Renaulution

La grande actualité de la semaine, sinon du mois, c'est la présentation du plan quinquennal de Renault, baptisé Renaulution. 1h30 de chiffres, de diagrammes, de slogans et d'annonces. C'est la pierre fondatrice de l'ère Luca de Meo, PDG depuis l'été dernier.

Au sein de l'Alliance, ce n'est pas Goodbye Lenin, mais goodbye Carlos ! Nul doute que depuis sa villa Libanaise, le PDG déchu doit fulminer. Mikato Uchida (PDG de Nissan) avait dévoilé son plan stratégique "Nissan Next" au printemps dernier. Takao Kato (PDG de Mitsubishi) avait rendu sa copie avec "Small is beautifull". La firme au losange n'avait alors personne à la barre. Luca de Meo achève donc de tourner la page Ghosn avec "Renaulution".

Le plan porte en trois étapes : 1) Colmater les brèches et corriger le tir (Résurrection), 2) Reconquérir des marchés (Rénovation) et 3) S'imposer en leader (Révolution.)

Beaucoup d'observateurs ont dit : "C'est incroyable ! Il veut faire l'antithèse de son prédécesseur !" En même temps, c'est pour cela qu'il a été embauché ! Il faut noter que de Meo est le premier PDG de Renault, depuis Georges Besse et Raymond Levy, à avoir été débauché à l'extérieur. C'est dire à quel point Renault souhaitait un nouveau souffle. Impossible pour le nouveau venu de dire : "C'était super, ce que faisait Carlos, on fera tout pareil !"

Moins de voitures, mais davantage de marge
Le constat assez sévère de Luca de Meo, c'est que Renault a cherché la croissance à tout prix. Quitte à s'installer sur des marchés sans potentiels, avec des produits spécifiques, très couteux à concevoir (cf. les gammes Coréennes et Indiennes) ou de gros volumes sans aucune marge.
A la défense de ses prédécesseurs, le Renault de 1990 était une marque très franco-française. Louis Schweitzer et Carlos Ghosn ont cherché à ouvrir des pays. C'était ce que tout le monde faisait. D'ailleurs, en face, PSA s'acharne actuellement à vouloir s'imposer en Inde, au Vietnam, au Kazakhstan ou au Nigeria.

Luca de Meo tient un discours de consolidation et de standardisation. Vendre moins, mais vendre mieux. Il menace de quitter les pays sans avenir commercial. Sachant que là, il profite d'une jurisprudence récente (GM en Europe, Suzuki aux Etats-Unis...)

Pour la Chine, où Renault a connu 5 revers sur ces 30 dernières années, le nouveau PDG affirme néanmoins qu'il reviendra.

Dans le même ordre d'idée, Renault compte ajuster sa production. Il préfère éviter le terme "downsizing", au profit de "rightsizing". Même l'euphémisme devient politiquement incorrect !

En 2019, la firme au losange a produit 3,8 millions de véhicule. Le chiffre 2020, biaisé par le covid, ne peut être pris en compte. La capacité de production de Renault est d'environ 5 millions de véhicules. Certaines usines sont notoirement en sous-capacité, mais Renault tenait jusqu'ici à y faire du présentiel.

Le plan de Luca de Meo est donc de réduire la force de frappe, avec moins d'usines, moins de capacité, mais davantage d'emploi de ces usines. Avec l'objectif de réduire de 30% le point mort du groupe.

Durant la première partie, il y a eu beaucoup de slides financiers. Clotilde Delbos en a profité pour glisser un message aux financiers : Renault ne se perdra plus en discours sur les parts de marchés, les ventes ou les synergies. Désormais, le groupe évoquera les profits, le cash généré et les investissements. Autrement dit, du concret : combien de soussous on a dans les popoches.

L'autre point, c'est le positionnement. Après 15 ans à nier la réalité, le groupe reconnait enfin que Dacia cannibalise les ventes de Renault. Et qu'accessoirement, il y a un trou dans le HDG entre Renault et Renault Sport/Alpine.

D'où des positionnements plus clairs, un Renault qui monte plus haut et un Renault Sport -au positionnement flou- qui fusionne avec Alpine.

Ces dernières années, à cause notamment du malus écologique et d'une politique agressive du prenium, les généralistes se sont écroulés dans les segments C et D. Le D, ce n'est plus que des VTC et le C se limite aux flottes.

La tentation de Clotilde Delbos, c'était de transformer Renault en Fiat version 2010 : du A, du B et un C positionné low-cost. Luca de Meo, lui, souhaite avoir un C plus ambitieux, pour reconquérir du marché et rester dans le D. Sachant que les gros véhicules génèrent davantage de marges, on reste dans cette objectif de priorisation de la qualité sur la quantité.

Gros changement sur les motorisations. Le diesel sera réservé aux utilitaires. Il n'y aura plus qu'un seul moteur essence et c'est en faisant varier la puissance du moteur électrique que l'on jouera sur la "taille" du groupe motopropulseur. Sachant que les normes Euro 7 tuent de facto le thermique pur.

Au final, l’amplitude des motorisations sera plus vaste. Avec davantage de couverture du marché, de 45ch à 400ch.

Un point passé inaperçu, c'est que Renault table sur des véhicules qui auront une durée de vie plus longue.
Sur une électrique, quoi qu'en dise le WWF, il n'y a pas de vidange à effectuer ou de courroie à changer.
De plus, le paradigme de ces dernières années, c'était l'iPhone : sortir des nouveaux produits tous les 24 mois, ringardiser les anciens et ainsi stimuler l'offre. Luca de Meo veut au contraire des voitures qui se gardent des années et qui se contentent de mise à jour logiciel à distance, façon Tesla.

Pour Zoe, il souhaiterait carrément une voiture capable de tenir un million de kilomètres ! La très verte usine de Flins (où est actuellement produite la Zoe) va se transformer en "refactory". On y fera du retrofit, comme dans l'aviation et vendre des Zoe reconditionnées. Ces Zoe "deuxième vie" viseront une clientèle plus jeune et désargentée. Puis elles seront re-reconditionnées pour de l'autopartage.

Les produits
Après 45 minutes de chiffres, on nous parle enfin de voitures !

Renault commence par nous dévoiler la 5 électrique. C'est le premier projet du nouveau patron du design, Gilles Vidal.

Si j'ai bien deviné, il s'agit d'une citadine premium, uniquement proposée en électrique. Elle devrait succéder à la Twingo sur la chaine de Novo Mesto.
Les VE sont tirés par le premium. Fiat l'a bien compris avec la 500 électrique et Renault fait donc de même avec la 5 électrique. A croire que la voiture exposée au Mondial 2018 était un teaser !
Après, sur le design nostalgique, je suis toujours réservé. En creux, vous dites que depuis tel modèle, vous n'avez rien créé qui se soit imposé. Et on l'a vu avec la Volkswagen Coccinelle (A5), la nostalgie ne peut être une fin en soit...

Lada et Dacia vont unir leurs forces. En Russie, les Dacia s’appelleront Lada. Signalons qu'avec Škoda, ce sont les seuls marques survivantes de l'implosion du bloc communiste.

Avtovaz est enfin rentré dans le rang. Il a récupéré l'usufruit du nom "Niva" parti un temps chez GM et le vénérable 4x4 va reprendre son nom d'origine.

Côté gamme, Lada va commercialiser un SUV C et à l'horizon 2024, il y aura le Niva. Lignes taillées à la serpe, le nouveau venu a l'air aussi robuste que l'ancien. Plus moujik que novo Ruski...

Surfant sur le succès du Duster, Dacia va commercialisé un SUV C (le cousin du Lada sus-cité ?)

Le Bigster Concept préfigure donc un gros Duster.

Renault Sport Racing et Renault Sport "tout court", c'est fini. L'écurie de F1 et la division compétition (l'ex-FR 2.0, la FE, la Clio Cup, etc.) sont fondues dans Alpine. Je pense que Cyril Abiteboul, homme de F1, n'avait pas envie de gérer un aussi grand périmètre. Laurent Rossi lui succède dans ce "grand Alpine".

La FIA a imposé une stabilité règlementaire : châssis et power unit des F1 2020 seront repris à l'identique (ou presque) pour 2021. L'Alpine F1 2021 n'est donc grosso modo qu'une RS20 avec une nouvelle décoration. Il faut désormais l'appeler A521.

On a aussi eu un très bref teaser de l'hypercar Alpine.

Alpine, c'est justement le thème suivant.

Luca de Meo croit en Alpine. Pour lui, c'est un gisement à exploiter, à condition que l'on respecte la marque. Et c'est sans doute là qu'il a le plus imposé son empreinte, ces derniers mois...

A terme, Alpine possédera 3 modèles :
Une citadine ultra-sportive, entre R5 Alpine et R5 Turbo 2.
Un SUV premium de segment C. Le projet remonte à CAR et il aura connu pas mal d'avatars !
Une nouvelle A110, co-développée avec Lotus. Ce sera un coupé tout électrique, qui partagera son châssis avec la future Elise, également électrique. Hethel et Guyancourt s'étaient synchronisé pour faire l'annonce à quelques minutes d'écart.

Autre projet lourdement modifié : Mobilize.

On a vu auparavant que les futures Renault rouleront plus longtemps et iront moins souvent au garage. Pour occuper le réseau, le groupe va créer Mobilize. Ce sera une offre de services, qui sera à la fois Autolib, Uber et Arval.

Luca di Meo a voulu que Mobilize soit également un constructeur.
L'EZ-1, un descendant du Twizy, en autopartage. Visiblement, il a l'air moins radical que son prédécesseur. Un SUV C et une berline D suivront. Cette dernière ciblant clairement les VTC. Enfin, il y aura un utilitaire (qui, à mon sens, ressemble au concept-truck Modus de 1994...)

Pour faire djeuns, ils ont voulu s'inspirer du poker et probablement représenter une suite. Ayant été croupier, je ne peux pas laisser passer cela ! Une main de poker, c'est cinq cartes. Si un joueur n'a que quatre cartes à la fin du jeu, il y a fausse donne. Et en admettant qu'il y a une cinquième carte cachée, ce n'est pas une suite. C'est juste une high card. Votre pli, il serait battu par une paire de 2 ! Et ensuite, ça crie au bad beat et ça s'étonne de devoir rendre des services à DMX...

Il y eu bien sûr l'un de ces "one last thing" cher à Steve Jobs. En l'occurrence, un nouveau logo. 

Là encore, c'est un signal fort. Le losange actuel remonte à 1992 (il avait d'ailleurs été inauguré par la Safrane.) Les trentenaires n'ont donc connu que celui-ci ! Même si l'on trouve encore ça et là des Vasarely en train de s'effacer...

Le nouveau-venu s'appelle Nouvelle Vague. Un clin d’œil au film Elise ou la vraie vie, où l'héroïne travaillait sur la chaine de montage des R4 ?

(Capture d'écrans et photos presse de Renault.)

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