Rétromobile 2023 : 14. Voisin C4 S "Paris-Milan"

A Rétromobile, je ne manque jamais de passer par les stands Voisin et Berliet. A chaque édition, ils dévoilent de l'inédit. On ne sait jamais ce qu'on va y trouver. Et ce sont toujours de bonnes surprises. La preuve avec cette C4 S "Paris-Milan" de 1922.

D'habitude, c'est assez simple : la plupart des voitures exposées à Rétromobile sont accompagnées d'une fiche technique, voire d'un historique. Vous prenez en photo le placard. Un petit coup de Google, pour vérifier deux, trois détails et c'est marre ! Et après : " Ce Joest, quelle encyclopédie, quand même ! Il est vraiment incollable !"

Ici, dans la précipitation, je n'ai pas pris en photo le-dit placard. Et ensuite, le roi était nu !

Voici le peu que j'ai pu glaner. 

Avionneur écœuré par la guerre, Gabriel Voisin se reconverti en 1918... Dans le préfabriqué. Mais ses idées étaient trop radicales et rapidement, il passa à l'automobile, avec Avions Voisin. Sa C1 connu un succès certain et au début des années 20, il mit en chantier plusieurs modèles. La C2, à moteur V12, trop chère, fut vite oubliée. Les C3 et C5 furent une évolution de la C1. Quant à la C4, plus petite, elle devait permettre à Voisin de faire du volume, voir de talonner Renault.
Gabriel Voisin avait conscience de n'être qu'un constructeur parmi des dizaines d'autres. Pour se faire connaître, rien ne vaut la compétition ! Il eu donc l'idée d'engager des C4 dans des épreuves de Tourisme : Grand Prix de Strasbourg, course de cote de La Turbie, course de cote de Gaillon, Circuit des Routes Pavées et donc, Paris-Milan. A chaque fois -ou presque-, il y alignait une voiture conçue pour l'occasion. André Lefebvre (un ingénieur sup'aéro bombardé responsable du bureau d'étude à 25 ans) ne chômait pas !

Le Paris-Milan 1922 était un proto-rallye : une course sur route ouverte, qui privilégiait la régularité à la vitesse. Il fallait rallier Milan en 17h30, avec des points décomptés pour qui arriverait en retard... Ou en avance.
Pour le Paris-Milan, Dominic Lamberjak retrouvait le torpédo C4 du Circuit des Routes Pavées. Son fils, lui, pilotait cette C4 S biplace. Notez les ailettes latérales -en aluminium-, 70 ans avant que les F1 ne l'adopte ! Après, sur une voiture équipée d'un 1,2l 30ch et qui atteignait 80km/h, pas sûr que cela n'ait généré beaucoup d'appui aérodynamique. Par contre, elle n'était équipée que de freins arrière.
Pour se faire remarquer, Avions Voisin avait besoin d'un emblème. Lejeune, un affichiste, aurait proposé cette mascotte en aluminium (matériel fétiche de Gabriel Voisin.) Le sobriquet de "cocotte" serait un hommage au goût du patron pour les jeunes filles. Cette C4 S disposait d'une cocotte surdimensionnée ! Mon grand-père ne roulait pas en voisin, mais il avait mis une "cocotte" sur son "Hispano-Suiza"...

Les épreuves où ont couru les Voisin ont disparu depuis longtemps. Qui plus est, il y avait de nombreuses catégories. Et en prime, les coupures de presse et les classements ne mentionnaient souvent que les noms de famille des pilotes.
Dominic Lamberjak remporta le Paris-Milan (dans sa catégorie ?) avec la C4 "Circuit des Routes Pavées". Cette C4 S est une création récente. Elle aurait dû être présente au Festival de l'automobile 2022, mais l'évènement a été annulé.

Dominique (parfois noté "Dominic", sans doute une volonté d'exotisme dandy typique du début du XXe siècle...) Lamberjak fut d'abord coureur cycliste. Au tournant du XXe siècle, il eu désormais un moteur entre les jambes.
Son grand-frère, Émile, ouvrit le premier concessionnaire Fiat en France (qui servit beaucoup plus tard de socle pour Simca...) Il transmit la passion des voitures à Dominique, qui passa au pilotage sur quatre roues. Avec Léon Demeester, un autre ancien pilote moto, il fonda Demeester et Lamberjak, en 1905, qui évolua en Sinpar. Ce constructeur ne fut jamais un grand succès et la production s'arrêta au conflit. Par contre, Demeester réutilisa le nom en 1946, pour son entreprise de carrosserie industrielle, spécialiste des quatre roues motrices...
Après la guerre, Lamberjak sympathisa avec Gabriel Voisin. Il ouvrit un concessionnaire et reprit le pilotage, alors qu'il approchait la cinquantaine (et qu'il avait un embonpoint certain.) Par la suite, il ouvrit une concession Bugatti à Paris. Son fils semblait visiblement préférer gérer la dite concession au pilotage. Par contre, sa fille Louise couru plusieurs épreuves sur Hotchkiss et Talbot-Lago, dans les années 30. Avec des Coupes des dames à la clef.

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