the Audi grandsphere concept unveiled

Après la Skysphere, Audi dévoile le second de ses trois concept-cars "sphere". Voici la Grandsphere, une grande berline électrique et autonome.

On est accueilli comme d'habitude par Henrik Wenders, le responsable d'Audi.

Avec ses rictus, on dirait un de ces personnages en début d'épisodes de Batman : the animated series. Il est à une catastrophe de devenir un super-méchant !

Pour ceux qui auraient manqué les précédents épisodes, Audi nous offre un pot-pourri des meilleures petites phrases de ses précédentes présentations.

Henrik Wenders nous attend devant le centre de design d'Audi, à Ingolstadt. Il y rencontre l'animateur-TV Steven Gätjen. Ils parlent de l'avenir, à coup de phrases un peu fumeuses et de concepts fourre-tout. A l'intérieur du bâtiment, ils rencontrent Marc Lichte, le directeur du design. Lichte accompagne Gätjen jusqu'au concept-cars, alignant lui aussi des termes un peu creux...

La Grandsphere est encore drapée. Hildegard Wortmann, représentante du marketing, prend le relais avec d'ultime considération sur le futur.

Enfin, après six minutes et demi de parlotes, la firme aux anneaux dévoile son concept...

Qui n'apparait au grand jour que quarante-cinq secondes plus tard !

L'attente était interminable et il y a de quoi être déçu. Le modérateur du chat supprime à la chaine les commentaires.

Parmi les médias, les plus acerbes y voient un clonage du design Mazda. En particulier la RX-Vision du salon de Tokyo 2015 et la Vision Coupé Concept du salon de Genève 2018.

Hildegard Wortmann réapparait pour le tour du propriétaire. Dans le futur, le voyage en voiture sera une "expérience". Évidemment, Audi sera un constructeur "responsable", avec une utilisation durable des ressources. A ce propos, le gag, c'est l'astérisque de dix lignes (en 5pts) qui apparait lorsque la responsable déclare que cs voitures seront "neutres en carbone"...

Notez les portes arrières suicide, un gimmick de designer. Ainsi, sur le plateau d'exposition, le visiteur peut découvrir l'ensemble de l'habitacle, sans montant central qui barre la vue.

Norbert Weber, responsable du design intérieur évoque l'habitacle de la Grandsphere. "Sphère" car c'est un cocon.
Elle proposera une conduite autonome de niveau 4. Le conducteur et le passager n'ont plus à se focaliser sur la route. Ils peuvent travailler ou se détendre. Et il est possible de faire les deux en même temps car chaque occupant aura son ambiance, son écran, etc.

Christina Zorn, responsable du marketing, évoque elle ce qui sera transposé sur les voitures de série.
Le groupe Volkswagen a créé CARIAD, sa start-up spécialisée dans les logiciels. Après les boutons des années 2000 (avec les tableaux de bord "Biactol"), puis les assistants vocaux, demain, on contrôlera sa voiture en faisant des gestes. Effectivement, avec les smartphones et certains écrans de présentation, on s'est habitué gérer ds fonctions du bout des doigts...

Puis, c'est le clip sur notre vie avec la Grandsphere.

C'est un futur assez angoissant qu'Audi dépeint.

Regardez ce couple, ils sont chacun dans leur coin, sans se regarder et ils passent leur temps à pianoter sur des écrans. Car même votre frigo ou votre machine à laver devient un écran !

Ils appellent leur Grandsphere. Elle sort toute seule de son parking et se gare sur le perron.

La Grandsphere souhaite la bienvenue à chacun des occupants. C'est le "priority boarding".

Et ensuite, chacun est donc dans sa bulle. Il participe à un meeting sur zoom, tandis qu'elle commande des espèces de sushi. Plus de communication, plus de partage. Et l'on fait à peine attention au décor.

Comme sur la Skysphere, il est possible de passer en mode "conduite". Le volant surgit alors de la planche de bord.

Avec 5,20m, la Skysphere était déjà très longue. La Grandsphere, elle, mesure 5,35m. Pourtant, c'est une biplace. Les places arrières n'étant que des places d'appoint.

Seuls sur la route, le couple arrive à un musée désert. Ils y sont accueillis par le conservateur, tandis que leur voiture part chercher une place.

Lorsque David Belliard parle de réserver l'automobile à des usages utilitaires, il a pour arrière-pensée les autres modes de transport. On pense notamment à la tirade de Léonore Moncond'huy sur l'avion. L'objectif des écologistes, c'est de barrer la route de la mobilité. Se déplacer, cela émet du CO2 et cela implique d'artificialiser les sols. La ville, vue par Stefano Boeri, ce sont de grands ensembles couverts d'arbres et ceinturés de forêts. Ces forêts ont un rôle de puits de carbone, mais elles servent également à enclaver les villes. De toute façon, votre immeuble sera à la fois un lieu de vie, de travail et de loisir. Alors pourquoi mettre le pied dehors ? Sale pollueur !
La France compte 39,3 millions de voitures. Nous ne possédons pas les capacités pour alimenter 39,3 millions de voitures électriques. L'arme de dissuasion massive, ça sera les taxes : sur l'achat de véhicules, sur l'énergie pour les propulser, des péages urbains, etc. Ce système favorise les plus riche. Au Danemark, où la vidéo a été tournée, le premium est surreprésenté. Audi est le deuxième constructeur, BMW le quatrième et Mercedes-Benz, le septième. Avec des parts de marchés de plus du double de leur part de marché française. 

Dans ce contexte, notre couple ferait parti des privilégiés. Et puisque rues et routes sont désertes, ils peuvent filer à deux dans un vaisseau de 5,35m de long...

L'Audi Skysphere se voulait un hommage aux années folles. Et si finalement, l'hommage n'était pas là où la firme aux anneaux l'attendait ?

Brève histoire socioéconomique. La seconde révolution industrielle consacrait le capitalisme privé. On vit apparaitre rapidement les premiers millionnaires. Dans un premier temps, cette nouvelle bourgeoisie singeait les codes de l'aristocratie. Puis elle définit ses propres règles, avec un soif de loisirs. Profitant du progrès technique, elle commandita l'Orient Express, les paquebots transatlantique et plus tard, les premiers avions de ligne. Dans les villes, elle fit bâtir des palaces, des restaurants, des théâtres... Les riches eurent également le gout du consumérisme. Non seulement ils stimulèrent l'habillement, la joaillerie ou l'horlogerie, mais ils imposèrent des modes changeantes. Il fallait donc renouveler fréquemment sa garde-robe ou son vaisselier.
En 1867, Karl Marx écrivit Le Capital. Il y décrivait des ouvriers parqués dans de lugubres cités ouvrières post-fouriéristes. Mais il y eu un "ruissèlement". Les premiers millionnaires étaient des industriels. Une partie de leurs bénéfices étaient investi dans le développement de l'activité, donc la création d'emplois. La fin du XIXe siècle fut aussi un ère d'alphabétisation de masse. Au fur et à mesure du progrès technique, il fallait des ouvriers spécialisés et des encadrants. D'où la création d'une classe moyenne. Avec le rêve que ses enfants ou ses petit-enfants puissent rejoindre l'élite.
A contrario, l'entre-deux guerres adouba le secteur tertiaire : conseil en entreprise, banque d'investissement, gestion de parcs immobiliers, lobbys... Des activités peu créatrices d'emploi. La crise de 1929 frappa l'industrie et l'agriculture. En revanche, la finance fut peu touchée. Au contraire, certains profitèrent du marasme pour spéculer. Les riches avaient peu d'empathies pour les malheurs des autres. Elle était dans une jouissance immédiate, égoïste et sans entrave. Marcel Proust décrivit bien mieux que moi ce nihilisme.

Dans les années 2010, il y avait cette idée que tout à chacun pouvait mener la vie des Kardashian. Grâce aux promotions sur Amazon, on pouvait acheter le dernier gadget. Avec EasyJet, on pouvait partir chaque week-end. Il fallait vivre des "expériences" et ne pas oublier de les partager sur Instagram.
Cette illusion est terminée. Demain, on sera cloitré chez soit. Et l'on regardera les riches par la fenêtre. Ce seront les seuls à avoir accès à l'espace extra-urbain. Et ils ne nous regarderont même pas, parce qu'ils auront les yeux fixés sur un écran.

Pour en revenir à Audi, il nous offre une séquence "next step". Après la Skysphere et la Grandsphere, le triptyque des "sphères" sera complet à Shanghai. Avec l'incontournable gros plan sur la tour Perle de l'Orient.

Voici donc l'Urbansphere.

Il sera intéressant de voir comment Audi tente de renouveler le concept de SUV.

De plus, les Skysphere et Grandsphere étaient l'exaltation d'un individualisme et d'un élitisme tout Européen. Comment est-ce que la firme aux anneaux pourra transposer son concept dans un pays où le destin collectif prime sur l'individu ?

La Skysphere, dessinée en Californie, voulait promouvoir un nouveau plaisir de rouler, cheveux aux vents. La Grandsphere, dessinée à Ingolstadt, propose davantage une vision dystopique. Cela rappelle cette scène de Wall-e avec des personnes affalées devant un écran, pour une croisière éternelle. On ne se parle plus, on ne se regarde plus et surtout, on ne lève pas les yeux de son écran.

(Captures d'écrans d'Audi.)

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