1000 Alpine pour les 100 ans de Jean Rédélé

Né le 17 mai 1922, Jean Rédélé aurait eu 100 ans. Avec une douzaine de jours de retard, l’Association des Anciens d’Alpine (AAA), le Club Alpine Dieppe (CAD) et le Club Alpine Usine de Dieppe (CAUD) s'associent pour fêter ce centenaire. Un anniversaire fêté à Dieppe, ville natale de l'homme et berceau d'Alpine.

Epilogue

Ça me rappelle le Tour Auto au circuit Bugatti : à 100km du but, une Alpine A310 V6 noire me double. Puis une A110 moderne jaune. Puis une verte. A l'approche de Dieppe, je suis bientôt escorté par des dizaines d'Alpine.

Dieppe, c'est Alpineville ! A l'entrée de l’agglomération, on est accueilli par ce rond-point. L'Association des Anciens d'Alpine a commandité une maquette de l'A110 victorieuse au Rallye Monte-Carlo, en 2014. Elle fut volée et dégradée en 2015 (un acte autophobe ou un voleur de troisième zone ?) Retrouvée et restaurée, l'A110 est désormais accompagnée d'une A110 moderne.

Le rendez-vous est sur le front de mer. Mais je m'offre un détour de 500m vers l'usine Alpine. Comme Lotus, la marque au "A" fléché a plusieurs fois déménagé. Les locaux étant vite trop petit, face à l'accroissement de la production.
3 ans après l'arrivée de Lotus à Hethel, Alpine se dotait lui aussi d'une vraie usine. Ce fut le cadeau d'adieu de Jean Rédélé. Déçu que "ses" ouvriers au fait grève en mai 68, il prit du champ et vendit à Renault.

Avec 3,8 hectares de bâtiments et 287 employés, la "Manufacture Alpine Dieppe Jean Rédélé" est un ETI au sein de Renault. A titre de comparaison, Maubeuge (où sont produits les Kangoo) possède des bâtiments 7 fois plus vaste et emploie 7 fois plus de personnel.
Toutes les Alpine ne sont pas sortie d'ici. Et Dieppe n'a pas produit que des Alpine... Notez que de 1996 à 2012, alors que la marque était officiellement morte et enterrée, l'usine continuait d'afficher le "A" fléché sur son fronton.

Ensuite, retour dans le droit chemin. C'est facile : il n'y a qu'à trouver une Alpine et la suivre ! Mais entre les fans, le marché et les touristes profitant d'un week-end ensoleillé, la circulation dans le centre-ville s'avère digne de Paris ! Quant au parking sauvage...

Il me faut une demi-heure pour faire le kilomètre entre l'usine et le front de mer. Faute de place, y compris d'un embryon de place pas vraiment légale, je me gare dans les hauteurs. Puis enfin, je peux profiter d'une mer bleue. Non pas la Manche, mais ce milliers d'Alpine !

A110

Si vous pensez "Alpine", voici sans doute ce qui vous viendra à l'esprit : une A110 1300/1600 S bleue, alias "Renault Alpine" ou "Alpine Berlinette". 

Avec 7 579 unités, l'A110 représente à elle seule 40% des Alpine produite de 1955 à 1996. Pour le grand public, elle a tendance à être l'alpha et l'oméga de la marque, ce que je trouve un peu réducteur.

A l'été 1955, Jean Rédélé organisa une conférence de presse pour dévoiler le "Coach Tour de France". Bien malin qui aurait pu prévoir le destin de la marque. A l'époque, il existait quantité de coupés et autres barquettes artisanales. Y compris sur base Renault. D'ailleurs, c'était Panhard, qui était davantage perçu comme un constructeur dynamique. Le 747cm3 de la 4cv supportant mal le gonflage...
Néanmoins, à la différence de ses compétiteurs, Jean Rédélé souhaitait bâtir sur le long terme. Des produits aboutis, construits en série et distribué via un vaste réseau. Le fait qu'il ait étudié à HEC contribua sans doute à sa vision d'industriel.

En tant qu'agent Renault, Jean Rédélé connaissait l'entreprise de l'intérieur. Pourtant, il aurait été incapable de prédire l'expansion de l'entreprise, à la fin des années 50. De quoi offrir une bonne banque d'organe à Alpine.
Profitant de l'expérience des A106 et A108, l'A110 débuta en 1962 avec le 1l de la R8. Puis elle s'offrit le 1,1l des premières R8 Gordini. Lorsque cette dernière passa au 1300, l'A110 en profita. Notez les longues portées pas encore intégré à la carrosserie.
Alors qu'à la même époque, Citroën coupait les vivres à Panhard, entrainant par le fond nombre d'artisans...

Quasi-simultanément, l'A110 reçu le 1,6l de la R16 (le 1,3l Gordini subsistant encore un temps), sa production déménagea dans l'usine sus-citée et elle débuta (et gagna) dans le tout nouveau championnat du monde de rallye. L'A110 S fut donc la plus diffusée des A110 (tant en terme de production, que d'image.)

L'A110 S était une voiture performante, mais disposant également d'un haut degré de finition (pour un coupé de 1969, s'entend.) La concurrence (Sovra, CG...) était laminée, faute de pouvoir rivaliser sur ces deux tableaux. Certains puristes considéraient d'ailleurs qu'Alpine avait vendu son âme au diable, d'où le succès des Jidé/Scora et autres Marcadier.
Néanmoins, en piste, un rival allait ringardiser Alpine : Matra. La marque s'offrait des publi-reportages dans la presse et la radio du groupe Lagardère. Hélas, faute d'auto correctement motorisée, Matra ne put capitaliser sur son image.

L'A110 SX fut la dernière A110. Elle apparut en 1976, alors que le modèle était déjà condamné. Elle fut produite un an. Visez au passage la teinte métallisée, typique de la montée en gamme de la marque.

Notez qu'à la même époque, Valladolid assemblait des A110, arrivées en kits de Dieppe. Le 1,6l "Cléon-alu" était jugé trop luxueux pour l'Espagne. Il n'y eu pas d'A110 1600. En 1977, FASA-Renault dévoila une A110 équipée du 1,4l "Cléon-fonte" de la R5 Alpine. Ainsi, c'est à Valladolid que l'on produisit l'ultime A110.

Au-delà de l'équipe officielle, l'A110 fit le bonheur de nombreux pilotes privés. Michèle Mouton débuta ainsi sur une A110 1800 "d'occasion", tandis que Bruno Saby fut champion de France de rallycross 1978, également sur A110. Puis l'arrivée des Groupe B marginalisa les vieilles voitures à moteur arrière et deux roues motrice.

Restaient les puristes. Pour ne pas dire la secte des adorateurs de l'A110. Pour eux, le monde s'était arrêté en 1977 et à Dieppe, il n'y avait plus que des hérétiques. Les fanzine 1000 Miles était leur bible. Certains courraient (rallye ou cote) avec des A110 n'ayant plus grand chose d'origine. Le Groupe F, apparu en 1991, permettant de nombreuses transformations.
Difficile de dialoguer avec ces extrémistes. Ils étaient volontiers moqué dans le milieu de l'ancienne. Gare au journaliste qui aurait osé dévier du canon ! Du coup, faute de pouvoir approcher un propriétaire d'A110, la presse ancienne les évoquaient rarement. Michel Hommell finit par les apprivoiser, à la fin des années 90.
Renault, lui, c'était persuadé que ces ayatollah grisonnants correspondaient à la sociologie de l'acheteur d'Alpine. Ce fut l'un des facteurs de la disparition de la marque.

A310

L'A310 fut dévoilée au salon de Genève 1971. Michel Beligond se serait inspiré de plusieurs GT contemporaines, comme la De Tomaso Mangusta ou la Monteverdi Hai. Néanmoins, le traitement était beaucoup plus cunéiforme. La rampe de six phares et les persiennes arrières étant carrément futuristes pour l'époque.

L'A310 était plus longue, de manière à en faire une 2+2 places (une vieille lune de Jean Rédélé.) C'était l'excuse pour maintenir l'A110 (2 places) au catalogue.
Plus grosses, l'A310 avait été prévue pour le V6 PRV, d'où un châssis renforcé. Or, du fait de sa gestion tricéphale, le moteur arriva en retard. En attendant, faute de mieux, l'A310 débuta avec le 1,6l vitaminé de l'A110 1600... Oui, mais la nouvelle venue pesait près de 200kg de plus (825kg contre 635kg.) Voilà pourquoi nombre de fans considérèrent l'A310 comme une hérésie.

En 1976, le V6 PRV arriva enfin. L'A310 fut reliftée à cette occasion. On peut d'ailleurs comparer l'A310 V6 (à gauche) et l'A310 4 cylindres (à droite.)

L'A310 fit un flop. Il se vendit 3 fois moins d'A310 que d'A110, malgré une durée de vie aussi longue. L'A310 fut ensuite longtemps boudée. Première Alpine post-Rédélé, elle marqua pour les fans la prise de pouvoir d'un Renault qui avait surtout de mauvaises idées. Et 25 ans avant la fin (provisoire) de la marque, le losange l'emmenait dans une voie sans issue.
Plus généralement, à l'instar des Citroën CX et Jaguar XJ-S contemporaines, l'A310 remplaçait un mythe, sans l'admettre. Et le costume était trop grand pour elle.

Certains fans jouèrent néanmoins le jeu et lorsque l'A110 quitta la scène, ils alignèrent des A310 1600. Ce fut le cas d'Aseptogyl. L'équipe -entièrement féminine- de Bob Neyret était controversée. Certaines de ses pilotes étaient des amatrices, surtout recrutées pour leur plastique. Et d'une épreuve à l'autre, elles étaient tour à tour pilote ou copilote ! De toute façon, le principal, c'était que l'on parle du dentifrice...
En tout cas, 45 ans plus tard, cette A310 au look très girly fait un carton auprès des petites Dieppoises ! Alice Coffin doit s'étrangler...

Alpine est une marque très Franco-Française. En 2021, 1 618 des 2 659 A110 vendues ont été écoulées dans l'hexagone. C'est donc étonnant de voir ces deux A310 Allemandes. Avec ce tuning ostentatoire typique d'outre-Rhin...

Sans Renault, Alpine aurait sans doute disparu au début des années 80. Beaucoup d'artisans ayant été mortellement blessé par le choc pétrolier (cf. AC, Iso-Rivolta, Jensen, Monteverdi, Panther...) Le losange lui permit de pérenniser la marque et le site de Dieppe. Reste qu'Alpine était forcé de marcher dans les pas de Renault. Alors que Porsche, Ferrari ou Lotus cartonnaient sur le marché Américain, le losange y faisait ses valises. L'Alpine V6 "fédéralisée" resta au stade de la pré-série.
En 1952, Stirling Moss terminait 2e du Monte-Carlo et s'imposait dans sa catégorie, à la Coupe des Alpes, avec une Sunbeam-Talbot 90. En 1953, Sunbeam créa une version roadster de la 90 et la baptisa "Alpine", en mémoire de ces succès. En 1959, le constructeur ressorti l'appellation pour un roadster (davantage en référence à son style "italien".) Puis, en 1969, un dérivé du coupé Rapier fut nommé "Alpine fastback". Lorsqu'enfin, Chrysler décida de rapprocher Simca et Sunbeam, la 1307 traversa la Manche pour devenir "Chrysler Alpine", puis "Talbot Alpine" avec le rachat par PSA. En 1991, lorsque Renault tenta d'introduire la marque Alpine en Grand-Bretagne, PSA fit savoir qu'il en possédait l'usufruit. Ce fut une autre raison de l'abandon d'Alpine. PSA ne libéra le nom que dans les années 2010, moyennant finance.

GTA

En 1985, Renault poussa plus loin l'intégration. "Alpine" ne désignait plus la marque, mais le modèle. Ce n'est qu'ensuite que l'on parla de GTA V6 GT et V6 Turbo. La firme au losange "vendit" la V6 comme une grosse évolution de l'A310, redessinée par Heuliez. Au passage, Renault modernisait l'usine de Dieppe, doublant la production.

Celle de gauche possède un logo Alpine anachronique.

Il n'y avait pas eu d'Alpine en compétition depuis la victoire aux 24 Heures du Mans 1978. Pour remplacer la Coupe R5 Turbo, Renault dévoila l'Alpine Elf Europa Cup. Comme son prédécesseur, c'est un coupe monotype, en ouverture des Grand Prix Européens. Principale modifications : un moteur poussé à 280ch, une baie moteur tapissée d'amiante (le hayon vitré fonctionnant comme une serre) et des jantes Gotti inédites.

Oscar Larrauri (protégé de Juan Manuel Fangio et éphémère pilote de F1) remporta l'édition 1985. Puis Massimo Sigala fit une OPA sur la compétition, remportant les éditions 1986, 1987 et 1988. Peu connu du grand public, Massimo Sigala se fit connaitre bien plus tard, comme cofondateur de Trident.

En 1989, la R21 Turbo Cup prit la place de l'Alpine Elf Europa Cup. Son nom fut donné à la coupe Européenne d'A110.
Renault vendait des V6 Turbo, que les préparateurs transformaient en voiture de coupe. Il n'y avait pas de modèle clef-en-main. Aussi, plusieurs voitures ont pu être immatriculée après avoir couru, comme celle-ci.

Avec 6 494 ventes en environ 7 ans, la GTA eu les meilleurs ventes annuelles du lot. Plus encore que les A310, les GTA furent délaissées. C'était sans doute la moins Alpine des Alpine !

Sur la fin, elle reçu un lifting. La Le Mans marquant surtout le retour du logo au "A" fléché.

A610

Fort du succès de la V6, Renault s'était sans doute dit qu'avec un simple lifting, la GTA pourrait poursuivre sa route. L'A610 était ainsi une GTA avec un avant inédit et une évolution 3,0l du V6 turbo. Il n'y avait plus de possibilité de V6 atmo.
Sauf que le marché avait évolué. Porsche avait lancé la 964, puis la 993. Lotus avait revu sa copie avec l'Esprit S4, dont on parlait de plus en plus d'une version V8... En France, Venturi proposait une 260 plus sportive. En résumé, tout le monde avait progressé, sauf Alpine ! Les défauts présents depuis l'A310 ressortirent : éléments (internes et externes) piochés chez Renault (et mal intégrés), finition perfectible et prix "Bob Marley". Auxquels l'A610 ajoutait un V6 turbo brutal, alors que les gros moteurs atmo revenaient en force.

Ainsi, l'A610 avait beaucoup de défauts et peu de qualités.

Les autres Alpine

L'arbre généalogique d'Alpine n'est pas direct. Quelques mois après le lancement du Coach [A106], Renault présenta la Dauphine. Jean Rédélé comprit qu'après des années de monoculture 4cv, la firme au losange changeait de paradigme. Il s’attela donc à une Alpine autour de la mécanique de la Dauphine. On disait Rédélé fan de Ferrari. Or, au salon de Genève 1957, la firme au cheval cabré dévoilait la 250 GT Cabriolet, suivie peu après par la 250 GT Cabriolet California. D'où l'A108 cabriolet, au salon de Paris 1958.
L'A108 fait strictement la même longueur (3,7m), mais elle semble plus longue que l'A106. Une A108 coupé débuta en 1960. Elle inaugura le terme de berlinette.

Le plus frappant, c'est l'avant, qui annonçait la future A110. Il y eu d'ailleurs un cabriolet A110, au début du modèle. En fait, lorsque la R8 remplaça la Dauphine, le radiateur passa à l'avant. Alpine en profita pour redessiner l'arrière d'où l'A110. Au Brésil, la Dauphine poursuivit son chemin et la R8 ne vint pas. D'où une Willys Interlagos dérivée de l'A108 et non de l'A110.

Les premières Alpine était assemblées chez Chappe et Gessalin, à Saint-Maur (94.) Avec le développement de la marque, le sous-traitant déménagea à Brie-Comte-Robert et embaucha. C'était un stade semi-industriel, qui laissait de la place pour l'expérimentation. Jean Rédélé songea ainsi à une A108 rallongée, pour en faire une 2+2 (sans doute sur le modèle de la Ferrari 250 GT/E.) Un coupé plus polyvalent que la berlinette. Il l'appela... 2+2.
Puis, lorsque Renault arrêta de produire des Dauphine Gordini, la 2+2 évolua en GT4. A la même époque, Alpine abandonnait Chappe et Gessalin. Les volumes de la GT4 étaient trop faibles pour justifier une ligne de production à Dieppe. La GT4 disparu dans l'anonymat général.

Les 2+2 et GT4 sont si oubliées, qu'elles n'ont pas droit à un page Wikipédia !

Autres Dieppoise

Au milieu des années 70, la R12 s'apprêtait à partir. Il fallait remplacer la R12 Gordini. La R18 Turbo représentait une sacrée marche. A l'heure de la Mini Clubman 1275 GT et bientôt, de la Golf GTI, Renault sentait qu'il se passait quelque chose. Il fallait une sportive pas chère. D'où l'idée d'une R5 sportive, avec une version 1,4l du "Cléon-fonte".
A la même époque, l'A110 était sur le départ et L'A310 était incapable d'assurer l'activité de Dieppe. D'où l'envoi de la R5 sportive, baptisée du coup R5 Alpine. Ainsi, il n'y avait que des heureux !

En 1981, en réponse à la Golf GTI 1800, la R5 Alpine reçu un turbo. La R5 Alpine Turbo fut d'ailleurs l'une des dernières version produite.

A la disparition de la R12 Gordini, la R5 Alpine prit le relais de la "Coupe" (après une saison de transition avec la R5 TS.) Désormais, la Coupe avait vocation à permettre à des amateurs sans le sou de piloter. Là où les R8 Gordini et R12 Gordini étaient davantage destinées à détecter les futurs pilotes de tourisme, voire de monoplace. Cela n'empêcha pas un certain Jean Alesi de débuter sur R5 Alpine...

A la fin des années 70, Renault réfléchissait à voix haute sur l'avenir d'Alpine. Si la crise pétrolière condamne les gros coupés, quid de la marque au "A" fléché ? La R5 Alpine était présentée comme un prolongement de la gamme R5 et non une R5 revue par un "M. Alpine" (de même qu'on s'imaginait Amédée Gordini, à la planche à dessin sur les Dauphine, R8 et R12 G...) Pouvait-on transposer ce badge sur d'autres modèles ? Cela aurait été ainsi une finition Baccara/Initiale avant l'heure... Enfin, la Renault de la fin des années 70 s'appuyait sur des "petits sites" (Creil, Maubeuge...) pour faire des petits volumes. Fallait-il intégrer Dieppe à cette stratégie ?

La R5 Alpine prouvait que Dieppe était capable de produire autre chose que des berlinettes ! D'où l'idée de lui confier un nouveau projet. La R5 Turbo était une silhouette à moteur central, destinée à l'homologation en rallye. La voiture fut dévoilée au salon de Paris 1980, aux côtés de la R5 Alpine Turbo. D'où une certaine confusion.

La R5 Turbo fut la première voiture produite chez Alpine, à ne pas faire référence à la marque. Flins fournissaient des plateformes nues à Heuliez et des sous-ensembles de R5 (portes, hayons...) à Dieppe. Heuliez transformait les plateformes. Enfin, Dieppe réalisait l'assemblage final.
A cette époque, d'aucuns pensait sans doute que la R5 serait produite jusqu'en 1986, voir 1987, avec une période de passage de témoin avec la Supercinq. En fait, à l'arrivée de la 205, la R5 fut moribonde et sa gamme fut simplifiée avant même l'arrivée de sa remplaçante. La R5 Turbo, elle, continua de vivre sa vie. La Turbo 2 de route sortie alors que la R5 n'était plus produite. Puis il y eu les Cévennes, Tour de Corse et Maxi ! Seule le bannissement des Groupe B, fin 1985, sonna le glas de la R5 Turbo !

Pour une raison inconnue, il y a une R8 parmi les 1000 Alpine. Elle n'a pourtant aucun lien avec la marque ou avec Dieppe.

Certains disent que la R8 aurait des origines Italiennes. A la fin des années 50, Alfa Romeo songeait à une petite voiture. Le tipo 103 fut très avancé. Puis la direction opta pour une production sous licence des Dauphine/Ondine, puis R4. Tous ces modèles étaient produits en l'état, nonobstant quelques détails. Les transalpins auraient songé à transposer la très cubique 103 sur une plateforme de Dauphine. Puis ils auraient proposé l'idée à Renault, ce qui aurait donné peu après la R8.

Renault Sport

Au début des années 90, le Berex songeait à un petit coupé Alpine. L'A410 dérivait du concept-car Laguna. Elle aurait permis à Alpine de se renouveler. Renault en retint surtout son esprit de simplicité.
Sorcier des motos de compétition, Claude Fior était capable de faire du très innovant, avec très peu de moyens. Via Elf, il s'était penché sur un véhicule à quatre roues, la Formule Campus. Il reprit ensuite le projet A410 pour en faire un roadster ultra-dépouillé. Le choix de Renault fut sous-doute guidé par des questions de budget ou de bande-passante.

Au milieu des années 90, le nom d'Alpine ne semblait plus évoquer grand chose à personne. L'A610 ne se vendait plus qu'à dose homéopathique et elle ne représentait plus qu'une part marginale du chiffre d'affaires de Dieppe.
Aussi, il faut décidé que le roadster porterait le badge "Renault Sport" (afin de faire le lien avec la F1.) La dernière A610 sorti de chaine en 1996, emportant avec elle le nom d'Alpine.

Fior Concept était une PME, sans expérience de la production en grande série. Le gros point faible du Spider, c'était le châssis. A la même époque, Lotus lançait l'Elise et la Dieppoise souffrait de la comparaison. Avec 930kg à emporter (contre 725kg pour l'Anglaise), elle lui fallait autant de temps pour atteindre 100km/h (5,8 secondes), malgré 210ch sous le capot (contre 118ch pour la Lotus.) En prime, le Spider était facturé 10 000 francs de plus que l'Elise !

Malgré tout, l'état-major de Renault était confiant : comme Lotus, ils allaient vendre le châssis du Spider à des tiers ! Sauf erreur, seule le concept-car Fifties (une 4cv découvrable moderne) l'employa.

En 1998, Renault Sport tenta de rendre la voiture moins radicale, avec un pare-brise. Une option facturée 5 000frs de plus.

Pour promouvoir le Spider Renault Sport, la firme au losange créa une coupe. Franck Lagorce (en pleine reconversion, faute de volant en F1) remporta la première édition, en 1996.
Renault UK ayant alors des budgets pharaoniques, elle organisa sa propre coupe nationale, en ouverture du BTCC. Jason Plato remporta 11 des 14 épreuves et Renault UK de l'en récompenser avec un baquet sur la Laguna BTCC. Andy Priaulx ferma le palmarès, en remportant les 13 courses de la saison !

En 1998, Jean-Michel Roy transforma le Spider en coupé, un V6 biturbo de Safrane remplaçant le bloc originel. Une voiture de route, la Helem, servit d'alibi. Mais l'ACO refusa ce "Spider".

En 1999, le Spider Renault Sport disparu dans l'indifférence générale. Avec 1 726 unités, il fut loin des objectifs. Claude Fior, lui, récupéra des châssis. Il y eu au moins un spider à moteur V8 Ferrari. Puis il créa la F99 (à moteur Renault, en configuration FR), un Spider destiné à un coupe monotype.
Renault Sport organisa un tournée Asiatique avec des Campus et des F99. A l'étape de Zhuhai, Kenneth Ma s'intéressa à la F99 et racheta les voitures, à l'issue de la tournée. Kenneth Ma organisa avec des courses de club et ce fut le début de FRD. Fabien Fior, fils de Claude, resta sur place et cofonda plus tard Absolute Racing (après avoir tenté de représenter Fior en Chine.) Quant à Claude Fior, il se tua en 2001 aux commandes de son avion.

Pour remplacer de facto le Spider, Renault voulu un projet tout aussi fou : mettre le V6 de la Safrane, dans le coffre d'une Clio 2 ! Une version moderne des Renault 5 Turbo. Solution F se chargea de pousser le V6 3.0l à 230ch. De son côté, TWR s'occupa de la mise au point et de la production, à Uddevalla, en Suède.
Au milieu des années 90, Tom Walkinshaw voulait devenir le roi de la sous-traitance (design, ingénierie, production et compétition.) Il n'hésitait pas à prospecter de manière agressive, quitte à accepter des projets au-delà de ses compétences.
Le concept-car du Mondial 1998 avait un sacré look. Le résultat fut décevant. En 1999, Renault lançait quasi-simultanément une Clio 2 2,0l 16V Renault Sport et la Renault Sport Clio V6. Cette dernière pesait 300kg de plus. Du coup, malgré 230ch (contre 172ch pour la Clio RS), elle était à peine plus performante. Le tout avec une finition à hurler. C'était d'autant plus rageant que la Clio V6 était facturée 250 000frs (contre 135 000frs pour la RS.) Renault Sport en écoula tout de même 1 513 unités.

Avec le lifting de la Clio 2, Renault Sport voulu une seconde fournée de Clio V6. Lotus, qui voulait le V6 pour un éventuel projet de remplaçante de l'Esprit, poussa le moteur à 255ch. Curieusement, avec le travail de Lotus, la Clio V6 prit encore du poids, atteignant 1,4t. La production revint à Dieppe.
Le mal était fait et la Clio V6 phase 2 s'écoula à 1 309 unités, de 2003 à 2005.

Il y eu un "Clio [V6] Trophy", qui remplaça l'Eurocup Spider, avec des phase 1. Les voitures étaient construites à Dieppe. Sauf erreur, il n'y eu pas de Clio Trophy phase 2. Renault Sport créant ensuite une Megane Trophy, dans le cadre des World Series by Renault.

Après l'échec des Spider et Clio V6, Renault Sport n'eu plus de modèles spécifiques. Le pli était pris avec la Clio 2 2,0l 16V Renault Sport : désormais, les versions sportives des Renault allaient porter l badge RS. Moins de valeur ajoutée, plus de bureaucratie !
Alpine était une entité à peu près cohérente. Au fil des années 2000, Renault Sport devint une choucroute-melba. Les Twingo, Clio et Megane RS étaient gérées depuis le Technocntre de Guyancourt, au sein de leurs projets respectifs. Les Ulis s'occupaient de la gamme RS "série". Mais de part son expertise "châssis", il lui arrivait de travailler sur d'autres modèles (comme la Twizy.) A Viry-Châtillon, Renault F1 prenait en charge les World Series by Renault (marketing et conception des voitures de compétition.) Dieppe construisait les voitures de course. L'usine Alpine produisait également les Clio RS (les Twingo RS et Megane RS étant respectivement produites à Novo Mesto et Douai)... Aux côtés des BlueCar de Bolloré. En résumé, chacun travaillait dans son coin, sans réelle organisation centrale. Surtout, personne ne travaillait exclusivement sur la gamme RS. Et tout le monde se croyait plus malin que ses camarades (donc il n'avait pas de consignes à recevoir.)

Pour le public, cela devint illisible lorsque Renault proposa des "pack RS" sur l'ensemble de la gamme. On vit même une Sandero RS au Brésil et une Pulse RS en Inde !

On toucha le fond avec le retour de Gordini, en 2009. Une idée 100% marketing. L'archétype du projet géré par une équipe de quotas aux cheveux fluos, qui n'ont même pas le permis de conduire...

Les Twingo et Clio Gordini avaient une certaine cohérence : une finition radicale pour les véhicules RS. Avec la Wind Gordini (qui n'était pas proposée en RS), la définition devenait plus floue. Puis cela devint n'importe quoi avec des packs Gordini disponibles sur l'ensemble des gammes.

En 2013, Renault abandonna Gordini une nouvelle fois. Au moins, cela servit de leçon pour la renaissance d'Alpine...

Cour d'honneur

Les exemplaires les plus précieux ont droit à une allée spéciale. Apercevoir une A106, c'est déjà exceptionnel, alors trois... Et il y en a une quatrième un peu plus loin ! Cela représente plus de 2% de la production totale.

Très rare aussi, des Dinalpin. Dans les années 60, le Mexicain Diesel Nacional (Dina) tenta de se diversifier dans les voitures de tourisme. Il construisit des Renault sous licence. A partir de 1965, il assembla des A108, puis des A110, dans un atelier dédié à Colonia Vallejo. L'aventure Dinalpin (Dina Alpine) ne dura que jusqu'en 1974. Dina décidant alors de se recentrer sur les utilitaires lourds.

Pour un constructeur comme Renault, ce genre d'aventures étaient fréquentes. Hors d'Europe, les importations étaient surtaxées et la demande en automobile, forte. Des industriels ou des hauts-fonctionnaires décidaient d'ouvrir un atelier d'assemblage. Il allaient voir les industriels Européens, afin qu'ils leur expédient des kits.
L'erreur de la plupart ds constructeurs fut de percevoir ces établissements sous un angle commercial et non industriel. Volkswagen fut le seul à tenter de se rapprocher des ateliers de CKD, à examiner leur demande et à créer des synergies.

Une mini-rétrospective Jan-Luc Thérier. Après tout, le "Fox" était Normand... 3e de la toute première Coupe Gordini, en 1966, il décrocha un baquet chez Alpine... En endurance. En parallèle, il fut champion de France (Groupe 1) des rallyes 1968 avec une R8 Gordini. Jean-Luc Thérier fit parti des "mousquetaires" d'Alpine, avec Jean-Pierre Nicolas, Jean-Claude Andruet et Bernard Darniche. En 1970, il remporta le San Remo et l'Acropole, comptant pour le futur championnat du monde de rallye. En 1973, il récidiva au San Remo et à l'Acropole, y ajoutant le TAP et la Pologne (où il fut déclassé.) Il obtint un titre officieux de champion du monde pilote. La "coupe des pilotes" n'étant créée qu'en 1977, avant un vrai championnat pilote, en 1981.
Alors que Nicolas, Andruet et Darniche firent de belles carrières, Thérier plafonna. Ove Andersson, croisé chez Alpine, l'embaucha comme pilote d'une fragile Toyota Celica. Il remporta un rallye de championnat du monde à Détroit (!) avec une R17 Gordini (!) et surtout, il s'imposa au Tour de Corse 1980 avec une 911 Alméras.
Concessionnaire Citroën à la ville, il disputa le Paris-Dakar 1985 avec une Visa. Là, ce fut le drame : une sortie de piste, beaucoup de sang perdu et une mauvaise transfusion qui le laissa handicapé. Citroën refusa de l’indemniser. Il est mort en 2019.

Un qui est bon pied, bon œil, c'est Bernard Darniche ! Il débuta avec les NSU "Meznarie", puis il termina 3e de la Coupe Gordini 1968. Champion de France de rallye 1972, avec Alpine, il remporta le rallye du Maroc 1973. Il fit ensuite les beaux jours des Lancia Stratos "Chardonnet", remportant quatre Tour de France, cinq Tour de Corse et un Monte-Carlo (sur Fiat 131 Abarth.) On l'a également vu aux 24 Heures du Mans avec la Corvette Greenwood et des Rondeau. Il fut également pilote d'essai Audi.

Il a su gérer sa retraite de pilote. Jacques Chirac en fit son "M. Sécurité Routière" en vue de la présidentielle de 1988. Il posséda une école de pilotage. On le vit ensuite, à la radio et à la TV critiquer les radars, les limitations de vitesse, etc. Personnalité ayant son franc-parler, il est très actif sur les réseaux sociaux. Enfin, en 2020, il tenta de se faire élire président de la FFSA. Une cause noble, mais un combat dérisoire car l'urne était déjà pleine. Et comment pouvait-il incarner l'avenir, à 78 ans ?

Le musée de la Gendarmerie Nationale aime bien exhiber son A310 V6. Il se devait d'être là. Surprise : ils possèdent deux A310 V6 ! Et avec ça, ils ne sont toujours pas capable de rattraper les motards du Joe Bar Team...

Autre fameux propriétaire d'Alpine et habitué des évènements auto : Vulcanet. Pour une fois, il n'est pas venu avec son A110 bleue, mais avec cette A310 V6 blanche.

Produit officiel de Sébastien Loeb !

Clou de la journée : une démonstration de F1, dans les rues de Dieppe !

Ne vous fiez pas à sa livré, ce n'est pas l'Alpine A522 de 2022. Pas de halo, bruit strident de V8 et capot crocodile la trahissent. En fait, il s'agit de la Lotus E20 de 2012.

Caio Collet est au volant. Managé par Nicolas Todt, ce pilote était censé être la "nouvelle sensation Brésilienne". Vainqueur du volant Winfield, il remportait la F4 France dans la foulée, en 2018. Ensuite, il lui a fallu deux saisons pour être aux avant-postes en FR. J'étais déjà dubitatif sur son avenir début 2021. Une saison et demi de F3 plus tard, il végète en milieu de grille. Ça semble être le bout de la route pour lui, en monoplace.
C'est dommage, car le Brésil était naguère une usine à champion de F1. Et qu'on ne me parle pas de Felipe Drugovich, qui joue le titre en F2, à sa troisième tentative. Pour le parcours météorique, il faudra repasser...

Bonus

Lorsque vous avez restauré votre voiture, vous souhaitez parfois y ajouter votre touche. Les A110 et A310 étaient contemporaines de "l'accessoirisation". On pense aux jantes Gotti, aux pots d'échappements Devil ou aux longues portées Cibié. Et puis, il y a le totocollant vintage, qu'il s'agisse d'un dessin un pu naïf ou d'un graphisme psychédélique, tout deux typiques de l'époque...

Et comme d'habitude dans ce genre d'événements, l'exposition se poursuit sur le parking. Sachant qu'il fallait beaucoup marcher pour regagner sa place, il y avait de quoi se rincer l’œil. Florilège...

De belles voitures et des invités prestigieux, ce centenaire de Jean Rédélé eu même droit à un beau soleil estival ! Je ne regrette pas d'être venu, depuis Paris.

Concernant Alpine, relancer la marque était une première étape. Par rapport à Renault Sport, Renault a doté Alpine d'une direction centrale et d'un organigramme propre.
Le travail reste important : porter la marque sur un SUV, une R5 Alpine moderne et surtout, la future "A110 EV" (qui partagera son châssis avec l'Elise EV.) Sans oublier de déployer davantage le "A" fléché à l'international. Y'a plus qu'à...

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