Où va le sport auto ?
100 ePrix
La course de clôture de la saison 8, Séoul 2, était également la 100e course de la Formule e. Un sacré cap pour la discipline.
L'audience cumulée de la saison 2020-2021 était de 316 millions de personnes (vs 1,55 milliards pour la F1, sur 22 courses et avec un calcul différent.) Incontestablement, on peut noter l'apparition d'un "bruit". Il y a enfin des gens qui discutent de la FE, sur les réseaux sociaux !
Côté tracés, la FE semble avoir trouvé son compromis, avec des circuits sur des voies privées (abords d'un stade, parc des expositions, aéroport désaffecté...), au lieu de rouler en pleine rue.
Le verre à moitié vide, c'est que la saison 9 est un saut dans l'inconnu. En 2017, j'étais hostile à la mainmise des constructeurs en FE. Comme prévu, la FE leur a fourni 0 retombées. Y compris pour Mercedes-EQ, auteur de deux doublés (titres pilotes et constructeur) consécutifs.
La saison 9 marquera l'arrivée de la FE "Gen 3", qui va doubler en puissance, avec l'ajout d'un moteur à l'avant. Plus étonnant : il sera possible de faire des arrêts aux stands.
Les constructeurs restants ont imposé de disposer d'une équipe "B", afin de lisser les coûts de développements des groupes motopropulseur. Signalons aussi pas mal de "TBD" sur le plateau. Les animateurs de la FE accepteront-ils de rouler pour des équipes privées ? Va-t-on voir débarquer des pilotes à budget ?
Still, could be worse...
Ce week-end, le WRX est à Hell, en Norvège, pour la deuxième (ou troisième ?) manche du championnat. Il y a huit concurrents en RX1e et dix en RX2e. Un "championnat du monde" qui est avant tout un championnat de la Baltique et de la Méditerranée. Les dernières sorties extra-européennes remontent à 2019.
Le promoteur originel a été supplanté par un incompétent. Audi et Peugeot, les deux principaux constructeurs, sont parti, sans être remplacés. Du coup, les 208 de la famille Hansen roulent toujours, mais sans lion et avec un moteur électrique. Quant aux vieilles gloires, c'est désormais en Extreme E qu'ils effectuent des piges.
Dire qu'à une époque, le WRX espérait détrôner le WRC... Le WRC est revenu 30 ans en arrière, avec des pilotes semi-retraités (les deux Seb' et Dani Sordo) qui courent à mi-temps. Le transparent Kalle Rovanperä mène le championnat, dans l'indifférence générale. Honnêtement, qui savait que l'ex-1000 Lacs a eu lieu la semaine dernière ? Le WRC ne fournit plus de chiffres d'audience...
Et puis, il y a le WTCR. Cette saison est marquée par les pneus biodégradables du nouveau prestataire, Goodyear. Lynk&Co, qui se plaint que sa voiture est dangereuse avec les ballasts, a jeté l'éponge à mi-saison. Du coup, on a un championnat avec des Honda et des Hyundai semi-officielles. Entre la guerre en Ukraine et les quarantaines en Asie, le calendrier 2022 est mouvant. D'ici à ce que la tournée sud-américaine de fin de saison soit annulée...
En prologue du WTCR, il y a plus de coupes monotypes ou de monoplaces. Dorénavant c'est l'ETCR, avec ses quasi-démonstrations de VE de compétition.
Que la FIA ne s'en plaigne pas, c'est elle qui a créé cela ! Avant, il existait des championnats nationaux de tourisme, de rallye ou de rallycross. Les constructeurs ont exigé la création de championnats du monde. "On va faire la F1 du rallye/tourisme/rallycross..." C'était aussi l'apogée de la TV câblée, avec des chaines comme Eurosport ou Motors TV en mal de cases. En parallèle, la FIA a barré la route des privés, notamment en interdisant la vente de voitures à des clients ou en supprimant les championnats "B".
Depuis, les constructeurs ont déserté ces championnats et le format mondial n'est plus adéquat. Motors TV a disparu en 2018 et Eurosport a quasiment divisé par deux son audience, depuis 2010. Accessoirement, vous pensez sérieusement qu'une TV va payer plein pot pour montrer Mikel Azcona ou Nêstor Girolami ? Et ces abrutis de la FIA viennent de mettre sur pied le W2RC...
Aujourd'hui, le sport auto n'est plus aussi incontournable, pour un constructeur. Dans les années 90, Mercedes-Benz était présent en F1, en CART et en DTM (puis en GT.) Ford, lui, s'engageait en F1, en WRC, en Nascar, en tourisme, sans oublier la Formule Ford. Les filiales pouvaient prendre des initiatives. A lui tout seul, Renault UK finançait des programmes F3, rallye et BTCC ! Beaucoup de constructeurs étaient ainsi présents sur plusieurs programmes nationaux et continentaux, sans oublier les coupes monotypes.
Aujourd'hui, pour Audi et BMW, c'est WEC ou FE. Pour financer l'électrification, il a fallu tailler à la hache dans les budgets marketing. La jurisprudence Tesla, c'est qu'un constructeur peut vendre des voitures sans jamais engager de voitures en compétition. Fin 2019, Volkswagen abandonnait officiellement tout engagement sportif. Cette politique va-t-elle changer le nouveau PDG du groupe, Oliver Diess ? Pendant ce temps, chez Stellantis, on pense carrément en nombre maximal d'engagements pour l'ensemble du groupe.
Plus sérieusement, que faire courir ? Les constructeurs généralistes ont liquidé coupés et cabriolets. Idem pour les "GTI" et autres "turbo". Les voitures basses ciblent surtout les flottes. On est dans un paradigme du tout SUV. D'une part, c'est compliqué de changer un SUV en voiture de course (sauf à ne rien en garder, cf. la Puma WRC ou la Jaguar i-Pace eTrophy.) D'autre part, les constructeurs n'en ont rien à fiche. Ils ne cherchent plus à créer un univers autour de leur SUV.
D'ailleurs, le sport en lui-même n'a plus grand intérêt pour les constructeurs. Dans les années 80-90, c'était une vitrine technologique, une arme de communication redoutable (par exemple, la 205 T16 ou le V10 Renault pour souligner le retour respectif de Peugeot et de Renault.) Aussi, cela correspondait à des valeurs virilistes de toujours plus vite, de compétition, de soif de victoire et de conquête... Autant de termes aujourd'hui démodés, voire rejetés.
Bien sûr, ce sont des stratégies court-termistes. Tous les constructeurs (généralistes et premium) prennent le client pour acquis. Ils ont tort, mais ce n'est pas le sujet. Le sujet, c'est que les programmes sportifs sont réduits au minimum.
Une lueur d'espoir
J'ai pu le constater de visu, il y a des compétitions avec des grilles pleines et des spectateurs ! C'est le sport auto "d'en-bas", celui des gentlemen-drivers. Des gens qui veulent courir le week-end, pas trop loin de chez eux et pour un budget raisonnable. Ce qui marche, ce sont les journées-circuit et les courses d'anciennes.
Le GT va bien, avec des coupes régionales ou continentales. Une équipe peut acheter une voiture compétitive clef-en-main et la revendre ensuite à des concurrents d'un championnat de moindre importance. On peut demander à des patrons de PME de courir en Europe, au volant d'une Ferrari ou d'un proto, avec une demi-douzaine de date par an. Ils se font plaisir.
Malheureusement, l'écart entre les coupes pro-am et le sport auto professionnel devient béant. Sur piste, les pilotes actuels de monoplace rechignent à piloter des "caisses à portes", quitte à rester chez eux. En Grande-Bretagne, les monoplaces courent en ouverture du GT et du BTCC. Les espoirs n'ayant pas le budget pour progresser sont davantage incité à se reconvertir (cf. Ashley Sutton, Dan Cammish, Ricky Collard...)
En rallye, entre le Power Stage et le SuperRally (qui n'a même plus de nom), les voitures usines sont quasiment sûres de ramener des points... De toute façon, l'équipe "B" de M-Sport est le seul privé !
Dans l'histoire du sport auto, rien n'est gravé dans le marbre. Les courses de cote, le stock-car ou la F5000 ont connu des hauts et des bas. L'IRSI ou l'A1GP ont fait long feu. Pourquoi faudrait-il maintenir à tout prix un WRX, un WRC ou un WTCR ?
Si ces disciplines veulent être pérennes, elles doivent revenir à un format plus raisonnable. Moins de courses, moins de sorties extra-européennes et surtout, des coûts de fonctionnement beaucoup moins élevés. Il faut arrêter de chercher à draguer d'hypothétiques constructeurs et se focaliser davantage sur les amateurs.
Toujours aussi pertinent et fin. Merci.
RépondreSupprimerSurprenant que les constructeurs de SUV ne se soient pas lancé dans des aventures genre Camel Trophy... Ainsi au volant de notre 4x4 au milieu du Sentier on pourrait avoir l'illusion d'être en pleine jungle (des villes) ou du désert (des Tartares)...
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