Ligier JS4 au 1/43e

Altaya propose une étonnante collection : des voitures sans permis au 1/43e ! Mis à part un certain Nicolas M, qui voudra en acheter tous les numéros ? En attendant, voici la plus désirable de la collection : la Ligier JS4 de 1980 !

La miniature elle-même est très belle, avec ses plaques typique des modèles exposés à l'époque. Il y a de nombreux détails. A la limite, elle est mieux soignée que l'original !

Incroyable destin que celui de Guy Ligier. Apprenti-boucher, il se révéla comme rugbyman. Puis il devint entrepreneur dans le BTP, grâce à des connaissances dans sa ville natale de Vichy. Coureur cycliste, c'est un journaliste qui le persuada de devenir pilote, au début des années 60. Il intégra l'équipe Ford France et se lia à Jo Schlesser. Ensemble, ils créèrent une modeste écurie de F1. Guy Ligier se lança en F1, à la fin des années 60, avec des places d'honneurs au volant de sa Cooper. En parallèle, il songea à une grosse GT à moteur Ford.
En 1968, Jo Schlesser se tuait lors de son premier Grand Prix de F1. En hommage à son ami, il baptisa sa GT JS1. Née avec un 1600, la JS1 ne cessa d'évoluer, avec un 1800, puis un V6. Trois exemplaires furent créés. Avec l'aide de Pietro Frua, la JS1 mua en JS2 et reçu un V6 Maserati. Ligier ouvrit un usine à Abrest. Il se rapprocha de Citroën (alors propriétaire de Maserati), qui distribua la JS2. Ligier voulait être un sous-traitant de constructeur. Il construisit ainsi des SM.

La crise du pétrole de 1973 fut un coup dur pour Guy Ligier et sa JS2. En 1975, le ciel lui tomba carrément sur la tête ! Peugeot prit le contrôle de Citroën et la production de la SM s'arrêta. Peu après, Maserati fut déclaré en faillite, puis repris par De Tomaso ; le contrat de fourniture de moteurs s'arrêta là. Faute de moteur, la JS2 quitta la scène.

Ligier avait bien pris des contacts. Il y eu un projet de coupé Citroën, sur base GS Birotor et le coupé Renault, sur base 14. Aucun des deux projets n'aboutit. Le site d'Abrest était à l'arrêt.

L'éclairci vint du côté de la SEITA, partenaire de Ligier et de Matra en compétition. Le cigarettier fournit à Ligier un projet mort-né de Ligier F1, qui devint la JS5, pour la saison 1976. [citation needed]

La F1, cela permit à Ligier de maintenir son activité (et même beaucoup plus que cela...) Néanmoins, en 1976, un écurie de F1, c'était une dizaine de personnes. Pas de quoi occuper Abrest.

Or, à la même époque, Renault Agriculture était en plein essor. Les clients exigeant toujours plus de tracteurs avec cabine. Guy Ligier capta un partie de la fabrication des cabines. Un métier guère glorieux, mais qui offrit à Abrest de vraies perspectives.
Toujours à la même époque, après les deux chocs pétroliers, on prédisait la fin de la voiture particulière. L'avenir, c'était les voiturettes. Depuis 1968, elles avaient un cadre législatif, mais le marché était surtout constitué de Géo Trouvetou. Avec son trois-roues, Arola (1975) avait proposé un produit plus moderne. En 1978, l'Arola devint une quatre-roues et elle remplaça son guidon par un volant.
Guy Ligier s'est sans doute dit qu'en rajoutant des roues, un moteur et un plancher, sa cabine de tracteur faisait une voiture-sans-permis potable !
Pour le moteur, c'est rocambolesque. Alejandro de Tomaso, l'homme qui avait refusé de vendre des V6 Maserati à Guy Ligier, était alors propriétaire de Moto Guzzi et de Benelli. Pour la France, il avait passé un accord avec Motobécane, alors très mal en point. La firme Française créa un importateur, la Seudem, également chargé de distribuer des pièces détachées. C'est via de Tomaso et la Seudem que Guy Ligier se procura des monocylindres Motobécane !

Robert Broyer (ex-Renault) fut chargé de donner de l'allure à la cabine à roulettes. Bien que l'inspiration reste évidente.
C'est ainsi que Ligier dévoila la JS4, au salon de Paris 1979. La première Ligier de route depuis la JS2 ! Surtout, durant le salon, ce même Ligier terminait 3e du championnat constructeur avec la JS11, Jacques Laffite finissant au pied du podium final ! Imaginez Red Bull Racing dévoilant une voiture sans-permis !

La numérotation des Ligier m'a toujours laissé pantois. JS1, JS2 et JS3 (un éphémère proto de 1971) respectaient une certaine chronologie. Mais pourquoi passer d'emblée à JS5 pour la F1 ? Ligier a-t-il réservé les nombres impairs à la compétition et les numéros pairs à la route ? Mais à ce moment-là, pourquoi est-ce que la JS4 engendra la JS8, la JS6 n'arrivant qu'ensuite ? Et pourquoi n'y a-t-il jamais eu de JS45 ?

Au salon de Paris 1979, il y avait 27 marques de voitures sans-permis. Mais Ligier et Arola étaient les seuls vraiment sérieux. Le quadricycle d'Arola disposant désormais de portes ! Tandis que Ligier proposait de vrais pneus. Pour le réseau, Ligier s'appuyait sur la Seudem, qui reposait lui-même sur celui de Motobécane.

Les bons de commandes affluèrent, avec 5 000 ventes en 18 mois. Pourtant, outre son design, la JS4 n'était pas exempte de défauts. Le moteur de mobylette était bruyant et poussif. Accessoirement, un JS4 pesait quatre fois le poids d'une "bleu" et la mécanique souffrait. Enfin, il y avait des soucis de corrosion.
Le constructeur se servit du retour d'expérience pour la suite. En 1982, Ligier dévoila la JS8, avec un design plus agréable et surtout, une 125cm3 Derbi. Problème : son prix était proche de celui d'une 2cv 6 et ce n'était plus une sans-permis. En 1984, la JS4 céda sa place à la JS6, le dernier monocorps de Ligier, qui alla ensuite vers des designs plus consensuels. Il y eu également une JS8 découvrable et un utilitaire, la JS10. Sans oublier un projet Britannique de JS6 électriques en autopartage. Au total, près de 30 000 JS4/JS6/JS8 furent produites.

Plutôt que des moteurs de deux-roues, Guy Ligier fut l'un des premiers à se tourner vers les petits diesels, plus lourds, plus gros, mais plus coupleux. La JS6 disposait ainsi d'un VM, alors lié à Ducati, donc à Cagiva. Par ce biais, l'entrepreneur eu un idée lumineuse : vendre des Cagiva à l'armée, en faisant croire qu'il les fabrique à Vichy !

En 1994, Guy Ligier vendit son écurie de F1. Mais pas question de prendre sa retraite ! Il eu un projet aux 24 Heures du Mans, avec Volkswagen (repris par ROC, dont ce fut le dernier projet), de la distribution de lisier (mon entreprise de m.... dixit l'intéressé), les F3 et les protos avec Martini...

Personnage haut en couleur, fidèle en amitié avec certains, mais ayant pourri la vie d'autres, Guy Ligier (1930-2015) mériterait une place plus importante dans les livres d'histoire.

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