le fait de s'adosser au Master Rallye permit sans doute de réduire les coûts et de profiter d'une logistique existante. Par ailleurs, c'était un baroud d'honneur pour la ZX rallye-raid. Il n'a jamais été question de faire un second Paris-Moscou en Berlingo. De toute façon, le Master Rallye 1998 fut annulé, suite à la crise économique Russe.
Bien sûr, face au succès annoncé du Berlingo/Partner, l'ennemi-intime Renault n'était pas résté les bras croisés. Quelques mois plus tôt, au salon de Genève 1997, il dévoila le concept-car Pangea (également exposé à Bagatelle) qui préfigurait le Kangoo. Ce dernier déboula en novembre et lui, il disposait des portes arrières coulissantes ! De quoi faciliter l'accès à l'arrière (notamment pour boucler les rehausseurs des enfants...)
Le Berlingo/Partner du attendre 2002 pour bénéficier enfin des fameuses portes arrières coulissantes. En attendant, le Kangoo s'est régalé. Il n'a pas eu droit à un raid, mais en 2001 Luc Alphand disputa le Dakar avec un buggy Schlesser carrossé en Kangoo. Le véhicule prit feu. En 2002, Jean-Louis Schlesser et José Maria Servia prirent chacun le volant de buggy avec des phares (et pas grand chose d'autres) de Kangoo.

Cette bagarre Kangoo vs Partner/Berlingo semble bien loin, aujourd'hui... En fait, malgré tout, ces "ludospace" restaient des camionnettes. Elles étaient lourdes et lentes. Et dans les beaux quartiers, personne ne veut avoir l'air d'un livreur...
La Mégane Scenic (1996) et la Xsara Picasso (1999) ouvrirent la voie des monospaces 5 places. Des véhicules plus chers, mais nettement plus dynamiques. Puis ce fut l'ère des SUV...

Là où les marketeurs des années 90 avaient raison, c'est que pour qu'une mode s'enracine, il faut enrichir son mythe. Les monospaces 5 places ont fait long feu car c'était un déplaçoir, point. Les gens n'eurent aucun scrupules à migrer vers les SUV.
Les constructeurs ont trop tendance à croire aujourd'hui que les SUV sont une poule aux œufs d'or. Qu'il n'y a même pas besoin de leur créer un imaginaire ou juste un slogan. Mais le jour où cela s'arrêtera, ils tomberont de haut...

(1) Le programme tablait sur du WRC au bout de 3, 4 ans. Pierre Lartigue, alors âgé de 38 ans était persuadé qu'il pouvait débuter au plus haut niveau, à un age où beaucoup raccrochent...
(2) En fait, la saison 1997 se termina avec l'UAE Desert Challenge, également remporté par Ari Vatanen.

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