FAW-VW Jetta au 1/64e

Mon musée de l'automobile Chinoise au 1/64e ne cesse de prendre de l'ampleur ! Dernière acquisition : une FAW-VW Jetta. Une voiture qui représente le triomphe de la real-politik et du cynisme de l'Allemagne, face aux beaux discours Français...

Les premières voitures des joint-ventures avait très, très peu de pièces indigènes. Les caisses arrivaient déjà peintes, avec roues et transmission déposées. Les Chinois ne pouvaient donc pas choisir la couleur de leur voiture. Les SAIC-VW Santana étaient noires et les FAW-VW Jetta, blanches.

XCartoys a réalisé une FAW-VW Jetta blanche, mais elle est épuisée. J'ai donc du opter pour une copie. Elle est très détaillée, mais la qualité d'assemblage laisse à désirer.
Cela explique sans doute pourquoi le vendeur la suremballé. La miniature a été filmée, puis ils ont filmée la boite (en carton), qu'ils ont mis dans une boite (en plastique), avant de l'enrober de plusieurs épaisseurs de papier à bulle !

La première génération de nomenklaturiste Chinois était constituée d'anciens de la Longue Marche. Ils se sont mariés entre eux et leurs enfants formèrent la seconde génération de nomenklaturiste. Xi Jinping est ainsi le fils d'un Homme politique et de la porte-parole du ministère de l'éducation. Et bien sûr, ils étaient parachutés aux meilleurs postes.
Cela avait le don d'irriter les étudiants des Grandes Écoles Pékinoises, qui y voyaient un retour des passe-droits de la Chine féodale. Le népotisme impérial se conjuguait avec la gabegie et de la corruption. Les étudiants subodoraient -à raison- que les mêmes causes allaient produire les mêmes effets... Deng Xiaoping promit une vague commission d'enquête. Hu Yaobang, le progressiste secrétaire général du Parti, fut limogé en 1987 et il mourut, en 1989, dans des circonstances troubles.

Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Dans la nuit du 17 au 18 avril, les étudiants investirent la place Tienanmen, où se situe (entre autres) la présidence Chinoise. Le sit-in dura. Le 13 mai, Mikhail Gorbatchev débarqua à Pékin (un voyage prévu de longue date.) Les journalistes qui le suivaient filmèrent les protestations et restèrent sur place.

La France fit une série d'erreurs. La première fut d'imaginer que les dirigeants Chinois allaient négocier. Le Parti Communiste Chinois (PCC) était obsédé par la croissance économique. Il faut imaginer des manifestations d'étudiants de Centrale, l'ENA, Scien-Po, X, etc. : les futurs cerveaux de la Chine ; le PCC a besoin d'eux. Les dirigeants n'oseront jamais faire un massacre devant les caméras du monde entier : l'émoi de la Communauté International sera trop fort. Au pire, la France, en tant que partenaire occidental historique et premier partenaire économique de la Chine, pourra hausser le ton et mettre Pékin sous pression.

L'équation était très différente, vue de Chine.

Le premier cercle du PCC tremblait. Effectivement, ces jeunes, sous leurs fenêtres, étaient autant de futurs haut-fonctionnaires, politiciens, intellectuels, cadres dirigeants d'entreprises... Mao avait envoyé la génération précédentes au laogaï et désormais, la Chine manquait de cadre. Liquider les étudiants de 1989, c'était hypothéquer la Chine de l'an 2000.
D'un autre côté, en Chine, les manifestations sont aussi rares que violentes. Le risque -réel-, c'était que les étudiants ne débordent les gardes, puis forcent le parlement et le palais présidentiel. En ressortant avec des têtes au bout de piques.

Surtout, la manifestation était très pékino-pékinoise. Cela avait un côté Nuit Debout. Le mouvement ne prennait pas, hors de la capitale. Les ouvriers et paysans, ultra-majoritaires, ne se retrouvaient pas dans les slogans et les revendications. Pour eux, le problème, ce n'était pas le népotisme ou une corruption supposée. Il s'agissait plutôt d'avoir quelque chose à mettre dans son assiette et de s'assurer que son usine embaucherait toujours, le lendemain matin...
Aussi, il faut comprendre qu'en 1988, les quadragénaires avaient connu l’hallali du Guomidang, le Grand Bond en Avant, la Campagne des Cents Fleurs, la Révolution Culturelle, les luttes pour la successions de Mao et les Murs de la Démocratie. Autant d'épisodes sanglants, où les inquisiteurs du jour montèrent sur l’échafaud le lendemain. Certains n'avaient plus envie de voir le sang couler de nouveau. D'autres préféraient attendre l'issue, afin d'être d'accord avec le vainqueur.

La France, c'était effectivement le principal partenaire. Deng Xiaoping lui même aimait évoquer son exil, lorsqu'il fut ouvrier chez Hutchinson, puis Berliet. Pour autant, dès les années 70, les Etats-Unis et la RFA étaient en embuscade. Avec ces pays, pas de sentimentalisme ou de proximité idéologique : c'était les industriels qui forçaient la main de leurs dirigeants. En 1979, Coca-Cola avait poussé Jimmy Carter dans un avion et en 1984, Helmut Kohl fit une première visite en Chine.

Le 4 juin, l'armée débarqua place Tienanmen et tira dans le tas. Des étudiants, profitant du nombre, fondirent sur les blindés. Des soldats furent ainsi lynchés. Le bilan officiel -déjà lourd- était de 300 morts. Le Croix Rouge estimait la réalité à 2 000 morts.

La France (et dans une moindre mesure les Etats-Unis et la Grande-Bretagne) payèrent la mafia hongkongaise pour qu'elle organise l'exfiltration des meneurs. C'était l'opération Yellow Bird. 400 personnes purent ainsi s'enfuir. Un mois plus tard, certains occupaient la tribune Chinoise du défilé du bicentenaire de la Révolution Française, à Paris (Pékin ayant boycotté les festivités.) La France pensait que ces dissidents allaient revenir en héros au pays, exactement comme les étudiants du PCC, dans les années 30.

Mais ils étaient trop jeunes et trop inaudibles. Surtout, Pékin se vengea sur ceux qui restèrent. Certains furent arrêtés pour avoir simplement croisé des figures de Tienanmen. 1 602 personnes furent ainsi incarcérés. Deux sont toujours en prison. Zhang Zhiqing, l'un des seuls meneurs à ne pas avoir été exfiltré, a disparu.
Par la suite, le PCC renforça la censure des médias. Congrégations religieuses, ONG, associations de commerçants, clubs de retraités, amicales ouvrières... Dès que la police voyait trois personnes dans une salle de réunion, elle incarcérait.

Comme prévu, dans les années 2000, la Chine manqua de cerveaux. Les constructeurs furent ainsi obligé de faire appel à des Huaqiao : des Chinois d'Hong-Kong, de Singapour, de Taïwan ou des Etats-Unis, faute de cadres expérimentés locaux.
On note aussi que les jeunes des années 90 rasèrent les murs. Cela expliqua pourquoi la génération suivante (dite "post-90") put ainsi occuper l'espace économique, culturel et intellectuel de la Chine des années 2000.

Dans les mois qui suivirent, le clan réformateurs fut écarté. Zhao Ziyang, N°3 du pays, fut ainsi remplacé par Jiang Zemin. Les étudiants exfiltrés partirent presque tous aux Etats-Unis, où ils reprirent leurs études.
En théorie, la Chine subissait un embargo. Mais il fut largement contourné. Les Etats-Unis ne protestèrent même pas lorsque la Chine vendit des armes à un Iraq qui venait d'envahir le Koweït. Les victimes de la répression furent passer par pertes et profits.

La page Tienanmen était tournée, mais la France maintint une ligne dure face à Pékin. Quitte à être le seul à vouloir sanctionner le Pays du Milieu et ce pendant des années. Sans surprise, les industriels Français trinquèrent. Le lobbying de Citroën fut ruiné. Paul Berliet, retraité actif du comité France-Chine, parlait dans le désert. En 1992, il s'envola pour Pékin, en tentant de sauver ce qui était sauvable.
Les industriels Américains et Allemands, eux, trouvèrent des oreilles attentives. Le 20 novembre 1990, Carl Hahn, le grand patron de Volkswagen, signa un accord avec FAW. Depuis 1984, Volkswagen faisait assembler des Santana par SAIC. Elles furent accompagnées d'Audi 100, montées chez Hong Qi, en 1988. En 1990, la Chine produisit environ 100 000 véhicules (VL, VU et PL confondus.) Audi 100 et Volkswagen Santana composant l'essentiel des voitures particulières.
Les images de la place Tienanmen, c'était aussi des rues envahies de vélos. Il y avait à peine assez de voitures pour la nomenklatura : certains haut-fonctionnaires devaient se contenter de jeep militaires, voir de pédaler... Même le Parti osait à peine rêver de 400 000 véhicules à l'horizon 2000. Pourtant, Carl Hahn tenait à cette troisième unité de production.

Tout de même, Carl Hahn limita les risques. 

En 1990, la Jetta était en fin de carrière. On restait dans une image "Global Overseas Market" de la Chine. FAW n'avait pas d'usine de voiture (hors Hong Qi.) Volkswagen en bâti une ad hoc, en démontant celle de Westmoreland, livrées aux ronces depuis 1988. Les premières Jetta, fin 1991, étaient donc des CKD, expédiées de Wolfsburg, uniformément blanches et uniquement avec le 1,6l 75ch. A la fin de la production Allemande, en 1992, l'outillage de la Jetta parti en Chine. Les cadences purent ainsi doubler. En 1993, FAW-VW fêta sa 10 000e voiture (dont une poignée de Golf 3, en CKD.) Néanmoins, il fallu attendre 1995 pour que les Jetta intègrent des composants locaux. La ZX (Fukang) fut donc la première production sino-occidentale avec une fort part de pièces Chinoises. C'était d'ailleurs le seul moyen trouvé par PSA pour séduire une Chine qui méprisait la France.
Désormais, on était à 20 000 unités annuelles. L'industrie automobile Allemande (constructeurs et équipementiers) se frottaient les mains. Helmut Kohl retourna en Chine et il fit chauffer le parapheur !

Toujours en 1995, FAW et Volkswagen firent déménager l'unité d'assemblage d'Audi 100 dans l'usine FAW-VW. De manière anecdotique, l'usine produisit aussi des Audi 200 complètement obsolètes. L'idée était surtout de préparer le terrain à l'A6, premier modèle moderne de FAW-VW.

La FAW-VW Jetta s'offrit un lifting, en 1997. En 2001, le 1,6l devint EFI, avec l'ajout de l'injection et surtout, du catalyseur. La Jetta et la Santana dominaient le marché Chinois, avec des cadences désormais dignes de Wolfsburg.
Le succès Chinois de Volkswagen fut d'anticiper les évolutions. Au tournant des années 2000, il comprit que les usines mono-produits n'étaient plus d'actualité. Alors que PSA pensaient qu'avec la Fukang, il était parti pour 20 ans ! FAW-VW reçu la Golf IV, la Bora et l'Audi A4, tandis que SAIC-VW accueillit la Polo, voiture préférée des "post-90". De plus, les Allemands surent grommeler dans leur cape, pour ne pas froisser les Chinois. Tant pis si Chery et NAC produisent des Seat, sans payer de royalties à VW. Tant pis si FAW et SAIC montent des joint-ventures avec d'autres constructeurs. Avec une certaine porosité de l'information entre l'entité dédiée à Volkswagen et celles des nouveaux entrants... Tant pis si le Parti décidait de l'organigramme. Prendre sur soi, toujours.

Vers 2008, seuls les flottent (principalement les taxis et la police) achetaient encore des Jetta et des Santana. A l'approche des JO, Pékin s'inquiéta du niveau de pollution et de la sécurité de ces deux dinosaures. Pourtant, la production se poursuivit jusqu'en 2010. Là, quasiment du jour au lendemain, les chaines des deux voitures qui ont fait la Chine se sont arrêtées net.

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