RM Sotheby's | Paris (1)

Les ventes aux enchères sont autant d'occasion d'approcher des voitures d'exception. RM Sotheby's organise des ventes itinérantes. L'étape Parisienne proposait de sacrés lots...

On est accueilli par trois véhicules issus de ventes à venir.

La 356 (A?) Carrera et la 911 (Carrera RS ?) font parti de la "Carrera Collection". RM Sotheby's est muet sur cette vente. Même le lieu où elle se tiendra n'est pas précisé.

La vente Villa Erba, elle, se tiendra à la villa éponyme, aux bords du lac de Côme (au nord de Milan.) Pour l'instant cinq Ferrari Testarossa noires sont annoncées. Celle-ci est une 512M de 1996, l'un des ultimes avatars.

La tête d'affiche (au sens propre : elle figure sur l'affiche et le catalogue de la vente), c'est la Bugatti Chiron Profilée.
La production de Bugatti Chiron a été volontairement limitée à 500 exemplaires. Sur ces "500", près des deux tiers sont des séries ultra-limitées de 10 ou 20 unités. La Profilée aurait du être l'une d'elles. Elle possède un avant et un arrière retravaillé. Néanmoins, les 500 unités étaient déjà attribuées et il n'y aura donc pas d'autres Profilée. Elle est partie pour 9 792 500€ ; un record pour une voiture neuve.

J'apprécie moyennement les lignes tarabiscotées des Bugatti et cette manière de créer artificiellement la pénurie est un peu ridicule. On a l'impression que chaque Bugatti est "la dernière ceci".
Pour les photos, RM Sotheby's a choisi les arches du pont de Bir-Hakeim, à Paris. Un décor particulier. [Autopromo]Une scène de mon dernier livre se passait là. Hasard du calendrier, le lendemain de la vente, ma "voix" de la version audio m'a envoyé le mixage de la scène en question.[/Autopromo] Or, sous ces arches, c'est une piste cyclables. Sojasun a fait un caca nerveux sur les réseaux sociaux, qui a été repris par un élu Parisien. La polémique s'est retournée contre eux et Sojasun de jouer à "c'était pour rire" (d'ailleurs, dans l'histoire, il semble avoir gagné nombre de followers frustrés comme lui.)
Donc, rien que pour la crise d’apoplexie provoquée par ces photos, j'aime bien la Profilée !

En face, une Ferrari 643 1991 ex-Jean Alesi (et ex-Gianni Morbidelli.)

Depuis la fin des années 60, il y a des cycles en F1. Elles s'équipent d’appendices aérodynamiques, jusqu'à ressembler à des porc-épiques, avant de revenir une silhouette plus pure. La période 1987-1993 fut ainsi le temps des F1 fines, après le temps des spoiler avant façon pelle à tarte et des ailerons arrières en planche à repasser. Cette 643 n'en est que plus belle. Notez au passage le sponsoring de Pioneer (chipé à Minardi), au temps où les fabricants d'autoradios étaient les rois du pétrole...
La 643 arriva à mi-saison, remplaçant la décevante 642. Hélas, les résultats ne furent pas au rendez-vous. A l'époque, les écuries fabriquaient une dizaine de châssis. Au volant de "127", Jean Alesi finit 4e du Grand Prix de France et il termina dans Aguri Suzuki au Grand Prix de Grande-Bretagne. Elle joua les voitures de réserve en Allemagne, en Hongrie et en Belgique. Puis Alain Prost, furieux de ne pouvoir se battre pour le titre, fut licencié. Gianni Morbidelli, le pilote d'essai, fut appelé et il décrocha une 6e place au Japon.

32 ans plus tard, Jean Alesi vient d'être nommé comme responsable du circuit Paul Ricard. Cela donnera un peu d'air à Giuliano Alesi. Le pilote Tom's en Super Formula a du mal à prendre son envol. Jusqu'ici, son père était omniscient, pour le meilleur et pour le pire.
Alesi Sr est l'un des derniers pilotes de la vieille école. Ceux qui considèrent qu'ils ont des comptes à rendre à "leur" écurie (chez lui, Ferrari comme d'autres ont été éternellement pilote Ligier ou Renault...), aux fans et plus généralement, au sport mécanique. En Grande-Bretagne, c'est encore le cas. Chaque ex-pilote de F1 se doit d'assister à une certains nombre d'évènements publics (Autosport Awards, Goodwood ou la remise des prix d'un podium de GB3...) A contrario, en France, de nombreux ex-pilotes ont complètement disparu des radars, un fois le casque raccroché. Cela prouve une certaine mentalité...

Au milieu de l'amphithéâtre de la salle d'enchères, une Lamborghini Countach. De loin, l'illusion est presque parfaite. Mais il s'agit bien d'une miniature. Le propriétaire l'avait reçu comme cadeau d'anniversaire pour ses 5 ans, en 1984 !

Une Mercedes-Benz 450 SLC 5.0 (R107.) On l'a oublié, mais Mercedes-Benz eu une longue présence en rallye s'étalant des années 50 à la fin des années 80.
En 1979, le championnat du monde de rallye proposait une vraie diversité de terrains. La longue et lourde R108 aurait été à l'arrêt sur asphalte. L'idée était de s'attaquer aux rallyes sur terre, en particulier le Safari et le Bandama. Très cassants, ils privilégiaient la solidité à la vitesse. A l'arrivé, c'était un bon argument de vente. D'ailleurs, plusieurs équipes (Citroën, Datsun, Peugeot...) ne participaient qu'à ces rallyes.

"Notre" 450 SLC 5.0 débuta au Rallye Côte d'Ivoire 1979 avec Björn Waldegård. Le "Viking" termina 2e, derrière Hannu Mikola... Sur une autre 450 SLC. Andrew Cowan et Vic Preston Jr amenant respectivement leurs 450 SLC aux 3e et 4e rangs !
Tandis que les ténors passaient à la 500 SLC pour 1980, Vic Preston Jr récupéra la 450 SLC 5.0 pour le Safari Rally, accrochant une 3e place. Elle a également servie de voiture "civile" pour les reconnaissances du Rallye d'Argentine.

En 1964, Alejandro de Tomaso s'est lancée dans les GT avec la Vallelunga. Il changea de dimension avec la Mangusta, s'offrant l'usine de Vignale. Face à Ferrari et Lamborghini, il fallait faire du spectaculaire pour pouvoir exister ! C'est Giorgietto Giugiaro (alors chez Ghia) qui se chargea de la ligne. Le point d'orgue, ce sont ces demi-capots (un cauchemar de mécano.)
Côté moteur, l'Argentin draguait Ford, d'où un V8 "client" à l'arrière. Carroll Shelby aurait été approché, mais l'engueulade aurait été brutale. D'où le nom de Mangusta (la mangouste étant le prédateur du cobra...) Une histoire très "citation needed", mais ce n'est pas moins farfelu que ce qu'on voit dans Lamborghini : the man behind the legend ou Le Mans 66...

La Mangusta fut produite de 1967 à 1971. On a ici l'une des dix dernières.

On reste dans l'univers Shelby avec la Toyota 2000GT !
Carroll Shelby était lié à Ford par opportunisme. Il savait bien que tôt ou tard, l'ovale bleu allait retirer ses billes. Avant même le début du programme GT40, il prospectait au Japon. D'ailleurs, la Lotus qu'il aligna pour les 500 Miles d'Indianapolis 1965 était sponsorisée par Yamaha.
En 1968, il eu enfin un touche, avec Toyota. Le constructeur lui confiait l'engagement des 2000GT. C'était une période de disette pour les GT, aux USA. Après la grande époque des courses sur les aérodromes de l'US Air Force et avant l'IMSA. Daytona et Sebring ne jurant plus que par les protos... Restait le SCCA groupe C. La 2000GT était une voiture de course très moyenne et Shelby American dû la revoir largement. La 2e place au championnat était décevante, eu égard aux moyens déployés. En plus, la 2000GT fit un flop aux USA (60 unités vendues.)
Le constructeur était persuadé qu'avec son proto 7, il pouvait briller en CanAm, le temps de l'équiper d'un turbo. Surtout, il le ferait avec sa propre équipe Japonaise. Le programme prit du retard. Toyota avait tellement confiance en sa voiture et il tenait tant à surprendre son monde que la 7 Turbo tomba de chandelle au Grand Prix du Japon 1970. Minoru Kawai, le pilote-vedette, se tua lors d'un des premiers tours lancés. La course fut annulée et Toyota abandonna -provisoirement- la compétition.
Quant à Shelby, il dissout son équipe de course à l'issue du programme Toyota. Son nom resta sur les Mustang jusqu'en 1969. Il y avait alors plusieurs Mustang sportives, qui se cannibalisaient. Il y eu une rationalisation et la "quarter horse" (la Mustang Shelby 1970) ne fut pas produite.

L'une des 300 Ferrari 250 GTE 2+2 série 3, sortie de chaine en 1963. Depuis la fin des années 50, Enzo Ferrari souhaitait produire davantage de voitures de route. Il souhaitait aussi proposer des voitures plus abouties, servant au quotidien.
La 250 GTE 2+2 fut l'une des premières Ferrari qui n'avaient pas vocation à courir. L'ajout d'un banquette arrière était un geste envers sa clientèle. Avec un total de 954 unités, ce fut un carton, à l'échelle du constructeur.

Tant pis pour l'ordre dans lequel les voitures sont disposés, faisons un détour par cette 250 GT/L Berlinetta "Lusso". Celle-ci est sortie de chaine en 1963, comme la GTE 2+2 ci-avant. Pourtant, ces lignes sont indéniablement plus modernes, avec davantage de recherche aérodynamique. Le saut par rapport à la 250 GT SWB "Lusso" qu'elle remplaçait est également notable.

1963... On n'était que 14 ans après la rustique -mais belle- Cisitalia 203. C'est dire le chemin parcouru ! Et ce n'était pas fini... Deux ans plus tard, à Turin, Lamborghini dévoilait le prototype de la Miura. Et nous n'étions que 8 ans avant le prototype LP500 -la future Countach- ! En moins d'un quart de siècle, on était passé de L'Annonciation de Fra Angelico au Radeau de la Méduse de Théodore Géricault, puis à Guernica de Pablo Picasso !
Il y avait eu une accélération à la fois technique, stylistique et industrielle fulgurante. Enzo Ferrari avait conscience que pour tuer la concurrence, il devait sans cesse proposer de nouveaux modèles. Quant à Ferruccio Lamborghini, il savait qu'en tant que challenger, il se condamnait à avoir un temps d'avance.
Cette course à l'armement dura jusqu'à la crise du pétrole. Lamborghini, KO, ne lança pas de GT avant les années 90. Ferrari pu souffler un peu. Même s'il y eu un nouvel affrontement, au début des années 80, pour la première voiture de série capable d'atteindre 300km/h.
Cette 250 GT/L semblait obsolète dès la seconde moitié des années 60. Alors qu'aujourd'hui, une Lamborghini Gallardo aurait juste l'air un peu vieillotte.

Ce genre de ventes, c'est aussi l'occasion de découvrir de nouveaux modèles, tel cette Osca 1600 GT de 1963.

Dans l'immédiat après-guerre, on vit fleurir les "spéciales". Une petite voiture de course reprenant des éléments mécaniques de la grande série (Panhard puis Renault en France, Fiat en Italie...) C'était un retour de l'esprit cyclecariste ! Dès le milieu des années 50, les garagistes lancèrent place à des ingénieurs et surtout, les voitures étaient désormais produite à quelques dizaines d'unités (en profitant souvent des moyens de production de carrossiers industriels ou de l'aéronautique.)
Ici, on a donc un Fiat 1600 très travaillé, avec culasse à double arbre-à-came et éléments en aluminium. Avec deux Weber, il délivrait jusqu'à 140ch ! Zagato et Fissore carrossèrent et produisirent les OSCA 1600 GT. Rappelons, que l'Officine Specializzate Construzione Automobili avait été fondée par les frères Maserati après avoir été évincé de la marque qu'ils avaient fondés.
Mais le temps n'était plus aux spéciales. Pourquoi dépenser une fortune pour courir avec une petite cylindrée, alors que pour le même prix, on pouvait acheter une GT d'occasion ? En plus, les catégories "1l" et "1,5l" tendaient à disparaitre des courses circuit. Lotus, Abarth et plus tard, Alpine, migrèrent vers la moyenne série. Les autres se retrouvaient dans une impasse. Osca finit par proposer des Fiat équipées de son 1600, avant de baisser le rideau, au milieu des années 60.

Juste au moment où je faisais l'éloge de la cohérence des lots offerts (des sportives et GT des années 60 à nos jours), je croisais une intruse : une Ferves Ranger !

Au moins, cela permet de poursuivre mon propos. Dans les années 60, certains généralistes Européens développèrent un écosystème autour d'eux : bureaux de design, artisans, écuries de compétition... Ils étaient un prolongement de la marque.
Lorsque l'on pense "artisans", on pense aux voitures de sport. Mais l'autre nouveauté, c'était les voitures tout-chemin. De la voiture de plage au 4x4 utilitaire, en passant par les buggys, c'était tout un marché en pleine éclosion.
Ainsi, au salon de Turin 1966, Carlo Ferrari (NDLA : aucun lien avec Enzo) dévoila son FERrari VEicola Speciali Ranger. Mécaniquement, il disposait d'un moteur de Fiat 500D, mais avec des suspensions de 600 (et des feux de 850 ?) Sauf erreur, il reprenait la plateforme de la 500, mais avec une carrosserie baignoire tout-acier. Il était relevé pour une meilleure garde-au-sol et aussi pour faire passer la transmission. Car le Ranger était proposé en 4x4 (ainsi qu'en 4x2.) Les 18ch du bouilleur étaient un peu court, surtout pour le franchissement. Et avec sa mince toile clipsée en guise de toit et de vitres latérales, le Ranger était un frigo dès les premiers frimas.
Avec son 4x4 de poche, Carlo Ferrari a sans doute eu raison trop tôt. Il ferma boutique en 1970, après 500 unités.

Autre star de la vente, cette Alpina B2 de 1976. Basée sur la BMW 528 (E12), ce fut l'une des premières Alpina de route. Du moins, l'une des premières vendues clef-en-main. Le 6 cylindres était réalésé à 3,0l (NDLA : avec une culasse US ?) et la puissance de passer de 170ch à 225ch.

Dès 1977, le tuner Allemand revu sa copie. Il greffa un turbo à la 528, créant la B7. Du coup, seules 11 voitures furent construites. Compte tenu de sa rareté, cette B2 fut complètement restaurée, malgré douze ans de ventousage et un fort kilométrage.

Il y avait un certain nombres de 911. On commence par cette Turbo "Flatnose" (ou "slant nose") de 1989.

Apparue en 1976, la 935 avait marquée les esprits, tant par ses performances, que par son look. Porsche chercha à capitaliser dessus avec la 930 Turbo (sa version civile alibi) et un kit "slant nose". De nombreux tuners proposèrent d'ailleurs des kits en fibre de verre pour refaire le nez de votre voiture.

Celle-ci date de 1989. Elle possède un kit complet avec ailes élargies et le fameux nez plat. Sauf que la mode était passée depuis longtemps. D'ailleurs, la Carrera 4 (964) pointait déjà son nez (de mémoire, la 964 Turbo n'arriva qu'en 1991.)
Elle témoigne du manque d'écoute de Porsche.  Dans les années 80, c'était un groupe de Besserwisser. Les ventes chutaient, la qualité dérivait, mais ils n'avaient besoin des conseils de personne...

Une sacrée triplette de supercars des 80s ! Lamborghini Countach, Ferrari Testarossa et... Un simple Porsche 911 Cabriolet ?
Effectivement, à sa sortie de chaine, en 1987, ce n'était qu'une 911 cabriolet. Mais en 1989, le propriétaire l'emmena chez Ruf. Alois Ruf ne jurait que par les 911 et 930 Turbo. Mais à l'occasion, il acceptait de créer une "[Groupe] B Turbo Ruf" (BTR) cabriolet. Sachant qu'il n'existait pas de 911 turbo cabriolet usine (mais Porsche pouvait vous monter le kit "turbo look"dessus.)

Cette 911 cabriolet gagna ainsi un 3,4 litres turbo 374ch et le bouclier spécifique (que l'on retrouvera sur la CTR...)

Une ISO Rivolta, c'est déjà bien rare, alors deux d'un coup...

La bleue est une IR 300 (comme celle vue à Chantilly) de 1968. "300", comme la puissance censément délivrée par le V8 Chevrolet 5,4l (en fait, 295ch.) La ligne était signée d'une Giorgietto Giugiaro qu'on a connu plus inspiré (cf. la De Tomaso Mangusta évoqué plus tôt.) Le grand Giotto Bizzarini en était le concepteur.

La jaune est une Grifo 7 litri de 1969. Comme son nom l'indique, son V8 Chevrolet cubait 7 litres, de quoi offrir 435ch. La Grifo 7 litri était sans doute rapide pour son époque. Mais les 300km/h revendiqués sont une exagération Méditerranéenne...

Pour finir (provisoirement) ce tour d'horizon, une McLaren P1 de 2015. Sans doute l'un des modèles les plus photographiés. Certes, elle était à l'entrée du hall, mais je pense surtout qu'elle "parlait" davantage aux plus jeunes que les autres voitures.

McLaren a du mal à percer. En 2018, avec 4 806 unités, la marque semblait sur une pente ascendante. Mais ensuite, ce fut le plongeon. En 2021, le chiffre remonta à 2 138 unités. McLaren publie ses résultats annuels en avril. Il faut donc se contenter du Q3 2022, où elle avait 200 unités de retard. La marque devrait donc repasser sous la barre de 2 000 unités.
Pour autant, le constructeur semble s'être inscrit dans la durée. Il a acquis une légitimité certaine dans les GT. La preuve, c'est sa présence dans les ventes aux enchères.

Commentaires

Articles les plus consultés