DongFeng-Citroën Fukang par Xcartoys

Il y a trois semaines, j'étais en plein déménagement. Entre deux cartons, je découvre que XCarToys lance une ZX... Ou plutôt, une DongFeng-Citroën Fukang, au 1/64e. Dans mon musée improvisé de la voiture Chinoise miniature, c'était un incontournable ! Trois semaines plus tard, voici donc la miniature tant attendue. Et oui, elle a eu un rôle crucial dans l'industrie automobile Chinoise.

Comme d'habitude, le travail est très bien fait. XCarToys a opté pour la Fukang 988 (1998-2003), avec son léger lifting. Les pare-chocs ton caisse et la peinture métallisée signalent une version EXC (exclusive.) Par contre, les jantes sont fantaisistes.
Pour info, la 988 EXC bénéficiait du 1,6l TU5 16 soupapes 120ch.

Fait rarissime pour un miniaturiste Chinois, il a été demander l'imprimatur de Citroën.

L'air de rien, la ZX fut une voiture importante dans l'histoire de Citroën.

Durant la période 75-85, la firme aux chevrons naviguait à vue. PSA mettait un peu n'importe quoi dans la cheminée, en espérant que la machine reprenne. Après 85, il s'agissait de tracer un plan à long terme avec trois axes : 1) renouvellement complet de la gamme. 2) davantage de synergies avec Peugeot. 3) redynamisation de l'image de marque.

La première vraie étape de ce plan, c'était la XM. Ensuite, il fallait s'occuper du segment C. Au début des années 80, Citroën avait songé à une "GSA MK2". Mais la GSA, née en 1979 et dérivée de la GS de 1970, était vraiment au bout du rouleau. La BX remplaçait théoriquement la GSA, mais pour le grand public, c'était davantage une "D". Il y eu donc un trou dans la gamme, lorsque la GSA quitta la scène, en 1986. Le dessin d'Heuliez pour la "GSA MK2" daterait de 1982. Personnellement, dans le masque avant et l'idée des feux arrière fumés, j'y vois des prémices de la future ZX.
En 1985, Citroën mit en chantier le projet "N1", profitant de la plateforme de la future Peugeot 306. Le centre de style de Velizy et Bertone furent mis en concurrence. Le centre de style Peugeot, à Carrière-sous-Poissy, donna un coup de main. Un dessin de Donato Coco (Velizy), daté de 1986, possédait déjà la forme des portières ou celle de la vitre de custode. Néanmoins, c'est Marc Deschamps (Bertone) qui signa le dessin définitif. Les premiers essais eurent lieu vers 1989, avec donc les premières fuites. La presse pensait alors qu'elle allait s'appeler "GX" (en hommage à la GS.)

A la même époque, Peugeot-Talbot Sport abandonnait le rallye-raid, pour se lancer en sport-prototypes avec la 905. Les deux programmes étant très différents, la firme au lieu allait devoir benner l'essentiel de la structure... Citroën bondit sur l'occasion et créa Citroën Sport. Pierre Lartigue, qui pilotait une 205 T16 Grand Raid, était quasiment recruté sur la ligne d'arrivée du Paris-Dakar 1989 ! Le "grizzli" devint donc la patron de Citroën Sport. La 405 Turbo 16 fut carrossée dans le style de la future "N1". Le chevron conservant les autres pilotes, Jacky Ickx et Ari Vatanen. Fin 1990, on vit apparaitre une "ZX Rallye-Raid" à la Baja Aragon. Le mystère autour du nom de la future compacte de Citroën s'estompait. Ari Vatanen s'imposait en Espagne. Il récidivait lors du Paris-Tripoli-Dakar, en janvier 1991.
Deux mois plus tard, la ZX "civile" débutait officiellement. Citroën a-t-il été pressé par les début de la voiture de course ? En tout cas, la ZX débutait avec quatre moteurs essence, quatre finitions, mais une seule carrosserie (5 portes.) La presse louait la tenue de route de la ZX. Les fans notèrent surtout l'absence de suspensions hydropneumatiques ; un sacrilège. Le déploiement fut lent : version 3 portes en 1992, diesel en 1993 et break, en 1994. Entre temps, Peugeot a lancé sa cousine 306. La 306 fut proposée en cabriolet, à Genève 1994. Au Mondial de Paris, toujours en 1994, Heuliez dévoilait une ZX cabriolet. Feu rouge de PSA, qui craignait une cannibalisation des ventes.

Pendant ce temps, la ZX Rallye-Raid s'éloignait de la 405 Turbo 16. Suite au décès de son coéquipier, Jacky Ickx raccrochait le casque. Mais Guy Fréquelin recrutait deux anciens de la maison : Philippe Wambergue et Pierre Lartigue. Ce dernier remportait le Paris-Moscou-Pékin 1992. Puis "Droopy" décrocha quatre coupes du monde de rallye-raid. Chaque course se résumait alors à un match entre Pierre Lartigue et Ari Vatanen, au grand dam des organisateurs du Dakar.
Avec une queue de budget, Citroën Sport conçu une ZX kit-car de rallye. De mémoire, Bernard Béguin, alors à l'ANPE des pilotes, assura son développement. Peugeot développait sa propre 306 kit-car et la ZX se rabattit sur l'Espagne, avec Jesus Puras. Lorsque la ZX fut bannie du rallye-raid, Guy Fréquelin profita de l'expérience de la ZX kit-car pour développer une Xsara kit-car, le début d'une longue aventure...

Et la Chine ? Durant vingt ans, Citroën mit le paquet sur le Pays du Milieu. Dans le livre Opération Dragon, le nom de Paul Berliet n'apparaissait pas. A lire Michelle Boivin, la publicité avec l'AX sur la Muraille de Chine et le raid AX était deux idées nées à Paris. Aucun rapport avec la construction de la ZX en Chine. Le fait que le raid fasse un détour par Wuhan -fief de DongFeng- serait une coïncidence. Michelle Boivin avait sans doute été bercée par les commémorations du cinquantenaire de la Croisière Jaune et la série TV La Cloche Tibétaine. D'où un tropisme Chinois, distinct des ambitions des constructeurs.

Le livre Opération Dragon datait de 1988. La future ZX était encore en gestation. Il y avait déjà des discussions en cours pour une usine d'assemblage en Chine, mais rien n'était signé. Il y a donc des choses dont la responsable de l'opération ne pouvait pas encore parler et d'autres, dont elle n'était pas au courant.

Voici ma version de la genèse de la Fukang. Jusqu'ici, j'ai trouvé peu de faits la corroborant. Citroën a été franchement peu coopératif pour mon livre (contrairement à tous les constructeurs que j'ai contactés), ce qui ne m'aide pas à démêler le vrai du faux.

En 1978, Renault rachetait Berliet et le rapprochait de Saviem. Paul Berliet comprenait que l'heure était grave. Dans les années 50-60, il avait prospecté avec succès à l'international et il joua donc de nouveau les VRP. En 1977, il avait approché Deng Xiaoping, de passage à Paris. Le N°1 Chinois fut ouvrier de Berliet. Fort de ce contact, il arriva en Chine en 1978, 11 ans après son dernier voyage.
Les usines Chinoises continuait d'assembler des camions Berliet. Par contre, les ingénieurs et techniciens formés à Lyon ont été "vaporisés" durant la Révolution Culturelle... Paul Berliet remarqua que le pays était en pleine reconstruction : BTP, équipements industriels... A la tête du Comité France-Chine, il joue les intermédiaires entre les entreprises Françaises et les décideurs Chinois. Paul Berliet remarque que pour décrocher des appels d'offres, il faut verser non pas du cash, mais des voitures. Il mit la main sur un stock de DS21 Pallas invendues (!) et grâce à elles, les industriels Français gagnèrent des marchés.
En 1982, Berliet et Saviem fusionnaient dans Renault Véhicules Industriel. Paul Berliet était écarté comme un mal-propre. Pire : ses projets furent sabordés. Notamment un camion produit par la DongFeng. Jacques Calvet, qui venait de prendre les commandes de PSA, l'écoutait davantage. Surtout, avec ses achats de DS (puis de CX), il avait mis le pied dans la porte. La Chine voulait assembler une grande berline Européenne, dans l'usine de la Shanghai (sa seule vraie usine de VP.) Citroën et Volkswagen étaient en lice (avec respectivement la CX et la Santana.) Suivant les habitudes de Paul Berliet, Citroën distribua des CX ici et là. Volkswagen, elle, fit venir le chancelier Helmut Kohl. Les Chinois, flattés par cette venue, attribuèrent le marché à Volkswagen. PSA râla et il obtint une unité d'assemblage de 505 chez le novice GAIG.
Au milieu des années 80, PSA était convalescent. La Chine, c'était alors 1,3 milliards d'habitants. Même si seuls 1% des Chinois pouvaient acheter une voiture, cela représenterait 13 millions de voitures, soit l'équivalent de la moitié du marché Européen ! Pas question de laisser filer cela... Plus que des pots-de-vin, les Chinois voulaient de la reconnaissance. François Mitterrand était venu en Chine en 1961, 1981 et 1983. Néanmoins, il s'intéressait peu au pays. Surtout, Jacques Calvet, homme du centre-droit, était ouvertement anti-mitterrandien. PSA allait flatter la Chine autrement. En 1986, l'agence RSCG de Jacques Seguela filmait une AX sur la Muraille de Chine. Pour obtenir l'autorisation, PSA dut restaurer une portion du monument. En 1988, 140 AX roulèrent de Shenzhen à Pékin. Les autorités étaient parfois affolées face aux libertés prises par les équipages, mais le pays était fier d'être au cœur d'un évènement de porté mondiale.
PSA songeait-il à faire assembler des AX en Chine ? En tout cas, le dialogue fut rompu avec les évènements de la place Tienanmen (et le boycott Français qui suivit.) Lorsque les négociations reprirent, les Chinois firent monter les enchères. Assembler des voitures, oui, mais il fallait un modèle tout neuf ! Ce sera donc la ZX. Et avec une majorité de pièces Chinoises. SAIC et FAW étant saturés, Pékin aiguilla PSA vers DongFeng. La Second Automotive Works (SAW) n'avait aucune expérience des voitures. Au moins, elle disposait de son propre bureau d'étude, contrairement à la majorité des industriels Chinois. Il avait conçu le premier camion "made by China", l'EQ240. En plus, via l'éphémère projet avec Berliet/RVI, il avait une certain expérience des Français...

Retour aux faits établis.

En décembre 1990, PSA signait une lettre d'intention avec SAW. Le 18 mai 1992, la joint-venture DongFeng-Citroën était officiellement fondée. Héritage Soviétique, les véhicules Chinois étaient désignés par un code avec le nom de la ville (une ou deux lettres), le code de l'usine (une ou deux lettres) et une série de chiffres (par exemple CA770.) Ce n'était pas gênant alors que les voitures étaient vendues aux flottes (taxis, fonctionnaires...) PSA, lui, visait une classe moyenne bourgeonnante et elle voulait un nom. "Citroën" était trop compliqué à prononcer. D'où le choix de "Fukang" (富康, prospérité.) Des voitures en kits arrivèrent de France. Le 8 août 1992, les ouvriers de Wuhan ont fini de jouer de la clef Allen : les premières Fukang sortaient de chaine. Elles étaient uniformément rouge avec un 1,4l TU3 70ch avec un unique carburateur.

PSA s'était engagé à créer une vraie ligne d'assemblage et à employer des pièces produites localement. Le plus long, ce fut de mettre à niveau les fournisseurs. En 1996, enfin, le site de Wuhan faisait vraiment de l'assemblage. La production passa de 15 000 unités à environ 50 000 unités annuelles.
Face aux Jetta, Santana et Audi 100 contemporaines, la Fukang était bien la première voiture moderne du marché Chinois.

L'erreur de PSA fut d'avoir considéré la Chine comme un simple "Global Overseas Market". Il pensait donc qu'une fois lancée, la Fukang allait se vendre en l'état pendant 20 ans ! Et puis, la Chine projetait une production de 400 000 voitures par an en l'an 2000. Avec 50 000 unités, Citroën allait être un acteur de poids.
Une fois le ramp-up de Wuhan achevé, les ingénieurs et cadres de PSA firent leur valise. Ils n'étaient pas mécontents de quitter la triste de ville de Wuhan. Prochaine destination : Porto Real, au Brésil, où Citroën ouvrait une usine.

En 1996, l'automobile était un marché de primo-accédants. En plus, les études de marché et autres enquêtes d'opinion étaient rédigées avec les pieds.
Mais au fil des années, PSA aurait du voir que rien ne se passait comme prévu. Les Américains et les Japonais bâtissaient des usines capables de produire 200 000 voitures à l'année. Avec en prime, l'idée de construire toute une gamme de véhicules. PSA, qui avait vendu l'usufruit de sa coentreprise avec GAIG à Honda était pourtant au courant ! Quant au chiffre de 400 000 unités, il fut franchi bien plus tôt que prévu. En 2000, la Chine produisit en fait plus de 2 millions de voitures (VP + VU.)
La seule réaction de PSA fut de faire relifter la Fukang. Comme les Chinois n'appréciaient pas les 5 portes, Heuliez fut chargé de créer une ZX tricorps. Renommée Elysée en 2002, elle fut re-reliftée en 2008, devenant C-Elysée. Le tout accompagné d'un discours façon méthode Coué du "on est les leaders du marché Chinois". A sa décharge, DongFeng (comme tous les constructeurs Chinois) (s')investissait très peu dans la coentreprise.
En 2002, DongFeng-Citroën se décida finalement à produire un second modèle en Chine. La star de l'usine de Porto Real : le Xsara Picasso. Un monospace familial au pays de l'enfant unique, Issou ! C'était tout le symbole d'une stratégie décidée depuis la France, par des personnes n'ayant jamais mis les pieds en Chine. En 2006, Citroën quittait le Top 10 du marché Chinois.

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