Rétromobile aime bien les rétrospectives. D'où cet assemblage de voitures de courses, parmi lesquels la Bugatti Type 32 "tank".
L'aérodynamique est connue depuis la nuit des temps. On connaissait l'hydrodynamique, notamment pour concevoir les navires. Aristote se doutait bien qu'il existait quelque chose de similaire pour les flux d'air. Leonard de Vinci étudia le vol plané des oiseaux. Le mathématicien Daniel Bernouilli détermina la vitesse. Francis Herbert Wenham construisit la première soufflerie miniature. Et nous étions avant l'invention de la voiture ou de l'avion ! Gustave Eiffel jetait des objets depuis son bureau du troisième étage de la Tour Eiffel, vers l'intérieur de la tour. Il tendait un filet au premier étage et chronométrait le temps parcouru. C'était très empirique (et il fallait hisser l'objet étudié jusqu'au troisième étage !) Il fit construire la première soufflerie à échelle 1, la soufflerie Eiffel.
Avec l'aviation, l'aérodynamique trouva enfin un débouché concret. Les frères Wright construisirent d'ailleurs une soufflerie. Mais pour l'automobile c'était plus compliqué. Les premières voitures étaient trop lentes et elles rebondissaient sur des chemins caillouteux. L'aérodynamisme avait peu d'influence. Même si la Jamais Contente (1899) était profilée. Après la Première Guerre Mondiale, certains voulurent utiliser les enseignements de l'aviation sur l'automobile. C'était le cas d'Edmund Rumpler avec sa Tropfenwagen (voiture goutte [d'eau]), en 1921. L'idée commune était alors de fendre l'air et que les flux passent de part et d'autres de la carrosserie. Sur la Bugatti Type 32 de 1923, les flux d'air devaient passer au dessus. Ettore Bugatti anticipait le concept d'aile d'avion inversée, avec 40 ans d'avance.
En 1921,
la Bugatti Type 13 remportait la course de voiturettes, en ouverture du Grand Prix d'Italie. Un évènement disputé à Brescia. Ce fut le premier gros succès du constructeur et suite à cela, la type 13 prit le nom de Brescia. Prochaine étape : briller en Grand Prix.
En vue du Grand Prix de l'ACF 1922, Bugatti construisit trois voitures (nommées par la suite Type 30.) Par rapport aux futures Type 30 de série, elles disposaient d'un avant bombé (avec un trou pour refroidir le radiateur) et surtout, une longue queue dissimulant l'échappement. Ce fut un flop. Ettore Bugatti observa la Fiat victorieuse. Les Type 30 furent ressorties aux 500 miles d'Indianapolis 1923. Les cinq (!) voitures renoncèrent. De nouveau, Ettore Bugatti en profita pour examiner la voiture victorieuse. En l'occurrence une Miller (très inspirée des Peugeot vue précédemment.)
Pour le Grand Prix de l'ACF 1923, couru à Tours, Bugatti conçu une voiture inédite, la 32. Le public la surnomma le "tank", à cause de son aspect massif. Le 8 cylindres 16 soupapes 2,0l 100ch (celui de la Type 30) leur permettait d'atteindre 160km/h en ligne droite... Mais le circuit tourangeau était composé d'épingles. Les Type 32 étaient déséquilibrées et perdait du temps. Ernest Friedrich dut se contenter du bronze, loin derrière les Sunbeam. Les deux autres voitures renoncèrent. Jugé "moche", la 32 ne fut pas produite en série.
Ensuite, Ettore Bugatti compila ses observations. Une carrosserie de Fiat, avec des éléments de Sunbeam, un moteur Miller, vous secouez et vous avez
la Type 35 "Grand Prix". En 1924 et 1925, Bugatti subit la loi des Delage. Mais à partir de 1926, le rouleau compresseur était lancé... Le style tank, lui, reviendra sur les
Chenard & Walcker 1100, en 1925. Bugatti se vengea en 1936, avec la 57G. Taillée pour l'endurance, elle offrit à la marque ses deux succès au Mans, en 1936 et 1939.
Un mot sur le pilote victorieux au Grand Prix de l'ACF 1923. Il s'agissait d'Henry Seagrave. Depuis l'émergence des Grand Prix, vers 1905, le sport automobile était dominé par les Français et les Italiens. Avec sa Sunbeam, Henry Seagrave fut le premier vainqueur Britannique d'une course d'importance, sur le continent. Il annonçait une série de pilotes Britanniques, comme Louis Zborowski, "Williams", Richard Seaman ou Woolf Barnato, en endurance. Des pilotes issues de la haute bourgeoisie et francophiles. Par contre, l'industrie Britanniques se focalisait sur les moyennes cylindrées. Pour courir en Grand Prix, nos pilotes devaient soit acheter des voitures étrangères, soit s'incruster dans une équipe d'usine...
Notez qu'en 1927, Henry Seagrave battit un record de vitesse, à Daytona, avec la Sunbeam 1000 HP. Une voiture disposant d'une carrosserie type "tank". Elle avait été dessinée par Jack Irving, présent au Grand Prix de l'ACF 1923. Alors, hasard ou coïncidence ?
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