Emira Unboxed
Lotus tient à son image de constructeur "popu" de voitures de sport. Donc présentation en plein air, avec des tentes et des bottes de pailles sur la piste d'essai d'Hethel. Et l'on imagine que hors champ, il y avait un food-truck servant des fish & chips et de la lager.
De même Lotus a voulu une e-présentation grand public, diffusée sur YouTube. Andy Jaye de Three men four wheels et Helen Stanley de Goblin Works Garage assurent la présentation.
L'Emira portant le nom de code 131, ils ont réuni 131 fans, à travers le monde, via Zoom.
Le show aura duré une heure, mais le rythme était plutôt soutenu. Par contre, Andy Jaye eu un grand moment de solitude, alors que des trombes d'eau s'abattirent sur le circuit. En prime, son oreillette est tombée en panne. On a pu ressentir sa détresse, alors que le compteur lui indiquait qu'il devait encore tenir 15 minutes...
Made in Hethel
Lotus est dans une stratégie de conquête. Il se doit de se présenter à des clients potentiels qui sont souvent des profanes.
D'où une brève vue du Norfolk, avant de zoomer sur Hethel.
Avec un plan sur le Norwich FC. Ces deux dernières décennies, le club a alterné promotions en Premier League et relégations en English Football League, avec un soutien de Lotus également en yoyo. Vainqueur de la saison d'English Football League 2020-2021, Norwich retrouve la Premier League. Lotus devient son sponsor principal et le maillot devrait posséder un gros logo au centre. Avis aux amateurs...
Lotus Cars a connu une véritable mutation industrielle ces trois dernières années. C'est la mise en pratique du plan Vision80. Geely compte faire du volume avec l'Emira. La nouvelle GT doit se vendre davantage que les Elise, Exige et Evora cumulées. Et aussi, avec davantage de soin.
En conséquence, certaines entités présentes dans l'usine (Lotus Enginering, mais aussi le show-room) ont été déménagées hors du bâtiment principal, voire hors d'Hethel. Puis Geely a mis 100 millions de livres (116 millions d'euros) pour remodeler entièrement l'outil de production.
Le tour de force, c'est que les travaux eurent lieu tranche par tranche. Dès que la dernière Elise/Exige/Evora quittait une zone, la dite-zone était immédiatement en travaux. Ainsi, quelques mois seulement après la fin de production des Elise/Exige/Evora, l'Emira peut être produite dans une usine immaculé.
Lotus est particulièrement fier de ces convoyeurs autonomes. L'occasion d'apercevoir l'Emira en petite tenue...
Une Emira bleue très avancée. Est-ce celle qui apparu lors de la présentation ?
Les Hommes de Lotus
Helen Stanley interview Barbara Garcia, responsable de l'industrialisation (son titre exact est responsable DES programmeS à industrialiser) et Hayley Wright, responsable de la fabrication.
Vers 2010, Lotus Cars avait du pas mal licencier. Depuis, le nombre de personnes travaillant à Hethel à doublé, d'après le constructeur (NDLA : difficile de faire des comparaisons précises, vu que la méthodologie de comptage a varié.) Les deux femmes sont face à une main d’œuvre composés de vétérans (passionnés, mais pas toujours au fait des exigences d'une production industrielle) et de nouveaux arrivants (qu'il faut former.)
L'objectif de Vision80, c'est aussi de produire des produits plus aboutis, capable de rivaliser avec les grands noms. Il faut donc définir où placer la barre.
Hethel est d'ailleurs un laboratoire. Car ensuite, Lotus devra porter ses standards sur la Wuhan Lotus Factory, en Chine. Sans oublier l'unité de production de l'Elise EV (Dieppe ? Un site bâti ex nihilo ?) Des sites où le constructeur partira avec une main d’œuvre complètement novice ; il est donc bien obligé de savoir ce qu'il attendra d'eux...
Seconde vague d'interview avec Mark Fullarlove, analyste développement des futurs véhicules et Ema Forster, responsable du marketing produit. Les mordus auront reconnu le décor : c'est le futur show-room de Lotus, à l'entrée du site. Son agencement sera imposé aux distributeurs de la marque, à travers le monde.
Depuis l'Exige V6 (2012), Lotus n'avait plus lancé de nouveau modèle. L'Emira est un modèle de conquête et le constructeur de devoir s'adapter aux nouveaux goûts des acheteurs. D'où cet écran central 10,25 pouces, les sièges électriques 4 axes, l'allumage automatique des phares et des essuies-glaces, le cruise control adaptatif, etc. Mais dans le même temps, il fallait tenir compte des attentes des puristes. De même, il fallait créer une voiture pour ceux qui l'utiliseront comme daily et ceux qui ne feront que des tours de piste à Castle Combe avec. Un sacré exercice d'équilibriste.
Matt Windle, directeur opérationnel, ferme la marche des interviews. Windle est arrivé chez Lotus n 1998. Il a gravi les échelons et est passé chez Tesla, avant de revenir. Il est donc à la fois un gardien du temple, mais aussi quelqu'un possédant le recul nécessaire.
Feng Qingfeng, PDG depuis 2018, brille par son absence. Il évident qu'il dénoterait dans cette ambiance britanico-britannique.
Héritage
Les toutes premières Lotus furent assemblées dans une remise attenante au pub tenu par le père de Colin Chapman. Le premier vrai atelier fut Hornsey. En 1957, Lotus dévoila l'Elite, sa première vraie voiture de route. Dépassé par le volume de commandes, le constructeur déménagea à Cheshunt. La production de l'Elite démarra enfin, en 1959. Cheshunt ne faisait que de l'assemblage final. Comme nombre d'artisans contemporains, Lotus sous-traitait largement.
Colin Chapman avait conscience que pour que Lotus prenne de l'ampleur, il devait proposer des véhicules bien finis. Cela impliquait notamment un meilleur outil industriel. D'où un nouveau déménagement à Hethel. C'est là que l'Elan y fut produite, à partir de 1966.
Environ 12 000 Elan furent construites, un beau succès à l'échelle du Lotus des années 60.
Tourner la page de l'Elan fut laborieux, mais en 1976, la fusée Lotus passa à son second étage, avec l'Esprit. Conçu avec un V8, elle dut se contenter d'un 4 cylindres à son lancement. L'ajout d'un turbo, en 1980, permit d'approcher davantage les performances visées.
Il s'agissait ici d'un exemplaire ex-Colin Chapman, sa toute dernière Lotus de fonction.
La commentatrice souligna la belle carrière cinématographique de l'Esprit : l'Espion qui m'aimait, Bon baisers de Russie, Pretty woman, Basic instinct...
Les années 90 furent une période compliquée pour les constructeurs de voitures de sport. Même Porsche gita. L'Elise fut créée durant la brève période où Bugatti fut propriétaire de Lotus. Sans l'Elise, nul doute qu'à l'instar de De Tomaso, Vector ou Venturi, la marque n'aurait pas atteint le XXIe siècle...
Le Ford DFV a eu du mal à se réveiller, d'où une chronologie chamboulée... Puis le bloc Ford chante à plein poumons et cette Lotus 72 fait son entrée. C'était l'apogée de Lotus en F1. Adrian Newey l'adore. Il admire également l'instinct de Colin Chapman, qui avait compris qu'un nez en pointe améliorait le flux d'air, que les radiateurs latéraux permettait d'équilibrer les masses et l'aileron arrière devait permettre un meilleur écoulement. Chapman eu d'ailleurs l'idée d'un compromis entre les ailerons suspendus d'alors et les ailerons plaqués sur le moteur des premières 72, pour mieux canaliser les flux. Sachant que les premiers essais en soufflerie n'arrivèrent que quelques années plus tard. Et il fallu attendre encore une décennie pour voir un ordinateur dans les bureaux d'études...
La gamme sortante, avec l'Elise Final Edition. L'Elise permit à Lotus de sortir de l'ornière des années 90 et même de s'imposer comme sous-traitant de luxe dans les années 2000 (cf. les Opel Speedster, Tesla Roadster...) Elle permit également de renouveler le paradigme, de rajeunir la clientèle, de lancer Lotus sur le marchés des courses de club et autres track days.
Mais elle a fini par vampiriser la marque. Lotus a plus de 70 ans et l'Elise n'aura été là que durant un quart de siècle. Pourtant, plus de la moitié des 100 000 Lotus jamais produites furent des Elise !
C'est également la fin pour l'Exige S, alias Exige V6. Présentée en 2010, mais produite seulement deux ans plus tard, l'Exige S souffrit du chaos post-Dany Bahar. Plus performante que l'Evora, elle fut sacrifiée auprès de cette dernière, suivant une logique assez absurde.
Après des années de monoculture Elise, Lotus tenta de remonter en gamme avec l'Evora. Visiblement, elle a servi de brouillon à l'Emira, qui en reprend les cotes à deux centimètres près ! Le gros point noir de l'Evora, c'était un poids de 1 450kg pour "seulement" 280ch ; un sacrilège pour les puristes. Le constructeur n'eut de cesse d'alléger la voiture et d'augmenter la puissance du V6 Toyota (l'Exige S ayant à chaque fois une évolution de retard.) Mais le mal était fait.
Lotus a-t-il compris la leçon pour l'Emira ?
Lorsque Geely prit le contrôle de Proton, donc de Lotus, en 2017, le bureau d'étude était en friche. L'Evija, dévoilée fin 2019, avait de nombreux buts. Elle devait d'une part concrétiser l'arrivée de Geely et le plan Vision80, autrement dit : "Nous, contrairement à Dany B., on dit ce que l'on fait et l'on fait ce que l'on dit." Qui plus est, elle devait annoncer le futur de la marque : poursuite de la montée en gamme et électrification.
Entre le Covid et l'arrivée de l'Emira, le développement de l'Evija (dont la production sera limitée à 130 unités) a été mise de coté. Néanmoins, nous a-t-on juré, dans six mois, la production démarrera...
Enfin...
Après 39 minutes d'attente, l'Emira apparut. Shocking : cet exemplaire de pré-série possède un volant à gauche !
Ce sera a priori la dernière Lotus à moteur thermique. Le V6 3,5l Toyota 2GR-FE des Evora et Exige S reste, en version 400ch. Il est épaulé par un 4 cylindres 2l turbo AMG M139 360ch. Avec 1 400kg, l'Emira est au niveau d'une Evora S : 0-100km/h en 4,4 secondes et 290km/h en pointe. Le tout pour 72 000 €.
Néanmoins, entre les lignes, Lotus nous promet très rapidement des versions plus radicales...
Personnellement, je suis un peu étonné des mouvements de caisse, avec un vrai plongeon de l'avant sur les freinages et un roulis excessif au freinage. On mettra cela sur le fait que c'était un exemplaire de pré-série. Donc probablement bricolé, y compris au niveau des amortisseurs.
La noire n'a fait que passer devant les tribunes. Un second exemplaire, sans doute mieux fini (et à conduite à droite), sort de sa boite pour quelques mètres jusqu'aux caméras...
Le style est inspiré de l'Evija, reprenant notamment ses larges entrées et sorties d'air. Personnellement, j'y vois une Evora modernisée, surtout de profil : vitre de custode, emplacement et forme de l'écope latérale, coke contour à mi-portière... Par contre, le bouclier me rappelle plutôt les Elise et Exige S.
Russell Carr, le directeur du design, évoqua une "petite supercar", un élément de langage visiblement défini par le service marketing et partagé par plusieurs intervenants... Et c'était d'ailleurs peu ou proue le terme employé pour définir l'Evora S.
La pression était maximale, car il fallait plaire au plus grand nombre. Car jusqu'en 2025 et l'Elise EV, l'Emira sera l'unique voiture de sport de la marque...
C'était un Russell Carr complètement épuisé qui arrivait sur scène. A son arrivée, en 2014, la Type 131 était un projet quasiment au point mort. Une grande sœur de l'Evora, très exclusive, pour laquelle le constructeur cherchait un V8. Puis, en pleine Tesla-mania, la Type 131 devait être une électrique. Puis Geely débarqua et la Type 131 devint une GT thermique destinée à un public relativement large. Tandis qu'il fallu lancer cette 130 (dérivée du projet d'ex-future GT électrique ?), la future Evija...
Russell Carr reconnu qu'il n'a pas eu de vrai nuit de sommeil depuis 2 ans et demi ! L'Emira est la première grande nouveauté de Lotus depuis l'Exige S. Or, Geely ne compte pas patienter 10 ans pour un prochain modèle ! Il y a l'Elise EV (2025) et le futur SUV (2022 ? 2023 ?) Russell Carr ne pourra pas s'endormir, au propre, comme au figuré !
L'ex-champion du monde de F1 n'était pas présent par hasard. Lotus Engineering prépare les buggys de son équipe JBXE, en Extreme E. De plus, Lotus est partenaire du projet Radford, dont il est partenaire. La Project 62 (inspirée par une Lotus de compétition des années 60) sera d'ailleurs basée sur l'Emira.
En véritable pro de la communication, Button apportait son sourire et son enthousiasme.
Dommage que Lotus ait couvert le bruit de moteur pour une guitare électrique digne d'un Turbo des années 90...
Quoi qu'il en soit, Lotus vient d'ouvrir un nouveau chapitre de son histoire. Espérons que c'est le début d'une ère de prospérité à Hethel.
(Captures d'écran de Lotus.)
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