I love America

Cette semaine, sur un essai de voiture, on voyait en arrière-plan un taxi Checker. Et derrière le taxi, on voyait un restaurant. J'en ai déduit qu'à l'instar du pick-up C10, ce "yellow cab" faisait la promo d'un restaurant à thème. Donc j'ai cherché le restaurant en question, en cernant ceux à proximité du parc presse... Parce que je DEVAIS prendre en photo ce taxi Checker !

Ce taxi aux lignes rétros fut longtemps indissociable de New-York. A l'instar de Londres et son "black cab". La Grosse Pomme, c'était la Statue de la Liberté, l'Empire State Building et ces taxis jaunes...

A l'époque, tout le monde était obnubilé par les Etats-Unis. Et plus précisément, par New-York, d'où des Checker un peu partout (cf. ici, Spirou à New-York.) La TV diffusait et rediffusait des séries TV US.
Vous devez dire que votre héros arrive à New-York, mais vous êtes un peu short, côté budget ? Pas de problème ! Faites le monter dans un Checker, filmé de près, personne n'y verra que du feu !
Encore plus fort. Vous avez quelques scènes en URSS ? Un peu de maquillage et votre Checker devient une Tchaika !


J'adorais ce taxi avec ces formes rétros et son jaune si particulier. Hélas, quand je visitais la ville, en 1988, la Yellow Cab Company avait changé de main. Il n'y avait plus que des Chevrolet Caprice. Consternation !

Checker a produit ses derniers Taxicab en 1982. Mais comme il continua d'apparaitre à l'écran bien plus tard. Ainsi, on en voit dans Friends et Seinfeld, pourtant tourné à la fin des années 90 ! C'est dire à quel point, c'était une icône...

En France, les gens biberonné comme moi au "USA #1" se ruèrent sur les produits US. Dans les concentrations d'anciennes, il y avait des Checker, ici et là. Et bien sûr, maintenant que j'ai un appareil-photo, plus de Checker à l'horizon... Autant dire que j'étais content d'immortaliser celui-ci !

Un jour de 1912, Zalman Tamarkin quitta Smolensk pour New-York. A l'arrivé, c'est un balayeur Russe qui lui fila de quoi payer le visa d'entrée. Il travailla dans une des usines de textiles de New-York. Après un déménagement à Chicago, il s'acheta sa propre fabrique. Il fit fortune en fabricant des pantalons pour les militaires, pendant la Première Guerre Mondiale.
 

Devenu Morris Markin, il investi dans un carrossier. En 1922, il racheta différentes entreprises au bord de la ruine et créa avec Checker Cab Manufacturing. Checker construisait uniquement des taxis. Et Markin de racheter aussi les compagnies de taxis de Chicago. Avec la prohibition, les taxis étaient un moyen discret de transporter de l'alcool à travers les villes. Les compagnies étaient souvent proche des mafieux. Schandor Herz (devenu John Hertz lorsqu'il quitta Sklabiña) était un ancien boxeur, devenu patron de la Yellow Cab Company, qui fabriquait elle aussi ses propres taxis. Hertz et Markin se battirent pour le transport de l'a... Euh... Des passagers, à Chicago. En 1929, l'écurie de pur-sang de Hertz prit feu et effrayé, il vendit à Markin. Il se concentra sur une entreprise de location de voitures...
L'usine de Checker Cab fut de son côté victime d'un incendie criminel. Markin choisit de la relocaliser à Kalamazoo, un peu à l'écart des problèmes.

Dans les années 30, Markin contrôla ainsi à la fois la production de taxis et les compagnies qui les achetaient, aux Etats-Unis. Notez tout de même que Markin fut le premier à embaucher des chauffeurs noirs. Et que ses taxis devaient faire monter tout le monde à bord, quel que soit leur couleur de peau.

Les années passèrent. Le monde des taxis restait sulfureux. Sur fond de corruption de municipalités, de racket de chauffeurs et de lien avec les crime organisé. Dans les années 50, des patrons de compagnie (ou plutôt, des patrons de facto) comme John Montana ou Joseph Glimco se retrouvèrent derrière les verrous.

Est-ce ce climat qui incita la ville de New York à créer un règlement anti-Checker ? Avec sa règle d'empattement maximum, New York allait interdire tous les taxis Checker à l'horizon 1956.
Mais Marklin répliqua avec l'A8. La recette était simple : un châssis séparé (rendant le taxi virtuellement indestructible), un paresseux 6 cylindres-en-ligne Continental (à ne pas confondre avec l'actuel équipementier) accolé à un boite à 3 rapports. Le but d'un taxi étant d'être confortable et d'accumuler les kilomètres sans broncher.
L'A8 évolua en A9, recevant une calandre à 4 phares et une vitre arrière panoramique. Continental ayant disparu, Checker passa au 6 cylindres, puis au V8 Chevrolet.

En 1960, Checker tenta de vendre une version "VP" de son taxi, la Superba, puis Marathon. Mais le design était déjà désuet. Ensuite, la fiche technique faisait sourire : V8 3,8l 140ch, 0-100km/h en 15 secondes, 1,5t sur la balance et 147km/h en pointe. En prime, pas sûr que John Smith ait envie de tomber sur des sosies de Joe Pesci dans Casino, à chaque révision... Les Superba et Marathon furent donc des flops.

En 1964, International Harvester songea à une fusion avec Checker. L'idée était de créer ensemble un constructeur capable de produire des voitures particulières. Néanmoins, avec 8 000 voitures par an, Checker était un ETI. Bill Maxwell, N°1 d'IHI était également traumatisé par la fusion Packard-Studebaker (qui était alors à l'article de la mort.) Et puis, il y avait toujours cette réputation sulfureuse...

En 1970, Morris Markin mourut, sans avoir de réel héritier. Checker, c'était Markin et vice versa. Les ventes fléchissaient. Le taxi étant non seulement obsolète esthétiquement, mais avec la crise de 1973, les chauffeurs voulaient un véhicule plus économique. Pour occuper Kalamazoo, Checker commença des travaux de sous-traitance pour GM.
Tandis que Taxi Driver décrocha la Palme d'or à Cannes, Checker eu enfin un PDG : Ed Cole, retraité de GM. Il avait un nouveau projet : Galva. L'idée était de prendre une VW Golf/Rabbit, de la rallonger et d'y mettre un nouvel avant. Hélas, Ed Cole eu la mauvaise idée d'utiliser son petit avion privé en pleine tempête. Il mourut lors du crash.
Checker réalisait alors des panneaux de carrosseries pour la Chevrolet Citation. Pourquoi ne pas transposer le projet Galva sur cette voiture ? Ce fut Galva II. Le projet traina, alors que GM annonçait que la production de la Citation s'arrêterait en 1985. Ça serait trop court pour amortir l'outillage.
Le dernier espoir fut une commande de Chine pour 5 000 unités. Hélas, la bureaucratie Pékinoise trainait des pieds.

En 1982, Checker produisit son dernier taxi. 6 mois plus tard, le bon de commande Chinois arriva. L'entreprise se concentra sur la sous-traitance pour GM, revendant ses activités de compagnie de taxi. En 2008, GM passa sous le "Chapter 11" et il rompit ses contrats. Checker avait vécu.

Notez qu'ici, il s'agit d'un des derniers taxis, avec pare-chocs capable d'absorber des chocs à 8km/h (5 MPH.)

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