Tour Auto 2021 : Aguttes

Suite de mes aventures du Tour Auto 2021. Pour la première fois, la maison Aguttes organisait une vente aux enchères, durant l'exhibition du Grand Palais. 34 lots dont des voitures, mais aussi des bouteilles de Château Petrus, des coloriages et un épée créée par Jan Fabre (oui, le metteur en scène !) Bref, un travail de sélection d'Aguttes...

La doyenne est l'une des premières Bentley 3 Litres. C'est même l'une des premières Bentley tout court vu qu'elle est sorti d'usine en 1922. Soit 3 ans après la fondation de l'usine. La 3 Litres fut le modèle qui lança vraiment Bentley. Le modèle fut perfectionné au fil des ans. En 1925, Woolf Barnato (surnommé ironiquement "Babe" car il n'avait pas vraiment une carrure de poupée...) en acheta une. Il allait s'imposer quatre fois au Mans avec.
Cette voiture fut carrossée chez Wilton. Apparemment, dans les années 50, la carrosserie était en mauvais état. Un propriétaire possédait également une 3 Litres, carrossée chez Harrison, au châssis irréparable. "Notre" 3 Litres reçut donc la carrosserie Harrison. A l'époque, c'était perçu comme une restauration de qualité !

Elle est partie pour 230 460€.

A ses côtés, la plus récente : une Mercedes-Benz SLR McLaren de 2007.

La SLR fut stratégique à la fois pour Mercedes-Benz et pour McLaren.
Au milieu des années 90, la firme à l'étoile souhaitait descendre en gamme. Avec clairvoyance, Jürgen Schrempp pensait que pour mieux "vendre" le logo sur la calandre, il fallait consolider le haut de gamme. D'où la Maybach. En 1991, Mercedes-Benz avait déjà songé à une supercar, la C112 (une Sauber-Mercedes-Benz C11 à peine civilisée.) Mais avec la crise économique, il avait rebroussé chemin. Le succès d'estime de la CLK GTR l'incita à poursuivre l'aventure. Malgré le fiasco de la CLR des 24 Heures du Mans 1999. Le nom "SLR" semblait marqué une certaine filiation avec les CLK GTR/CLR. Bien que par prudence, Mercedes-Benz ait opté pour un gros coupé à moteur avant. La SLS AMG fut plus radicale.
Dans les années 90, Mercedes-Benz cherchait également à développer un écosystème de marques partenaires : MCC/Smart, AMG, Maybach et McLaren. McLaren était alors son partenaire en F1. Le constructeur avait développé une supercar, la F1, qui avait connu un demi-succès. La firme à l'étoile le sollicita pour développer et assembler la SLR. Gordon Murray en signa le dessin. L'atelier de la F1 (NDLA : la supercar) était insuffisant pour une production en moyenne série. Les Allemands financèrent la construction d'une vraie usine.
La SLR paya sans doute sa timidité (et le manque d'expérience des deux partenaires dans les supercars), avec 2 157 unités vendues en 8 ans. Pour la SLS, Mercedes-Benz se tourna vers AMG. Quant à McLaren, il profita de son outil industriel et de son savoir-faire pour devenir constructeur à part entière...

Cet exemplaire date donc de 2007 ; alors que Mercedes-Benz avait déjà annoncé l'arrêt prochain du modèle. Helène Pastor l'offrit à son fils, Gildo Pallanca-Pastor. Il la céda en 2011. La voiture fut adjugée pour 208 040€.

Toutes les Porsche 356 cabriolet ne sont pas des Speedster ! Ce dernier était jugé trop spartiate, Porsche fit créer une 356 cabriolet, sportif mais plus confortable. Faute de capacité interne, la production fut sous-traitée à Drauz, un carrossier d'Heilbronn. D'où le nom de cabriolet "D". Il y eu des 356 A, en 1958, puis des 356 B D, en 1959. Apparemment, la collaboration avec Porsche stoppa en 1960 ; Drauz commença alors à produire des NSU Sport Prinz. Il fut d'ailleurs racheté par NSU, en 1965. C'est sur l'ancien site de Drauz d'Heilbronn, rasé puis rebâti, qu'Audi produit ses R8.

L'exemplaire du jour est "fédéralisé" (phare verticaux, pare-choc différent) et pour cause : il fut vendu à un GI stationné en Allemagne, en 1959.
La voiture est partie pour 242 260€.

La plus désirable de la vente, c'est cette Ferrari 250 GT SWB Competizone. Cette année, la 250 GT est d'ailleurs à l'honneur pour le Tour Auto. Vu que l'on fête les 60 ans de sa victoire en "Grand Tourisme" (la Jaguar Mk2 de Bernard Consten s'étant imposé en "Tourisme".)

La 250 GT SWB marqua un tournant dans l'histoire de Ferrari : ce fut la première voiture produite en moyenne série.
Ferrari débuta par la compétition. A l'occasion, il construisait des voitures de route. Sachant que pour certaines épreuves, il fallait que le véhicule soit homologué "route". Il y eu donc des voitures civiles qui furent d'emblée engagée en compétition. A contrario, une fois obsolètes, des voitures de course furent "civilisées". De plus en plus souvent, des clients réclamaient une voiture vraiment destinées à la route. L'un des premiers exemples fut la 375 MM carrossées par Ghia, en 1955. Mais c'était toujours du sur-mesure.
Enzo Ferrari avait anticipé l'escalade des budgets des années 60. La course allait couter toujours plus cher et faute de sponsor, il fallait vendre davantage de voitures, au-delà des cercles de gentlemen-drivers. On voit une progression avec la 250 : 250 S, 250 GT, 250 GT "Tour de France", 250 GT Berlinetta (dite "intérim") et enfin 250 GT SWB "Lusso", en 1959. A chaque étape, on allait vers des véhicules de route plus abouties et produits en davantage de volumes. Giotto Bizzarrini, Carlo Chiti et Mauro Forghieri furent responsables de la conception de cette première vraie Ferrari de route. Avec le V12 "Colombo" en configuration 3,0l.

Ici, on a une "Lusso" de 1962, transformée en "Competizione" en 2013. Du moins, pendant 3 ans, la voiture fut à la fois restaurée et transformée. On est donc presque sur une restomod. Pourtant, elle a été vendue à 876 360€.

Une Mercedes 300SL Roadster. Propriété d'un "humoriste et acteur Français" (Elie Seimoun ? Philippe Chevalier ?), elle n'a pas été vendue.

La Renault 5 domina le marché Français des citadines pendant une décennie. Mais lorsque la Peugeot 205 débarqua, les ventes de R5 fondirent comme neige au soleil. En concession, on souquait ferme, malgré la Lauréate. Autant dire qu'à l'arrivée de la Supercinq, fin 1984, la R5 fut envoyée aussi sec au cimetière (alors que la 104 cohabita cinq ans avec la 205.)
Par contre, la R5 Alpine Turbo fit du rab'. La voiture se mettant compétitive en rallye. Champion de France de rallye 1984, Jean Ragnotti remporta le Tour de Corse 1985 avec. Joaquim Moutinho fermant le palmarès mondial avec le TAP 1986. Au niveau hexagonal, François Chatriot, déjà champion de France 1985, doublait la mise en 1986. Jusqu'au bout de la réglementation Groupe B, d'ailleurs, Renault Sport, Alpine et Heuliez fabriquaient encore des châssis. C'est le cas de la voiture d'Aguttes, sortie de chaine n 1986.

L'an dernier, Ferry a transformé cette voiture avec une préparation FIA VHC moderne et un aspect de R5 "Cévennes". Elle est parti pour 107 740€, soit un poil plus que l'estimation haute.

Le bilan de la vente fut moyen. 7 ventes sur 8, certes, mais des cotes généralement en-deça de l'estimation haute. L'exception, c'est cette 2cv 6 Charleston, adjugée 141 960€, alors qu'Aguttes en espérait au mieux 70 000€.

La somme déboursée par l'acheteur est complètement déconnectée des critères habituels d'exclusivité, de pédigrée, etc.

Non-inscrite au catalogue, la Rolls-Royce "Jules" du Paris-Dakar 1981.

Dans les années 70, les parfumeurs pensaient que le nouvel eldorado, ça sera les hommes. La nouvelle génération de cadres urbains voulait sentir bon et avoir une peau douce. Et pour se faire connaitre auprès des hommes, il fallait faire dans le viril : le sport auto. Yardley, Fabergé et Denim se lancèrent ainsi dans le sponsoring.
Les frères Willot, eux, firent fortune avec les couches Peaudouce. En 1978, ils s'offrirent le groupe Boussac, dont la marque Christian Dior. Dior allait bientôt lancer un parfum pour hommes, Jules. Pour le promouvoir, ils allaient donc sponsoriser des voitures.

Thierry de Montcorgé avait construit et piloté plusieurs buggys. Il souhaitait disputer le Dakar. Mais pour "Jules", Dior voulait du grandiose, de l'exceptionnel, pas un simple buggy ! Thierry de Montcorgé eu alors une idée : piloter une Rolls-Royce ! S'est-il inspiré de la Silver-Shadow du Londres-Sydney 1970 ? Dior débloqua les fonds.
Jean-Christophe Pelletier (futur "P" de NPO et proche du pilote) possédait justement une Corniche. Pas question d'aller dans le sable avec. La Rolls-Royce "Jules" était en fait un Toyota Land Cruiser avec un V8 de Corvette. La carrosserie, en fibre de verre, fut moulée sur la voiture de Pelletier.
En plus, Thierry de Montcorgé est un homonyme de Jean Gabin (dont le vrai nom est Montcorgé.) La rumeur courrait qu le fils de Jean Gabin allait courir le Dakar en Rolls-Royce ! L'intéressé ne fit pas grand chose pour dissiper le quiproquo... La voiture alla jusqu'à Dakar, mais non-classé, car hors-délais.

Peu après, "Jules" sponsorisa la Porsche 936 de Jacky Ickx et Derek Bell. Voiture qui allait remporter les 24 Heures du Mans. Mais les Willot eurent les yeux plus gros que le ventre. Le groupe fit naufrage, accusant François Mitterrand de les avoir torpillé. Devenue Financière Agache, le groupe s'est réorganisé et un proche de Laurent Fabius, Bernard Arnault, en prenait les commandes, en 1984...
Quant à Thierry de Montcorgé, il reçu un courrier de Rolls-Royce l'indiquant qu'il avait illégalement utilisé leur nom et leur logo. Mais en plein rachat par Vickers, le constructeur n'avait pas les moyens de faire un procès. Le pilote disputa le Paris-Dakar 1985 avec un 6-roues de sa conception, également sponsorisé par Jules !

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