Trading Paint

John Travolta, dans un mix de Jour de Tonnerre et de Driven. Je n'en attendais pas grand chose et c'est finalement une plutôt bonne surprise.

 

C'est une production Saban Entertainment. Haïm Saban a eu plusieurs vies. Gamin d'Alexandrie, sa famille dut fuir en Israël, en 1956. Mauvais élève, il tenta une carrière comme musicien de rock. Le voilà à Paris, dans les années 70. Les télévisions commencent à diffuser des séries Américaines et des dessins animés Japonais ; il leur faux des génériques en français. Les Disques Saban produisirent à la chaine, avec des chanteurs amateurs. Starsky & Hutch, l'Inspecteur Gadget, Goldorak, etc. c'est lui ! Le Club Dorothée faisait réaliser ses génériques par ses animateurs, Saban parti alors aux Etats-Unis, où il devint producteur. Après des années de galère, il imposa les Power Rangers. Il prit du recul, vendant des parts à Fox, puis à Disney. Mais pas question de retraite ! En 2014, il lança ainsi Saban Films.

Haïm Saban a toujours été davantage un commerçant qu'un artiste. Il a bien compris que les plateformes de VOD allaient avoir besoin de contenu. Il tourne donc à la chaine des séries B. L'astuce N°1, c'est d'embaucher des comédiens connus du grand public, mais passé de mode à Hollywood. L'astuce N°2, ce sont des titres en deux mots, pour être plus facile à identifier dans les moteurs de recherche. D'où ce Trading Paint, tourné en 2019 par le yesman Karzan Kader.


Bienvenue à Talladega, non pas sur le célèbre Speedway, mais au Talladega Short Track. C'est sur cette piste de terre battue que s'affronte des amateurs, au volant de Late Models. Trading Paint insiste bien là-dessus : ils courent par passion et non pour la célébrité, une quelconque carrière ou même l'argent. D'ailleurs, les primes en cas de victoires couvrent à peine les frais.


C'est ces Etats-Unis des petites villes, pas tout à fait rural, ni citadin pour autant. D'où une action plus lente et des plans plus fixes, pour faire ressortir cette impression d'un temps qui s'écoule lentement.

On suit Sam Munroe, garagiste la semaine et pilote, le week-end. Vieille gloire, il aimerait passer le témoin à son fils Cam. Veuf, Sam essaye également de bâtir une relation avec Becca.

Gary Gerani avait écrit la première mouture du scénario dans les années 80. Voilà pourquoi Sam avait offert une Mustang Boss 302 de 1970 à sa femme. Cela explique aussi l'absence de téléphones portables, d'ordinateurs, etc. à l'écran.

Craig R. Welch a été chargé de la mise à jour. Apparemment, quelqu'un (Haïm Saban ? John Travolta ?) s'est plaint que le scénario était trop "noir". Cam -homme marié- devait y avoir une aventure avec la fille de Linsky (l'ennemi-intime de Sam), avant de mourir lors d'un accident.
D'où un dernier quart du film un peu bricolé, avec de long monologues (pour remplacer les scènes disparues) et un happy-end tombant de nul part.


John Travolta est Sam Munroe et c'est la grosse erreur de casting. John Travolta, c'est un acteur jovial, volontiers cabot. De La fièvre du samedi soir à Pulp Fiction, il DOIT crever l'écran. Un minet devenu un vieux beau. 

Or, ici, on lui demande de jouer un vieux taiseux, aussi économe en gestes qu'en émotions et en mots. On n'y croit pas. En prime, dans plusieurs scènes, alors qu'il commence à cabotiner, il se rappelle qu'il joue Sam Munroe et il se referme. A se demander pourquoi Karzan Kader a gardé la prise.

Toby Sebastian est Cam Munroe, héritier de plusieurs générations de pilotes. Cam Munroe souhaite prendre le large, mais au premier pépin, il file chez son père, qui est également son meilleur ami. Surtout, il n'est pas au niveau. Pour payer la carrière du rejeton, Sam doit revendre à contrecœur la fameuse Mustang Boss 302... Et quelques mois après la sortie du film, Jean Alesi revendait sa Ferrari F40, afin de financer la carrière de Giuliano...


Shania Twain est Becca, businesswoman de la ville devenue prof à Talladega. Un personnage rajouté par Craig R. Welch.

Shania Twain, c'était l'interprète de You're still the one ou Man! I feel like a woman. Passée de mode, elle a quelques rôles, ici et là. Une actrice non-professionnel, pour un rôle écrit à la va-vite, c'était compliqué et c'est un beau ratage.

Avantage d'employer des chanteurs : ils peuvent s'occuper de la BO. Toby Sebastian et Shania Twain se chargent donc de la musique. 

Michael Madsen est Linsky, l'éternel rival de Sam Munroe. Concessionnaire Ford à la ville, il possède son propre clan, avec sa femme et sa fille. Comme dans At any price, le "méchant" n'en est pas vraiment un, ce n'est qu'une question de perspective.

Michael Madsen joue très bien le caïd de bac à sable, qui déambule avec un chapeau de cow-boy aux couleurs de Ford. Karzan Kader filme bien le rapport complexe avec Sam Munroe : après des années à s'affronter en piste et à travailler ensemble (Sam remorquant des voitures chez Linsky), ils sont un peu amis, malgré tout.


En définitive, c'est un film avec une trame plus riche et plus originale qu'il n'y parait. L'occasion de passer un bon moment.

(Captures d'écrans de Saban Films.)

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