Rétromobile 2023 : 11. Delahaye 175
C'est une voiture, un carrossier, un pilote et une course, qui méritent que l'on s'attarde dessus !
Commençons par la voiture.
Delahaye avait encore de grandes ambitions, à la fin des années 40. Elle sortait une nouvelle voiture, la 175/178/180. La différence se situant dans l'empattement (2,95m sur la 175.) Sur le papier, elle remplaçait la 148.
En fait, personne n'était dupe : ce n'était qu'un dérivé de la vieillissante 135 (comme toutes les Delahaye de route, du milieu des années 30 à la fin.) Ses suspensions Dubonnet n'apportaient pas grand chose.
Dévoilée en 1948, la 175/178/180 n'entra en production qu'en 1950. D'où ces engagements en compétition, en 1951. Le moteur était le 6 cylindres de la 135, réalésée à 4,5l. Celle-ci disposait d'un Weber à triple-corps offrant 160ch.
Né en 1904, Rocco Motto se retrouva orphelin et il dut très tôt travailler comme carrossier. en 1932, il ouvrit sa propre affaire, à Turin. Après la guerre, Motto voulu jouer les bureaux d'études et de design.
A cette époque, les carrossiers Français furent pris d'une panne d'imagination généralisée. A contrario, le "style Italien" était à la mode. Delahaye espérait sans doute qu'avec une carrosserie Motto, sa 175 aurait l'air plus moderne. Et pour Motto, c'était un moyen de glaner des contrats internationaux. Il signa également une barquette Talbot-Lago T26C, vue à Chantilly.
A la fin des années 50, Motto se chargea de carrosser les Porsche Carrera Abarth GTL. Ce fut sa seule production en -petite- série et le chant du cygne du carrossier. Après des tentatives de reconversion dans les utilitaires et le caravaning, Rocco ferma boutique dans les années 60.
Louis Alexandre Chiron était le fils d'un serveur de l'Hôtel de Paris, à Monaco. Né en 1899, il avait 15 ans lorsqu'il travailla comme commis pour un aristocrate Russe en villégiature en Provence. C'est ce dernier qui lui apprit à conduire. A 18 ans, il se retrouva mobilisé et il fut chauffeur des maréchaux Foch et Pétain.
Après la guerre, il s'associa avec William Grover et ils montèrent un garage Bugatti. Passionné de pilotage, "Williams" allait remporter le premier Grand Prix de Monaco. Il transmit le virus à Chiron, qui fut recruté par Alfred Hofmann. Richissime héritier, Hofmann souhaitait monter un équipe pour promouvoir ses bougies Nerka. Chiron s'imposait ici et là. Il remporta le Grand Prix de Monaco 1931. Hofmann voulu s'impliquer davantage et il se déplaçait désormais avec sa femme, Alice. Chiron et "baby" flirtaient ouvertement. Lorsque le paddock entier sut qu'Hofmann était cocu, l'intéressé licencia le pilote et le remplaça par René Dreyfus !
Louis Chiron s'associa alors à Rudolf Carocciola, en 1933. Leur écurie "CC" fit long feu. Le Monégasque fut alors recruté par la Scuderia Ferrari et remporta le Grand Prix de France 1934, à la barbe des Auto-Union et des Mercedes-Benz ! Pour 1936, Mercedes-Benz voulait René Dreyfus. L'ONS (Fédération Allemande et émanation du parti nazi) dit "nein" à ce pilote au nom "sonnant juif". Grace à Carraciola, Louis Chiron fut recruté. Il semblait avoir perdu sa pointe de vitesse. Sa seule victoire notable fut un Grand Prix de France 1937 (sur Talbot-Lago ; l'épreuve étant réservée aux "sport".) Pendant ce temps "Carrach" avait perdu son épouse et il déprimait. Louis Chiron lui envoya Alice Hofmann... Qui devint Alice Caracciola en 1938 ! Chiron se brouilla avec Carraciola et Mercedes-Benz le licencia. Il effectua un test avec Auto-Union, mais le cœur n'y était plus.
Mobilisé en 1939, il profita de la panique face à l'avancée Allemande pour fuir en Zone Libre, puis en Suisse. De là, il gérait l'exfiltration d'aviateurs alliés abattus au-dessus de la France [citation needed].
A la libération, il eu de nouveau le démon du pilotage en lui ! Il remporta les Grand Prix de France 1947 et 1949, sur Talbot-Lago. Il disputa ensuite quelques Grand Prix et s'aligna aux 24 heures du Mans. Il remporta le rallye de Monté-Carlo 1954 sur Lancia. Justement, lors du dîner de gala, du "Monte" 1949, il se serait accroché avec Héllé-Nice. Il avait accusé l'ex-pilote Bugatti de "collaboration horizontale" avec la Gestapo et elle l'aurait accusé d'avoir été au service de Vichy. Altercation qui se serait finie devant les tribunaux. L'histoire est douteuse et la biographe d'Hellé-Nice reste dubitative, faute de preuves. Mais pas grave : pour nos SJW actuel Hellé-Nice fut victime d'une injure sexiste de la part d'un nazi !
En 1955, en terminant 6e à Monaco, il devint le plus vieux pilote au départ d'un Grand Prix. En fait, il aurait dû disputer les Grand Prix de Monaco 1956 (non-qualifié) et 1958 (absent.) Mais pas question de retraite à 60 ans ! Il intégra l'équipe de rallye de Mercedes-Benz, participant aux reconnaissances. Au début des années 60, la Scuderia Centro Sud tenta de monter une école de pilotage. Voilà Louis Chiron moniteur sur barquette Maserati. Il forma notamment Henri Grandsire. Puis il fut directeur de course du Grand Prix de Monaco, jusqu'au début des années 70. Il mourut en 1979.
En 1950, le Mexique était fier d'inaugurer les derniers tronçons de la panaméricaine. Il y avait désormais une route bitumée courant de Ciudad Juarez (à la frontière avec les Etats-Unis) à El Ocotal (à la frontière du Guatemala.)
Pour fêter cela, le pays organisa une course. Cette route devait développer le marché automobile Mexicain. Les constructeurs Américains traversèrent donc le Rio Grande. Ça, l'exotisme était garanti ! Certains tronçons étaient si longs et si rectilignes que les pilotes avaient des crampes et qu'ils devaient alors accélérer du pied gauche ! Dans le sud, c'était montagneux. Les pilotes peu habituées aux hautes altitudes risquaient de perdre connaissance et les freins à tambours chauffaient vite, dans les descentes... Il y avait des coupeurs de route et par la suite, des équipages emportaient discrètement un "cuete". Et le soir, les seuls hôtels étaient des hôtels de passe ! Mickey Thompson ne se démontait pas et il exigeait des reçus. Mais Ford refusa de rembourser ses notes de frais... Notez au passage que la Carrera Panamericana fut l'une des premières courses à autoriser les sponsors.
Malgré tout, l'épreuve devint incontournable. En 1951, Delahaye mit donc les petits plats dans les grands. Avec Louis Chiron et une 175 Motto, c'était le succès assuré ! Delahaye allait briller et les Américains voudront s'en offrir une !
Hélas, Louis Chiron renonça, sans jamais n'avoir inquiété les deux Ferrari "usine", qui effectuèrent un doublé. La Delahaye 175 disparu du tarif peu après et le constructeur baissa le rideau en 1955.
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