Ligne claire

Le week-end dernier, j'étais à Veules-les-Roses, en Seine-Maritime. C'est un charmant petit village normand, qui accueilli des écrivains et des peintres qui voulait s'éloigner du tumulte des villes.

Je suis partagé sur les "plus beaux villages de France". D'un côté, c'est bien de préserver et mettre en valeur le patrimoine. Moi qui vous parle tout le temps de la Chine et bien en Chine, ça n'existe pas. On n'entretient pas les villages et lorsqu'ils tombent en ruine, on rase sans complexe. Ou bien, au contraire, on les classe "patrimoine national", on met des grilles tout autour et ça devient un musée à ciel ouvert. Alors qu'en France, même lorsque les bâtiments sont classés, on peut habiter dedans !
D'un autre côté, on se croirait à Disneyland. La moindre place, la moindre ruelle un peu typique est envahie de touristes. Même en fin d'après-midi, on piétine ! Surtout, il n'y a quasiment que des résidences secondaires et des commerces destinés aux touristes. L'hiver, il ne reste plus que 600 habitants (le tiers de la population sous la Révolution.) Il n'y a pas de création d'emplois durables. Et en même temps, celui qui voudrait implanter une usine, l'association des Plus beaux villages de France voudrait l'embêter sur la forme et les aménagements de son bâtiment...

Et à la sortie de la ville, il y a une pompe 24/24 avec le plein à 1,80€ le litre de sans-plomb 95. Pas de personnel et un tarif délirant ; le piège à touriste jusqu'à son paroxysme... Il y a une fresque rétro. Un vaste garage avec de la place pour plusieurs voitures. Une vision très naïve. Aucun garagiste ne laisserait autant d'espace vide ! Il faut reconnaitre aussi que les lignes de fuite sont curieuses. Au moins, ça change des habituelles affiches...
Ca m'a rappelé les BD et autres croquis de la "ligne claire". Joost Swarte avait inauguré, à la fin des années 70, ce style. C'était à la fois un dessin très épuré (par rapport notamment au style surchargé d'un Philippe Druillet) et une nostalgie de l'Amérique de l'après-guerre (avec ses voitures, ses néons et sa foi dans le progrès scientifique.) C'était aussi des BD très graphique, tenant davantage de l'illustration, sans personnage récurrent. Les personnages, c'était avant tout les villas, les fusées... Et les voitures ! La ligne claire a essaimé avec Serge Clerc, Yves Chaland ou Ted Benoit. Ce dernier a beaucoup travaillé pour la pub, au début des années 80. La pub a toujours adoré récupéré les tendances et la tendance du début des années 80, c'était Métal-hurlant. C'était moderne, sans avoir le côté "mauvais garçon" de l'univers de Frank Margerin. Forcément, il y eu un moment où le public en avait marre des affiches façon ligne claire. De même qu'elle eu marre des spots de Jean-Baptiste Mondino ou Jean-Paul Goude. Chaland avait été approché par Dupuis. Mais son style esthétisant se mariait mal avec le travail très encadré de Spirou Magazine. Son Spirou est resté inachevé. Il a été victime d'un accident de voiture en 1990. Les autres, eux, ont connu une traversée du désert. Ted Benoit a connu un regain d'intérêt à la fin des années 90, lorsqu'il reprit Blake et Mortimer. Je n'aime pas ce genre de BD ; c'était un travail de moine copiste, sans grand apport. Comme toute tendance néo-rétro, la ligne claire a fini par devenir elle-même rétro. On a donc demandé à Ted Benoit de refaire des illustrations, dans un esprit "années 80". D'où aussi cette fresque.

Commentaires

Articles les plus consultés