Hong Qi CA770 par Xcartoys

Xcartoys s'est spécialisé dans la réduction au 1/64e des toutes premières productions chinoises. La dernière nouveauté, c'est cette Hong Qi CA770 de 1965. Il ne manque plus qu'une "Shanghai" !
 

Xcartoys fait parti de ces orfèvres du "two inches". Son Hong Qi CA770 est très finement réalisée et la boite est très belle.
De nombreux détails sont reproduits, à commencer par les rétroviseurs. Avec une attention particulière sur les chromes. Même les longues portés, jaunes, sont présents.
C'est une qualité de fabrication que l'on retrouve davantage au 1/43e. En fait, elle est beaucoup mieux finie que ma Hong Qi CA7560, pourtant deux fois plus grande !

Les mats des porte-drapeaux sont dans une pochette à part et j'ai du les badigeonner de colle pour qu'ils tiennent. C'est le seul reproche.

A la faveur des rediffusions de cette fin d'année, je suis tombé sur un édito d'Eric Zemmour sur C-News. Il réagissait aux annonces de Xi Jinping sur son plan "Chine 2035".
 

Sur le constat, rien à redire. Le polémiste a brossé un tableau très convaincant de la Chine de 2020.

Par contre, sur la projection, il se trompe. Xi Jinping n'est pas Otto von Bismark. C'est plutôt Frédéric-Guillaume 1er, le roi-sergent : il aime bien les défilés et jouer les bellicistes... Mais sur les îles Senkaku, il a suffit qu'un navire militaire Japonais croise pour que les chalutiers Chinois arrêtent de s'y "perdre". Et sur les Spartly, c'est cette fois un bateau Américain qui sonna la fin de la récré...
Après Frédéric-Guillaume 1er, il y eu Frédéric II, qui initia l'expansion de la Prusse. Laquelle entraina la coagulation des états Allemands, jusqu'à la première guerre mondiale, près de deux siècle plus tard. Aujourd'hui, au nom de la "Nouvelle Route de la Soie", la Chine possède une politique commerciale très agressive en Afrique, en Asie Centrale et en Europe Orientale. Du coup, des pré-carrés Français, Américains ou Russe ouvrent grands leurs portes aux produits du Pays du Milieu. A court-terme, les anciens alliés risquent de dire : "Vous ne voulez plus de nos produits, vos populations nous traitent de colons, mais lorsque ça chauffe, vous savez nous trouver ! Ça ne peut pas fonctionner comme cela. Alors, la prochaine fois, demandez à vos copains Chinois de venir !"
L'Allemagne,la Corée du Sud ou le Japon ont refusé cet interventionnisme, se cantonnant au commerce. Et ce fut une entrave à leur développement. Si la Chine souhaite concurrencer les Etats-Unis, elle ne peut rester neutre.
Or, ses ouailles sont très dépolitisées. Régulièrement, des étudiants nationalistes brûlent des drapeaux aux cris de "Fuck you USA/Japan !" Mais ce ne sont pas eux qui vont s'engager, tout ça pour aller défendre un lointain pays d'Afrique ou d'Asie...

Comme tout le monde, la Chine possède des contradictions. Il y a les discours et il y a les actes...

En 1949, les nouveaux maîtres voulaient repartir de zéro. C'était Ecce dies venient, dicit Mao, et feriam domui Sina foedus novum. Les communistes avaient même songer à remplacer les sinogrammes par un système basé sur l'alphabet latin...
Mais c'est depuis la Cité Interdite que Mao Zedong proclama la République Populaire de Chine. Un portrait géant du leader orna l'entrée du palais impérial. Et surtout, la présidence Chinoise s'installa juste en face. Les faits montrèrent donc que le Parti était bien le successeur de la Chine impériale. Même si ce n'est qu'avec Jiang Zemin que cette continuité sera entérinée.

Ensuite, le Parti déifia le petit peuple. Pourtant, en matière d'équipement, ce fut l'armée qui fut la grande bénéficiaire du premier plan quinquennal. L'Armée de Libération Populaire (ALP) porta le Parti au pouvoir. Il fallait le récompenser de sa fidélité. D'autant plus que le Parti, très paranoïaque, se pensait cerné d'ennemis et elle voulait se défendre.
En 1959, pas de second plan quinquennal, mais un Grand Bond en Avant. En matière de véhicules, ce fut le tour... De la nomenklatura Chinoise. Le fameux petit peuple devra encore patienter jusqu'aux années 70 pour enfin voir la couleur des camions civils, tracteurs agricoles et autres engins de génie civil promis de longue date...


La Hong Qi était l'un des fleurons de l'industrie Chinoise. Donc un objet de propagande. D'où des communiqués délirants. Erik Van Ingen Schenau avait pris le parti de les retranscrire, sans prendre de recul.

En 1958, FAW dévoila la Dong Feng CA71 (NDLA : aucun lien avec le constructeur homonyme.) Je pense qu'en fait, une unique Simca Ariane 4 fut recarossée. Une maquette en plâtre et des Ariane 4 "normales" auraient posé avec, pour donner l'illusion d'une production. Cela expliquerait pourquoi il n'y eu aucun développement autour.
Quelques mois plus tard, FAW dévoilait la Hong Qi CA72, très inspirée par les Américaines contemporaines. Cette fois-ci, ce fut une vieille Chrysler qui fut sacrifiée. Quatre prototypes auraient été construits et dès 1959, une série de 198 voitures fut assemblée. Un chiffre trop élevé pour être honnête, eu égard au niveau postérieur des productions... A minima, il en existe une demi-douzaine de voitures de pré-série. Des CA72 ont été exposées aux foire de Leipzig et de Paris, en 1965.
Également en 1965, le premier prototype de CA770 sorti de
Changchun. C'est a priori celle reproduite par Xcartoys. Par rapport à la CA72, le style était plus moderne et surtout, la voiture était une vraie limousine. En 1966, 20 unités de pré-série furent assemblées. La réalité est sans doute plus proche de la dizaine. Hong Qi enchaina par une production à grande échelle. Une information à vérifier, car lorsqu'en 1972, Richard Nixon se rendit à Pékin, il fallu terminer en catastrophe la voiture qui allait le transporter.

Le capot de la miniature s'ouvre. L'occasion de voir son V8.

D'où provient-il, ce V8 ?
Le communiqué d'époque dit que c'est par leur bravoure et leur dévotion au Grand Timonier que les ingénieurs de Hong Qi ont créé ce V8 de toute pièce. Hautement improbable car la Chine n'avait qu'un embryon d'industrie PL et aucun savoir-faire dans les VL. Quant aux équipementiers, ils n'émergèrent que dans les années 90.
Plus réalistement, on pourrait penser que la CA770 est le fruit de transferts de technologie négociés avec les Soviétiques. Et qu'en plus, les Chinois aurait regardé par dessus l'épaule des ingénieurs concevant la ZIL 111 (1959.) De même que le 4x4 BJ210 était très "inspiré" par le UAZ 460 Soviétique. La ZIL 111 et l'Hong Qi CA770 reprenaient des lignes des Studebaker contemporaines. Les Américains soupçonnèrent Soviétiques et Chinois de s'être procuré des véhicules via l'usine Belge D’Ieteren. La Belgique étant relativement neutre à l'époque de la Guerre Froide.
Les Chinois avouèrent plus tard avoir conçu des société-écrans, basées à Hong-Kong. Elles auraient discrètement importées des pièces Américaines. Durant l'entre-deux guerre, les Etats-Unis étaient le premier partenaire du pays. L'essentiel du parc auto provenait de l'Oncle Sam. Les mécaniciens Chinois avaient donc l'habitude de bricoler des voitures Américaines.

Quoi qu'il en soit, ces CA770 et leurs variantes (rallongées, blindées...) furent assemblées à la main, dans des conditions dantesques.

Entre la Première Guerre de l'Opium (1839) et la proclamation de la République Populaire (1949), l'histoire de la Chine fut une litanie de guerres perdues, de puissances étrangères grignotant le territoire et de dirigeants incapables. Mao était animé par un désir de revanche historique.

Eric Zemmour oppose ce désir de revanche et le consumérisme actuel des Chinois. Sauf que ce consumérisme EST une revanche !
Les dynasties Liao, Song, Jin et Ming furent marquées par un rayonnement Chinois sur l'ensemble de l'extrême-orient. C'était un temps de prospérité économique, mais également de développement culturel, technique et social. Or, tout homme d'affaires ou homme politique d'importance se devait de posséder une vaste demeure, richement décorée. Il existait un artisanat florissant du luxe (meubles, bijoux, vêtements, bibelots...) Et le nec plus ultra était d'exhiber des produits dans des matériaux importés hors de Chine.
Ce goût du luxe ostentatoire, on le retrouve sur la Hong Qi. Ces limousines possédaient une épaisse moquette rouge, avec des cendriers en cristal, des dorures, etc. Un style bien kitsch.
Et aujourd'hui, les jeunes riches Chinois, avec leurs iPhone dernier cri, leurs sacs Louis Vuitton, leurs baskets de collection et leurs Porsche Cayenne personnalisés, ils se perçoivent en descendant des notables de la Chine féodale. Grâce à Xi Jinping, ils ont retrouvé l'aisance dont leurs ancêtres avaient été spoliés durant ce siècle maudit...

Les premières Hong Qi CA770 furent livrées en 1966. S'agissait-il de voitures de pré-série ou de véritables exemplaires de série ? En tout cas, leurs propriétaires n'en profitèrent guère. Avec la Révolution Culturelle, ce fut le culte de l'austérité. Même Mao du laisser sa limousine au placard.
A Changchun, les cadres de l'usine eurent droit à une "autocritique".

Il fallu attendre 1973 pour que la production ne reprenne. Des projets de limousines plus modernes finirent aux oubliettes.
En 1981, le Parti décida que la CA770 consommait trop pour les fragiles finances de la présidence chinoise. Une usine fut bâtie dans la zone économique spéciale de Shenzhen, avec l'objectif de construire des CA770 uniquement pour l'exportation.
Faute d'export, la CA770 retourna à Changchun avec la CA770 G, une version équipée d'un V8 Ford, en 1985. A partir de 1988, Hong Qi assembla également des Audi 100. Les hauts-fonctionnaires les préférèrent aux vieillottes "大红旗". La vénérable Hong Qi ne servit plus que pour le premier cercle du pouvoir (où parader en Audi aurait froissé le nationalisme.) La CA7560 LH avec laquelle Deng Xiaoping participa aux festivités des 50 ans de la République Populaire de Chine fut un ultime baroud d'honneur.


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