FAW-Audi 100 C3 et Hong Qi Mingshi CA7220 par XCartoys

Dès que XCartoys lance une réplique d'ancienne voiture Chinoise, je me dois de l'acheter ! En plus, ici, elle est proposée en deux versions : FAW-Audi 100 (C3) "normale" et Hong Qi "Mingshi" CA7220.

Comme d'habitude chez le fabricant Chinois, le résultat est parfait. Les modèles sont finement réalisés et il y a un soin apportés aux détails (logos, jantes, optiques...) Audi a donné son imprimatur.

Plus que deux ou trois modèles et toutes les productions Chinoises significatives des années 50 à la fin des années 90 seront reproduites au 1/64e !

FAW-Audi 100 (C3)
Comme beaucoup de généralistes (cf. Fiat, Renault, Austin...), la stratégie de Volkswagen était basée sur le volume. A l'export, cela signifiait ouvrir un maximum d'usines. Si le pays est fermé aux importations, la solution était d'ouvrir un atelier d'assemblage en CKD. Volkswagen ouvrit ainsi des unités dans des pays comme le Kenya, l'Irlande, le Nigeria et même les Philippines !
Or, toutes ces unités ne produisaient que des Coccinelle. L'usine d'Emden était même spécialisée dans l'expédition de Cox en kits ! Dans le meilleur des cas, ces usines purent évoluer en vrai site de production (cf. l'Afrique du Sud, le Brésil et le Mexique.) Mais dans la plupart des cas, les unités de CKD furent incapable de survivre à la Coccinelle.

Aux USA, cela allait de mal en pire. En 1978, Volkswagen ouvrit une usine à Westmoreland, pour produire des Golf (Rabbit) et des Jetta (Fox.) Des conflits syndicaux, le "Besserwisser" des envoyés de Wolfsburg sur leurs collègues Américains et un effondrement de la demande US en compactes scellèrent le destin du site.
Quant à Audi... Alors que la firme aux anneaux faisait de beaux scores, il y eu une rumeur d'accélération spontanée sur les 100. 60 Minutes fit un reportage bidonnées, en 1986 et les ventes s'effondrèrent. Il fallu 25 années pour qu'Audi retrouve son niveau de 1985.

Volkswagen avait cassé sa boussole et il cherchait désespérément des débouchés. D'où des accords avec Ford pour l'Amérique Latine, avec Seat (qu'il finira par racheter) pour l'Europe Méridionale et avec Nissan pour le Japon.

Pendant ce temps, la Chine était tout aussi perdue pour produire à la fois plus et mieux. Sa politique consistait à attribuer des véhicules à des usines produisant des véhicules proches. Les licences de fabrication d'utilitaires Japonais furent ainsi distribuées aux constructeurs de camions.
Côté VP, la Chine possédait trois constructeurs. La Shanghai Automobile and Tractor Company (l'actuelle SAIC) produisait la berline "Shanghai", on lui attribua l'appel d'offre de "berline". Appel d'offre remporté par Volkswagen et sa Santana, en 1983. Le constructeur de 4x4 BAIC accueilli lui les Jeep Cherokee.
Restait Hong Qi, satellite de FAW. D'après la centrale d'achat publique, la limousine "Da Hong Qi" consommait trop et sa production était stoppée depuis 1981 (NDLA : que firent ensuite les ouvriers de la marque ?) L'état cherchait une grande voiture confortable.

Mercedes-Benz avait alors des W123 en kits qui trainaient dans un coin du site de la TAAP, en Thaïlande. Apparemment, en 1987, il les fit expédier chez FAW, à Changchun. Hong Qi loua le pire entrepôt de la ville et il sélectionna les ouvriers les plus neuneus. Notez qu'au passage, les voitures furent converties en conduite à gauche. Sans surprise, les Mercedes "made in China" furent d'une finition déplorable. De toute façon, la TAAP n'avait que 828 kits et cela faisait longtemps qu'en RFA, on avait jeté les moules...

L'état Chinois dut faire un nouvel appel d'offre pour une grande berline. Après la débâcle US, Audi n'était pas contre écouler quelques 100 en plus... La leçon de Mercdes-Benz, c'est que même pour du CKD, il faut un minimum de savoir-faire. Audi et Hong Qi choisirent cette fois une vraie usine et les Allemands formèrent les ouvriers au maniement de la clef Allen. Les Audi 100 de Hong Qi étaient exclusivement des tractions. Elles recevaient soit le 4 cylindres 2,0l 115ch ou le 5 cylindres 2,2l 138ch.

La "Da Hong Qi" avait été conçue dans les années 60, d'après des technologies remontant aux années 50. La production reprit en 1987, mais entre ça et l'Audi 100, les haut-fonctionnaires Chinois eurent vite fait le choix...

Le succès de la 100 tint aussi à un coup de pouce du hasard...

En 1909, August Horsch a perdu le procès face au constructeur éponyme, qu'il avait fondé en 1904. Il n'avait plus le droit d'utiliser le nom "Horsch". Or, depuis, il avait créé un seconde marque. Il fit le point avec Paul et Franz Fikentscher. La discussion se poursuivit chez ce dernier, alors que le fils de Franz révisait ses cours de latin. Le gamin suggéra de traduire "Horsch" en latin, ce qui donna Audi.
Le mandarin est une langue très avare en mots : pas de conjugaison, pas d'articles, peu de mots de liaison. Chaque caractère représente une syllabe (même si le pied chinois n'est pas toujours très académique...) Les mots chinois sont composés d'un ou deux caractères. Les Chinois ont longtemps eu du mal avec les noms occidentaux, ce qui fut un casse-tête pour les marques... Sauf pour Audi. La transcription phonétique chinoise fut simplissime : Ao Di (奥迪.) Ils pouvaient remercier le fils de Franz Fikentscher !

Comme le nom était facile à retenir, les hauts-fonctionnaires se donnèrent vite le mot. Si tu peux choisir ta limousine oublie la Hong Qi et demande une Ao Di ! Il y eu donc des files d'attentes à Changchun. L'usine assemblait entre 15 000 et 20 000 voitures par an. Des volumes incroyables pour du CKD !
En 1990, le législateur imposa des règles d'attribution de voitures pour haut-fonctionnaires. Comme par hasard, une seule voiture rentrait dans les clous : l'Audi 100. Mais à la limite, personne ne se plaignit.
Le bouche-à-oreille arriva jusqu'aux patrons de PME des années 90. La firme aux anneaux profita d'une notoriété en Chine, tant en quantitatif qu'en qualitatif, à faire rêver bien des responsables marketing...

Hong Qi "Mingshi" CA7220
En 1992, la Chine franchit pour la première fois le cap de 100 000 voitures produites dans l'année... Et les 200 000 furent passées l'année suivante. De vraies chaines d'assemblage était construites. Des équipementiers commençaient à s'installer. Un industrie automobile Chinoise se mettait en place.
Le pays prévoyait 400 000 unités, voire 500 000 unités par an en l'an 2000 (1.) Certes, les prévisions Chinoises avaient de quoi laisser dubitatif (a fortiori pour ceux qui avaient connu le temps des plans quinquennaux du Grand Bond en Avant...) Pour autant, tout constructeur digne de ce nom se devait d'inspecter cela de plus près.

Le souci, c'est que pendant que certains réfléchissaient à s'assoir autour de la table, Volkswagen en était déjà à l'ouverture du flop ! En 1992, l'usine FAW-VW démarrait. En parallèle, SAIC-VW construisait son "unité N°2" pour produire des Santana en volume. Ainsi, les Allemands possédaient un capacité de plus de 100 000 unités. Chez PSA, le site de Guangzhou-Peugeot n'assemblait plus grand chose (mais ça, personne ne le savait), tandis que la Second Auto Works (future DongFeng) démarrait la production des ZX (alias Fukang.) PSA évoquait ainsi un potentiel de près de 100 000 unités.
Au total, un très gros tiers du gâteau Chinois de 500 000 unités allait être capté par Volkswagen et PSA. Pour les autres, il fallait s'y mettre vite-fait avant que le marché ne soit saturé !

Admettons que vous ayez une usine en Chine. Qu'est-ce que vous y produisez ensuite ? Surtout que désormais, l'automobile y était désormais accessible aux particuliers et aux acteurs privés (2.) Qui seraient les futurs acheteurs ? Quelles sont leurs attentes ? Il n'y avait pas alors d'instituts de sondage, ni d'études de marché !
Rétrospectivement, c'était une évidence. La Chine allait connaitre un développement identique à ses voisins Japonais et Coréens. La culture confucianiste met le patriarche au sommet de la hiérarchie. Mais pour avoir le respect de ses subordonnés, le patriarche doit exhiber des preuves de sa prospérité (prospérité qui démontre sa clairvoyance.) Pour une voiture, l'aspect statutaire prime. D'où des marchés tirés par le milieu de gamme et l'access premium. Les citadines ne servent que de deuxième voiture au foyer (3.)
Sauf que personne n'avait su analyser l’émergence de l'automobile en extrême-orient. On en restait aux théories fordiennes de motoriser les pays par le bas. On songeait à l'immédiat après-guerre Européen. On pensait que les Chinois rechercheraient leur propre Coccinelle. Un véhicule bon marché et solide. La Chine de 1990 ayant peu de garage et dès que l'on sortait des grandes axes, il n'y avait plus que des pistes.
La Chine elle-même fit fausse route avec le "Family Automobile Congress" de 1995. Elle souhaitait passer un appel d'offre pour une voiture modeste, produite à 400 000 unités par an. L'aboutissement, fut une ouverture d'enveloppe lors d'un salon automobile ouvert au publique !
Le Pays du Milieu, c'est avant tout une collection de villes. Les citadins n'ont pas de maison de campagne, ni de culture des départs en week-end. Au XIXe et au XXe siècle, le pays a connu de grandes vagues migratoires de plusieurs millions d'habitants. Face à l'explosion démographique de Pékin et Shanghai, Mao avait proscrit les déplacements inter-cités. Chaque ville possède son propre écosystème. Il n'y avait donc aucun besoin en mobilité individuelle pour les classes ouvrières. Quant aux paysans dispersés dans l'immensité Chinoise, ils n'avaient pas le moindre sou vaillant pour s'offrir une voiture...

Chrysler était alors convalescent. Le constructeur au Pentastar avait revendu toutes ses filiales extra-Américaines au tournant des années 80, afin de dégager du cash. Désormais, il souhaitait de nouveau exporter. L'état Américain jouait les VRP de son industrie auprès de Pékin et Chrysler voulu en profiter.

Au milieu des années 80, la grande berline Dodge 600 était en fin de vie. Chrysler proposa un accord à Hong Qi, lui vendant l'outillage complet de la voiture et du moteur 2,2l "K". Un bon moyen de nouer des contacts, avant de songer à des projets plus ambitieux. Les Chinois souhaitaient les produire non pas dans l'usine de l'Audi 100, mais sur le site de la "Da Hong Qi". Des exemplaires furent expédiés et modifiés par les designers locaux. Pendant ce temps, la demande en Dodge 600 restait forte et la fin de production fut décalée. Lorsqu'enfin, le dernier exemplaire sorti de Jefferson Avenue sorti de chaine, nous étions en plein Tienanmen. Au début des années 90, les discussions reprirent. La "Hong Qi CA 750 F" semblait proche de l'industrialisation. Ce qui aurait signifié une production en grande série inédite pour le constructeur. Restait à convaincre les bureaucrates Chinois...
Depuis la reprise d'American Motors à Renault, Chrysler avait un pied en Chine. BAIC assemblant des Jeep Cherokee depuis 1984. En 1992, la production du pick-up Comanche s'arrêta. Là encore, Chrysler proposa de transférer l'outillage en Chine. Un véhicule-test fut produit. Mais BAIC était une entreprise liée à l'armée. Donc encore plus de bureaucratie à affronter...

A la même époque, Audi arrêtait de produire l'Audi 100 C3, en Allemagne. Comme pour la Jetta et la Santana, Volkswagen voulu déménager en Chine et les moyens de production et produire des véhicules complets (NDLA : où ça ?) Des Audi 100 reliftées et équipées du V6 2,5l de la C4 furent produites à Changchun. Mais dès 1994, changement de paradigme : l'usine Chinois produisit des 100 C4... Mais dès 1995, la ligne d'assemblage déménagea dans l'usine FAW-VW, aux côtés de la Jetta.
Hong Qi récupéra l'outillage de la 100 C3. La voiture fut reliftée (notez le "1" de FAW sur la calandre et le drapeau rouge -stylisé- de Hong Qi sur l capot.) Comme le constructeur n'avait pas la main sur le V6 2,5l, il inséra le 2,2l récupéré à Chrysler sous le capot. D'où la Hong Qi CA7220 Mingshi. Cela signifiait de facto la mort du projet CA 750 F. La limousine étant surnommé la "grande" Hong Qi, la Mingshi fut la "petite" Hong Qi (Xiao Hong Qi.) Bien que Hong Qi a songé à l'opération dès 1988, la CA7220 en fut produite qu'à partir 1996, soit plus de deux ans après les dernières Audi 100 "made in China". Malgré plusieurs liftings, elle était ridée. C'était aussi la première Hong Qi commercialisée auprès du grand public. Elle était distribuée dans le réseau FAW (et non le réseau Volkswagen China) avec la Xiali et les utilitaires de la marque. Pour la mise en valeur, c'était top !

Et Chrysler ? En attendant un hypothétique feu vert pour le Commanche, il proposa aussi l'outillage du Cherokee XJ, en 1994. Ce fut accepté et la vieille usine BAIC passa donc à la construction complète de Cherokee. Ce fut malheureusement le seul feu vert de Chrysler, durant la décennie.

En Chine, chaque nouveau modèle doit recevoir l'agrément du ministère de l'industrie avant de pouvoir être produit. Chrysler soumis de nombreux modèles et son activisme ne fut pas récompensé. Il y eu des Voyager, en collaboration avec BAIC et des Neon, produites par FAW [citation needed].
Enfin, en 1997, deux ans après le "Family Automobile Congress", Chrysler croyait toujours à la motorisation de masse en Chine. D'où la CCV (Composite Concept Vehicle), un copier/coller de la 2cv. Refus de Pékin. Chrysler tenta de démarcher d'autres pays Asiatiques. Puis, après la fusion avec Daimler, les Allemands torpillèrent la CCV. Notez que Daimler profita de la connexion entre Chrysler et BAIC pour étendre la joint-venture. Ainsi, BAIC et Mercedes-Benz construisirent une usine flambant neuve pour assembler des Classe E. Hyundai, un temps dans l'orbite de Daimler-Chrysler, créa lui aussi une joint-venture avec BAIC. Cela donna Beijing-Hyundai, qui est aujourd'hui dans le top 5 des constructeurs Chinois.
Chrysler eu donc un rôle de marieur dans l'industrie Chinoise, alors que lui-même n'arriva pas à prendre le train en marche...

(1) La Chine produisit 2 069 069 véhicules (VP+VU+PL) en l'an 2000, dépassant de très loin les prévisions les plus optimistes...
(2) La constitution de 1982 déclarait l'état Communiste comme unique propriétaire du mobilier et de l'immobilier. Vers 1990, les règles furent assouplies. Même s'il fallu attendre 2004, pour que le législateur légalise la propriété privée.
(3) Notez d'ailleurs que les kei, malgré leurs dimensions et leurs cylindrées réduites, sont plutôt cossus.

Commentaires

Articles les plus consultés