38. Citroën 2cv "Astérix"
Ce "concept-char" est sans aucun doute la meilleure idée du film. Un de ces gentils anachronismes comme René Goscinny et Albert Uderzo les adoraient.
Il s'inspire des espèces de litières utilisées par l'aristocratie. Les roues sont censément d'anciens boucliers. Des panses de sangliers servent d'amortisseurs.
Mon impression d'archéologue très amateur, c'est que les Gaulois aimaient les ornements en bronze et qu'ils auraient sans doute décorés davantage un tel char.
C'est un rare exemple où le service marketing s'est lâché.
En fait, quand on repense à toutes les voitures célèbres de la TV et du cinéma (K2000, Ecto-1, General Lee, la 406 de Taxi...) les constructeurs concernés n'étaient pas ou peu impliqués dans le choix du véhicule. Quant à lire le scénario... Imaginez Citroën livrant aveuglément un lot de BX à Jean-Marie Poiré pour L'Opération Corned Beef...
Aujourd'hui, lorsqu'un constructeur donne son consentement, ce n'est souvent pas très discret. Le pire, sans doute, c'était Un prince presque charmant. Lorsque j'avais vu la bande-annonce, j'avais crû à un publi-reportage pour la Zoé, jusqu'à ce que le "au cinéma le..." apparaissent ! C'est pour cela qu'aujourd'hui, publicitaires et réalisateurs privilégient les anciennes : au moins, ils peuvent faire ce qu'ils veulent.
Ici, c'est donc l'exception qui confirme la règle. Avec un Citroën qui fait preuve d'autodérision et d'originalité.
Astérix, c'était une BD des Trente Glorieuses. Albert Uderzo et René Goscinny, deux fils d'immigrés, n'avaient pas oublié le "nos ancêtres les Gaulois..." Et comme de nombreux immigrés de la seconde génération, ils allaient être plus français que les Français ! Les premiers albums avait ce ton ludo-éducatif typique des BD de l'époque.
C'était une époque où les Français devaient casser leurs tirelires pour quinze jours sur la Costa del Sol avec Nouvelles Frontières. L'empire Romain servait de prétexte à des voyages dans les pays limitrophes (Espagne, Italie, Suisse, Grande-Bretagne...) Avec la baisse drastique des billets d'avions, les Français voyagèrent plus loin et Astérix s'adapta : Egypte, Inde, USA... Et donc, maintenant, la Chine.
Dans les années 2010, le cinéma tournait des actionners "internationaux". Ce n'étaient pas des films de propagande, mais le Parti avait un droit de regard sur le script. D'où l'image d'une Chine forte, avec des habitants courageux, qui venaient au secours des plus faibles. Cela donna notamment Dragon Blade, où le Pékinophile Jackie Chan s'attaquait à une légion Romaine qui semait la terreur. Adrian Brody et John Cusack, le gweilo de service, cachetonnaient sans aucune conviction.
Pékin limitait le nombre de films étrangers pouvant être projeté sur les écrans Chinois. Pour être sûr d'être sélectionné, Hollywood inclua des personnages Chinois dans certains films. Parfois, les inclusions étaient subtiles (cf. Seul sur Mars) et très souvent, pas du tout (cf. Transformers : age of extinction.)
Mais ici, point de coproduction Chinoise. On en revient à Mon curé chez les Thaïlandaises ou Les trottoirs de Bangkok (non, ce n'est pas un porno, même si l'actrice principale faisait du X) : en filmant l'Asie sans quitter la France ! Dans les années 70, on filmait le XIIIe arrondissement en très gros plan. Guillaume Canet, lui, posa sa caméra dans le Puy de Dôme, les images de synthèses firent le reste. Et en recrutant des figurants Asiatiques, ça passera, non ? De toute façon, Chinois, métisses franco-Vietnamiens... Tant qu'ils ont les yeux bridés, ça va, non ? Non ?
Rien qu'en voyant la bande-annonce, on comprend qu'on a affaire à Astérix : Mission Cléopatre en Chine, Electric Boogaloo. Le film d'Alain Chabat n'était pas si génial que ça, mais il apportait un humour neuf. Un mélange des vignettes de Canal + (avec le Jamel Debouze époque Cinéma de Jamel, les Robins des bois...) et du Saturday Night Live (des vedettes s'autoparodiant.) Alain Chabat nous emmenait dans des directions inattendues, en permanence.
Mais ensuite, forcément, le ressort était usé. Ici, on a davantage une série de sketchs. Chaque humoriste, chaque célébrité, faisant la queue pour faire le pitre à l'écran. Avec un Gérard du has been qui a fait n'importe quoi pour un caméo pour José Garcia.
Il y aurait tant à dire en quoi Astérix : l'empire du milieu est raté. Mais arrêtons de tirer sur une ambulance.
Concentrons-nous plutôt sur l'image de la 2cv sur la Muraille de Chine. Etait-ce un clin d’œil à la fameuse pub AX "Révolutionnaire" de 1986 ? A l'époque, la publicité annonçait (involontairement ?) l'offensive du chevron au Pays du Milieu. Près de quarante ans plus tard, Citroën semble sur le point de faire ses valises et la 2cv réapparait sur la Muraille de Chine. La boucle est bouclée.
En 1986, l'AX fonçait vers nous. Aujourd'hui, la 2cv s'éloigne du spectateur, comme si elle nous disait au revoir...
La Muraille de Chine existait déjà à l'époque de Romains. Même si les tronçons les plus célèbres furent construits à la renaissance.
Passons vite sur la graphie sinisante (un autre hommage aux années 80.)
Les traductions en Chinois sont factuellement correctes, mais il n'y a plus d'humour. Sauf erreur, la 2cv ne fut jamais vendue en Chine. La Chrysler CCV de François Castaing (une 2cv moderne pour la Chine) ne laissa pas de souvenirs impérissable.
Du coup, les Chinois se contentent de lire son nom en anglais : two c.v., passant à côté de l'histoire de chevaux fiscaux. Ici, ils ont traduit littéralement "deux chevaux" : 两匹马. N'aurait-il pas mieux fallu un gag Chinois ? D'autant plus qu'en mandarin, il y a des "jeux de chiffres" (reposant sur l'homonymie des chiffres avec certains mots.) Il aurait donc été plus drôle de jouer autour du chiffre "2".
Quant au "fabriqué en Gaule", ils ont en fait écrit "fabriqué en France" (法国制造.) Certes, les Chinois ne sont pas au fait de l'histoire de France (pas plus que les Français sont au fait de l'histoire de Chine.) Néanmoins, la bonne traduction serait 高卢制造. "高卢" étant la traduction chinoise de Gaule.
Commentaires
Enregistrer un commentaire
Qu'est-ce que vous en pensez ?