Aguttes - la vente d'été

Aguttes a organisé une nouvelle vente saisonnière. 100 lots dispersés. Au préalable, il étaient exposés au Pavillon Charenton.

J'adore les voitures anciennes. Néanmoins, lorsque j'ai vu l'annonce de cette vente, j'ai eu la flemme. Puis je me suis dit : "C'est à 15 minutes de chez toi ! Charité bien ordonnée commence par soi-même. Tu t'es assez moqué de ceux qui ne se déplacent jamais nul part !"

L'extérieur du Pavillon Charenton ne paye pas de mine. Quant à ce couloir tapissé de formica... Mais au bout, c'était une vraie caverne d'Ali Baba !

J'ai été accueilli par une tête connue : la Pichon-Parat Dolomites 1955, vue il y a quelques mois au Tour Auto.


Cette Lancia Ardennes est née à quelques kilomètres de là, dans le port de Bonneuil. Après la crise de 1929, la France décida des mesures protectionnistes, notamment de surtaxer les voitures importées. Lancia contourna l'interdit en ouvrant un atelier d'assemblage dans le Val de Marne. Les puristes parlent de "Lancia-Bonneuil". Sauf erreur, ce fut la seule grande activité d'assemblage de Lancia hors d'Italie.
Certains modèles furent renommées. Tel l'Aprilia, devenant Ardennes. En théorie, les ouvriers jouaient surtout de la clef Allen, mais il y eu de l'inédit, comme cette carrosserie signée Marcel Pourtout, en 1937.

Quelques années auparavant, Pourtout avait rencontré un dentiste, designer à ses heures perdues : Georges Paulin. En 1931, Paulin avait inventé un toit rétractable rigide, dit Eclipse. En 1934, ils adaptèrent le système sur des Lancia-Bonneuil Belna. Sans succès. Puis Pourtout et Paulin contactèrent Peugeot (via Emile Darl'Mat.) Cette fois, ils eurent l'idée de motoriser le système Eclipse. La suite, on la connait...

Au lendemain de la Première Guerre Mondiale, l'état Français voulu motoriser le pays. L'état créa une niche, de voiture de moins de 1l et de moins de 350kg, avec une fiscalité réduite. Rapidement, nombre de d'artisans (du bricoleur à l'ingénieur) construisirent des voitures de courses de poche. Les cyclecars furent ainsi les ancêtres à la fois des F3 et du GT4.
Louis-Auguste Antony était l'un d'eux. Cette Bergamote porte le numéro de châssis "39". Sachant que ce n'est pas sa dernière production, on peut estimer qu'il construisit une cinquantaine de voitures.

La fiscalité spéciale fut très brève. Beaucoup de bricoleurs n'avaient les moyens que pour assembler une, voire deux voitures. Quelques gros artisans (ABC, BNC et surtout Amilcar) émergèrent à la fin des années 20, proposant du clef-en-main. Puis la MG Midget débarqua, offrant un voiture de sport aboutie aux gentlemen-drivers. Au début des années 30, les cyclecars étaient mortes.



Croiser une Delahaye, ce n'est pas courant, alors trois...

La grande époque de Michel Vaillant, ce fut les années 70-80. Jean Graton profita de son carnet d'adresse pour intégrer de vrais lieux, de vraies voitures, de vraies pilotes et quelques "off" de paddock. La série s'intéressa à des disciplines émergentes : DRM, Dakar, F3... L'action n'était plus forcément centrée autour du personnage-titre. Chaque BD était donc quasiment un documentaire sur le sport auto.

Beaucoup de futurs mécanos, pilotes, team-managers, etc. se passionnèrent pour l'auto grâce à Michel Vaillant. Devenus grands, ils voulurent rendre hommage à la BD. Il y eu ainsi la Courage "Vaillante" des 24 Heures du Mans 1997, la série limitée (pour la Belgique) Honda Civic Vaillante en 1998 (reprise en 2016), la Seat Ibiza Cupra Vaillante du salon de Genève 2006, la Chevrolet Cruze "Vaillante" WTCC (2012), etc.
Christophe Collaro senti sans doute qu'il fallait battre le fer pendant qu'il était chaud. Pendant une vingtaine d'années, il organisa des courses réservées aux célébrités. En 1999, il fit transformer une quinzaine de berlinettes Hommell en Vaillante Grand Défi. Le travail fut réalisé par AC3 (Atelier Création Concept Composite), une société Niçoise créée pour l'occasion.
Apparemment, Michel Hommell n'aurait pas été consulté et il vit l'initiative d'un mauvais œil. Cela expliqua sans doute pourquoi les Vaillante Grand Défi rentrèrent vite aux stands... Par contre, côté Michel Vaillant, on était enthousiaste. Vanina Ickx (dont le père fut le premier vrai pilote intégré à la série) posa aux côtés de la voiture. On vit même une Grand Défi dans l'oubliable film de 2003...

Fiat 600 ? Seat 600 ? Zastava 750 ? Pas du tout : il s'agit d'une Neckar Jagst !

En 1929, NSU, lessivé, du revendre sa branche automobile à Fiat, ne gardant que les motos. NSU-Fiat fut le pendant de Simca en Allemagne. Ce qui ne l'empêcha pas de financer les travaux de Ferdinand Porsche pour la future Coccinelle...
25 ans plus tard, NSU annonçait son retour à l'auto. Fiat se battit pour conserver les droits du nom "NSU", mais le juge allemand jugea l'accord de 1929 caduc. En conséquence, l'ex-NSU-Fiat prit le nom de Neckar.
Neckar poursuivit les Fiat rebadgées, comme cette 600/Jagst. Mais avec 25 000 unités par an, Neckar n'arrivait pas à exister face à la Coccinelle. Au début des années 60, Neckar tenta un repositionnement sportifs, avec des OSI rebadgées. Les voitures furent même vendues en France, via le réseau André Chardonnet. Mais dans une Europe sans frontières commerciales, Fiat préféra rayonner depuis l'Italie. Neckar fut donc sacrifié.

Difficile de ne pas repartir avec une ! Surtout que les prix des popus étaient attractifs. Cette Panhard PL17 B de 1965 (l'un des dernières produites, donc), était mise à prix à seulement 800€. 

Aguttes précisait que c'était juste une banque d'organes potentielle. Ils avaient le mérite de l'honnêteté.

C'était un beau cas d'école. Pour le néophyte, il faudrait juste poncer un peu la carrosserie, mettre de nouvelles baguettes sur les portes et voilà, non ? Non ?
La première alerte, c'était le bas de caisse arrière droite en dentelle. Je vous aurais mis mon billet que derrière l'aile arrière droite, il n'y avait plus que de la rouille !
Et puis, il y avait ce méchant choc côté droit. Un choc non-traité (donc rouillé.) Surtout, la portière côté gauche ne fermait plus. Ce qui signifie que très probablement, sous l'effet du choc, l'ensemble de la caisse s'est déformée. Un problème typique des anciennes : aujourd'hui, grâce aux aciers haute résistance, l’énergie de la collision est absorbée dans la zone à proximité. Ici, on avait donc une Panhard au châssis déformée. Donc inutilisable.

Une Peugeot 203 Pick-up de 1953. Une vraie bête de somme ! Nul doute que dans les campagnes reculées d'Afrique du Nord, on en trouve encore qui rendent service...

Sa rivale, une Simca Aronde Intendante de 1957. Le nom "Intendante" est déjà tout un programme ! On n'était pas là pour rigoler...

Il faut se replacer dans le contexte de l'époque. Ces artisans utilisaient jusque-là des Jeep bricolées, des utilitaires d'avant-guerre, voir des vélo-cargo ! Alors passer à un utilitaire moderne, c'était un sacré bond en avant...

Et puis, en matière de pick-up des années 50, vous aviez la version US : un Chevrolet Apache 3100 de 1957. Les pneus à flancs blancs, le V8 et les chromes sont d'origine. La climatisation était de série. Et ce n'était même pas la finition supérieure : au-dessus, il y avait le Cameo. Le 3100, c'était le châssis court. Sans oublier l'option 4RM semi-usine de NAPCO. Un énième exemple de l’opulence US.

Imaginez l'artisan, qui galérait à grimper les cotes, l'été, avec sa 203 pick-up. Il devait faire une drôle de tête en voyant que de l'autre côté de l'Atlantique, le moindre pick-up de base en offrait beaucoup plus, sans parler du look... Là, vous aviez toujours le prosélyte, qui débarquait : "Camarade, rejoint le Parti ! Le camarade Staline a fait tellement de belles choses en URSS... - T'es gentil, Paulo, mais je vais plutôt prendre le rêve Yankee, avec les pick-up V8 !"

J'aurais pu raconter des histoires sur chacune des cents voitures mises aux enchères. Il a fallu hélas faire des choix.

Pour finir, une Alpine A110 1600 de 1971 et une Matra Djet V S de 1965, parquées cote à cote.
La Djet représentait les débuts de Matra Automobiles. L'A110 1600 était l'ultime A110. Jean Rédélé avait vendu Alpine à Renault en 1969. Cette même année 1971, l'A310 sortait et c'était le début d'une très longue agonie, à Dieppe... L'année suivante, Matra remportait la première de ses trois victoires au Mans. L'A110 1600 remportait, elle, le championnat du monde des rallyes 1973, en guise de baroud d'honneur.

Et cinquante ans plus tard, que sont-elles devenues ? Le groupe Matra a été dépecé. Dans l'ex-bureau d'étude de Matra Auto, il n'en reste qu'une poignée de souvenirs. Alpine, en revanche, connait une nouvelle jeunesse. L'A110 EV et le SUV font grincer des dents, mais au moins, ils garantissent l'avenir de la marque. Et il y a la compétition, avec le WEC et la F1.

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