Camions en friche
L'avenue qui traverse le village était en travaux. Il fallait faire un détour par une rue serpentant à travers l'ancienne zone industrielle. On longe d'ancienne PME et ETI aujourd'hui en friche.
Dont l'usine Rochel, à l'entrée. Cette fabrique d'aérosol employait surtout des jeunes filles. Le 11 mai 1967, un jeune ouvrier se plaignit d'une odeur de gaz s'échappant de la machine qui remplit des bombonne de laque. Sur les invectives de son chef, il mit malgré tout la machine en marche. Ce fut l'explosion. L'ouvrier fut projeté, brûlé, mais vivant. Les blouses en nylon des ouvrières prirent feu. Trois ouvrières y restèrent. Simone de Beauvoir vint voir les victimes 4 ans (!) après.
Plus loin, il y avait des garages ou des casses. Celui-ci portait l'imprimatur d'Alpine Classic, mais point de voitures de Dieppe à l'entrée. Juste des utilitaires moyens et lourds.
Le bleu, c'est un Mercedes-Benz (T2) "Düsseldorf" 407 D. Il est sorti d'usine entre 1967 et 1986. De ce que j'ai compris "4" correspondait à la capacité (il y eu ainsi un 307 D.) Le "7", lui, faisait référence au moteur. A savoir un 2,4l OM616 65ch. Vitesse maximale : 90km/h !
Mercedes-Benz s'était lancé dans les utilitaires moyens en rachetant les activités d'Hanomag-Henschel, dans les années 60. Il avait su anticiper le besoin en utilitaire volumineux, capable de transporter de lourdes charges (mais à un train de sénateur...) Grâce au T2, puis au T1 "Brême", Mercedes-Benz put non-seulement franchir la grande consolidation européenne de la période 1975-1985, mais devenir l'un des leaders de l'utilitaire moyen.
Le 407 D était très lourd et sous-motorisé. Dans les forums, on conseille de lui préférer le "9". Increvable, il était souvent utilisé bien au-delà du raisonnable et sans jamais passer au garage. Une fois qu'il expire, il faut donc faire de gros travaux... Pourtant, sur YouTube, un mécano arrive à remettre en route un 407D encore plus lépreux...
Le fourgon, aucun souci pour l'identifier : c'est un Daf 400, produit entre 1989 et 1993, chez Leyland, en Grande-Bretagne.
BL fut placé en réanimation pendant une dizaine d'années. Les plans de relance se succédaient, avec des fermetures d'usines. Au milieu des années 80, Margaret Thatcher décida que BL, devenu Austin-Rover, devait se recentrer sur les voitures particulières. Afin de dégager du cash, les autres filiales devinrent des entités indépendantes, avec un écriteau "à vendre". A savoir Land Rover (GM se montra intéressé, avant de décliner), Freight Rover (utilitaires moyens), Leyland Trucks (PL) et Leyland Parts (équipementier automobile.) La branche autocars, elle, fut liquidée en 1984. D'anciens de Leyland fondèrent Optare.
Daf convoitait le marché Britannique, très fermé. Il restait minuscule à l'échelle européenne et il ne pouvait grandir qu'à travers des partenariats (cf. le Club des quatre.) En 1987, la société créa une holding, Daf NV, qui fit un partenariat avec Austin-Rover. Leyland-Daf récupéra Freight Rover et Leyland Trucks (versant ses propres activités PL et autocars dans la corbeille.) Leyland-Daf fut mis en bourse, tout comme Daf NV. Austin-Rover eu tôt fait d'en profiter pour vendre ses parts. Quant à Daf, en tant que premier actionnaire de Daf NV, il contrôlait également Leyland-Daf, tout en s'exposant peu.
Pour autant la mariée n'était pas très belle. Dans les années 70, BL avait injecter tout son maigre cash dans les automobiles. A l'époque, Rootes et GM avaient fait la même chose. En conséquence, Dodge (groupe Renault VI) et Bedford ne valaient guère mieux.
Dans les utilitaires moyens, le Sherpa de 1974 avait eu un gros lifting à la création de Freight Rover, en 1984. Cette fois, il devenait deux fourgons : le petit 200, très proche du Freight Rover 300 et le gros 400. Ils étaient vendus sur le continent avec un badge Daf et via le réseau du constructeur. Lancé en 1989, le 400 accusait le poids des ans. Il ne faisait pas le poids face au Ford Transit mk2, lancé trois ans plus tôt.
Toujours en 1989, Daf NV sépara les autocars. Une nouvelle holding, United Bus, fut créé avec d'autres constructeurs comme Optare ou VDL. Ainsi, Daf était un agglomérat de joint-ventures. Du côté des utilitaires, les 200 et 400 devaient recevoir un lifting plus profond. Finalement, ils se contentèrent d'un nouvel avant. Les Pilot et Convoy arrivèrent juste à temps pour la restructuration...
Car en 1993, Daf implosa. United bus sombra. VDL en profita pour absorber la branche autobus de Daf. Leyland Truck repris brièvement son indépendance, avant d'être racheté par Paccar, qui reprit Daf Trucks dans la foulée.
Les utilitaires, eux, poursuivirent sous l'emblème "LDV". LDV était essentiellement présent en Grande-Bretagne. Le Pilot et le Convoy furent vendus jusqu'en 2004. LDV profita du naufrage de Daewoo pour récupérer un projet mort-né de fourgon. Ce fut donc le Maxus, qui permit aux Pilot et Convoy d'enfin prendre leur retraite ! Racheté par l'oligarque Oleg Deripaska, qui fit faillite en 2009. SAIC attendit que LDV soit liquidé pour racheter son outillage et tout transférer en Chine. Aujourd'hui Maxus (devenu une marque) se porte plutôt bien. J'en ai d'ailleurs croisé un en Irlande.
Ce Daf 400 semble avoir été abandonné après un choc à l'avant. Vu que les ailes sont rouillées, ça ne présage rien de bon, au démontage des ailes...
C'est bien dommage, car il a du potentiel. Il pourrait faire un food truck de fish & chips ! Ca serait cohérent avec ses origines britanniques... Je ne comprends pas la tendance des food-trucks. Le marché est saturé.
Quel est le modèle économique ? Imaginez ces apprenti-entrepreneurs, devant leur banquier : "Bonjour, j'ai une super-idée ! Je vais lancer un food-truck qui vendra des burgers artisanaux. Et pour le côté "authentique", le véhicule sera un Citroën Type H !" Ma réaction, ça serait : "Attendez, je crois que j'ai déjà vu ça... Sur toutes les fichus place de toutes les grandes villes !" Mais vous avez des banquiers qui, eux, foncent.
Et forcément, il y en a qui se casse la figure. Sur internet, on voit des Type H transformés récemment à vendre.
Alors pourquoi ne pas faire autre chose ? Au lieu de burgers dans un Citroën Type H, pourquoi pas des fish & chips dans un Daf 400 ?
Alexandre Braud avait créé une entreprise de moissonneuse-batteuse, à Ancenis. Son fils, Marcel Braud, voulait se diversifier dans les engins de TP. Le 5 août 1944, les Américains étaient aux portes d'Ancenis. Mais il y avait des chars nazis. Braud fils voulu les disperser avec son fusil. Il fut abattu sous le yeux de son fils, également prénommé Marcel.
Sa veuve, Renée Braud, réalisa son rêve. Elle s'associa à Henri Faucheux et la société devint Braud & Faucheux. En 1957, Faucheux développa un chariot-élévateur tout terrain. Idéal pour la manutention sur des chantiers ou sur un terrain meuble (massif forestier, champ labouré...) L'idée était simple : un tracteur inversé, avec un mat de levage. Il est baptisé "Manitou". Un jeu de de mot entre "manie tout" et un manitou. Bientôt, il prit le pas sur les autres produits de la marque.
En 1971, Braud fils prit les rênes de l'entreprise. Il passa un accord de distribution des chariots-élévateurs Toyota (qui auraient été dessinés par Alain Clénet.) En 1981, il renomma la société Manitou. Il s'étendit à l'international. Braud comprit que l'avenir, c'était les BRIC. Manitou fut l'un des premiers à s'implanter en Chine, au Brésil et plus récemment, en Inde. En parallèle, la gamme se développa avec des engins de levage. Manitou a fait face à des concurrents Japonais et Coréens en grossissant et surtout, en se spécialisant dans une niche.
Ici, c'est donc un chariot-élévateur du début des années 80. Pas sûr qu'il y ait beaucoup d'amateurs d'engins de manutention vintage...
Manitou est une société discrète. Certains se souviennent qu'à la fin des années 90, elle a sponsorisée le Nantais David Terrien en FF, puis en F3.
La famille Braud possède encore les deux tiers du capital. Jacqueline Himsworth, la sœur de Marcel Braud fils, siège au conseil d'administration. C'est une entreprise Française, présente internationalement, avec un vrai savoir-faire.
Seulement voilà, les engins de levage, ce n'est pas très glamour. Pour ne pas dire politiquement incorrect. Ancenis, c'est au milieu des champs. Alors personne n'en parle jamais, à part L'usine nouvelle. Et ce dédain, voir ce mépris, est bien dommage.
Dont l'usine Rochel, à l'entrée. Cette fabrique d'aérosol employait surtout des jeunes filles. Le 11 mai 1967, un jeune ouvrier se plaignit d'une odeur de gaz s'échappant de la machine qui remplit des bombonne de laque. Sur les invectives de son chef, il mit malgré tout la machine en marche. Ce fut l'explosion. L'ouvrier fut projeté, brûlé, mais vivant. Les blouses en nylon des ouvrières prirent feu. Trois ouvrières y restèrent. Simone de Beauvoir vint voir les victimes 4 ans (!) après.
Plus loin, il y avait des garages ou des casses. Celui-ci portait l'imprimatur d'Alpine Classic, mais point de voitures de Dieppe à l'entrée. Juste des utilitaires moyens et lourds.
Le bleu, c'est un Mercedes-Benz (T2) "Düsseldorf" 407 D. Il est sorti d'usine entre 1967 et 1986. De ce que j'ai compris "4" correspondait à la capacité (il y eu ainsi un 307 D.) Le "7", lui, faisait référence au moteur. A savoir un 2,4l OM616 65ch. Vitesse maximale : 90km/h !
Mercedes-Benz s'était lancé dans les utilitaires moyens en rachetant les activités d'Hanomag-Henschel, dans les années 60. Il avait su anticiper le besoin en utilitaire volumineux, capable de transporter de lourdes charges (mais à un train de sénateur...) Grâce au T2, puis au T1 "Brême", Mercedes-Benz put non-seulement franchir la grande consolidation européenne de la période 1975-1985, mais devenir l'un des leaders de l'utilitaire moyen.
Le 407 D était très lourd et sous-motorisé. Dans les forums, on conseille de lui préférer le "9". Increvable, il était souvent utilisé bien au-delà du raisonnable et sans jamais passer au garage. Une fois qu'il expire, il faut donc faire de gros travaux... Pourtant, sur YouTube, un mécano arrive à remettre en route un 407D encore plus lépreux...
Le fourgon, aucun souci pour l'identifier : c'est un Daf 400, produit entre 1989 et 1993, chez Leyland, en Grande-Bretagne.
BL fut placé en réanimation pendant une dizaine d'années. Les plans de relance se succédaient, avec des fermetures d'usines. Au milieu des années 80, Margaret Thatcher décida que BL, devenu Austin-Rover, devait se recentrer sur les voitures particulières. Afin de dégager du cash, les autres filiales devinrent des entités indépendantes, avec un écriteau "à vendre". A savoir Land Rover (GM se montra intéressé, avant de décliner), Freight Rover (utilitaires moyens), Leyland Trucks (PL) et Leyland Parts (équipementier automobile.) La branche autocars, elle, fut liquidée en 1984. D'anciens de Leyland fondèrent Optare.
Daf convoitait le marché Britannique, très fermé. Il restait minuscule à l'échelle européenne et il ne pouvait grandir qu'à travers des partenariats (cf. le Club des quatre.) En 1987, la société créa une holding, Daf NV, qui fit un partenariat avec Austin-Rover. Leyland-Daf récupéra Freight Rover et Leyland Trucks (versant ses propres activités PL et autocars dans la corbeille.) Leyland-Daf fut mis en bourse, tout comme Daf NV. Austin-Rover eu tôt fait d'en profiter pour vendre ses parts. Quant à Daf, en tant que premier actionnaire de Daf NV, il contrôlait également Leyland-Daf, tout en s'exposant peu.
Pour autant la mariée n'était pas très belle. Dans les années 70, BL avait injecter tout son maigre cash dans les automobiles. A l'époque, Rootes et GM avaient fait la même chose. En conséquence, Dodge (groupe Renault VI) et Bedford ne valaient guère mieux.
Dans les utilitaires moyens, le Sherpa de 1974 avait eu un gros lifting à la création de Freight Rover, en 1984. Cette fois, il devenait deux fourgons : le petit 200, très proche du Freight Rover 300 et le gros 400. Ils étaient vendus sur le continent avec un badge Daf et via le réseau du constructeur. Lancé en 1989, le 400 accusait le poids des ans. Il ne faisait pas le poids face au Ford Transit mk2, lancé trois ans plus tôt.
Toujours en 1989, Daf NV sépara les autocars. Une nouvelle holding, United Bus, fut créé avec d'autres constructeurs comme Optare ou VDL. Ainsi, Daf était un agglomérat de joint-ventures. Du côté des utilitaires, les 200 et 400 devaient recevoir un lifting plus profond. Finalement, ils se contentèrent d'un nouvel avant. Les Pilot et Convoy arrivèrent juste à temps pour la restructuration...
Car en 1993, Daf implosa. United bus sombra. VDL en profita pour absorber la branche autobus de Daf. Leyland Truck repris brièvement son indépendance, avant d'être racheté par Paccar, qui reprit Daf Trucks dans la foulée.
Les utilitaires, eux, poursuivirent sous l'emblème "LDV". LDV était essentiellement présent en Grande-Bretagne. Le Pilot et le Convoy furent vendus jusqu'en 2004. LDV profita du naufrage de Daewoo pour récupérer un projet mort-né de fourgon. Ce fut donc le Maxus, qui permit aux Pilot et Convoy d'enfin prendre leur retraite ! Racheté par l'oligarque Oleg Deripaska, qui fit faillite en 2009. SAIC attendit que LDV soit liquidé pour racheter son outillage et tout transférer en Chine. Aujourd'hui Maxus (devenu une marque) se porte plutôt bien. J'en ai d'ailleurs croisé un en Irlande.
Ce Daf 400 semble avoir été abandonné après un choc à l'avant. Vu que les ailes sont rouillées, ça ne présage rien de bon, au démontage des ailes...
C'est bien dommage, car il a du potentiel. Il pourrait faire un food truck de fish & chips ! Ca serait cohérent avec ses origines britanniques... Je ne comprends pas la tendance des food-trucks. Le marché est saturé.
Quel est le modèle économique ? Imaginez ces apprenti-entrepreneurs, devant leur banquier : "Bonjour, j'ai une super-idée ! Je vais lancer un food-truck qui vendra des burgers artisanaux. Et pour le côté "authentique", le véhicule sera un Citroën Type H !" Ma réaction, ça serait : "Attendez, je crois que j'ai déjà vu ça... Sur toutes les fichus place de toutes les grandes villes !" Mais vous avez des banquiers qui, eux, foncent.
Et forcément, il y en a qui se casse la figure. Sur internet, on voit des Type H transformés récemment à vendre.
Alors pourquoi ne pas faire autre chose ? Au lieu de burgers dans un Citroën Type H, pourquoi pas des fish & chips dans un Daf 400 ?
Alexandre Braud avait créé une entreprise de moissonneuse-batteuse, à Ancenis. Son fils, Marcel Braud, voulait se diversifier dans les engins de TP. Le 5 août 1944, les Américains étaient aux portes d'Ancenis. Mais il y avait des chars nazis. Braud fils voulu les disperser avec son fusil. Il fut abattu sous le yeux de son fils, également prénommé Marcel.
Sa veuve, Renée Braud, réalisa son rêve. Elle s'associa à Henri Faucheux et la société devint Braud & Faucheux. En 1957, Faucheux développa un chariot-élévateur tout terrain. Idéal pour la manutention sur des chantiers ou sur un terrain meuble (massif forestier, champ labouré...) L'idée était simple : un tracteur inversé, avec un mat de levage. Il est baptisé "Manitou". Un jeu de de mot entre "manie tout" et un manitou. Bientôt, il prit le pas sur les autres produits de la marque.
En 1971, Braud fils prit les rênes de l'entreprise. Il passa un accord de distribution des chariots-élévateurs Toyota (qui auraient été dessinés par Alain Clénet.) En 1981, il renomma la société Manitou. Il s'étendit à l'international. Braud comprit que l'avenir, c'était les BRIC. Manitou fut l'un des premiers à s'implanter en Chine, au Brésil et plus récemment, en Inde. En parallèle, la gamme se développa avec des engins de levage. Manitou a fait face à des concurrents Japonais et Coréens en grossissant et surtout, en se spécialisant dans une niche.
Ici, c'est donc un chariot-élévateur du début des années 80. Pas sûr qu'il y ait beaucoup d'amateurs d'engins de manutention vintage...
Manitou est une société discrète. Certains se souviennent qu'à la fin des années 90, elle a sponsorisée le Nantais David Terrien en FF, puis en F3.
La famille Braud possède encore les deux tiers du capital. Jacqueline Himsworth, la sœur de Marcel Braud fils, siège au conseil d'administration. C'est une entreprise Française, présente internationalement, avec un vrai savoir-faire.
Seulement voilà, les engins de levage, ce n'est pas très glamour. Pour ne pas dire politiquement incorrect. Ancenis, c'est au milieu des champs. Alors personne n'en parle jamais, à part L'usine nouvelle. Et ce dédain, voir ce mépris, est bien dommage.
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