RÉTROMOBILE 2024 : 15. Maserati Touring Sciadipersia


Terminons provisoirement ce tour du stand ArtCurial, par un modèle unique. Une Maserati Granturismo revue entièrement par Louis de Fabribeckers pour Touring. Elle a été nommée "Sciadipersia". Autrement dit, Shah d'Iran.


Question de philosophie. Les Droits de l'Homme sont une création de la Révolution Française. Ils portent des idées d'égalité des individus, de liberté et d'abolition des privilèges. Aujourd'hui, les seules vraies démocratie sont surtout situées en occident. A contrario, l'Afrique et l'Asie continentale offrent une panoplie de démocraties de façade, de dictatures civiles, de dictatures militaires, de monarchies absolues, de théocraties, voire de monarchies tribales.
Faut-il considérer que la démocratie laïque est "one best way" ? Qu'après avoir été imposée aux puissances de l'Axe, puis aux pays de l'Est, elle a vocation à se rependre sur le monde ? Et le cas échéant, être imposée par l'occident ? Et considérer ainsi qu'à terme, chaque citoyen pourra vivre librement. N'y a-t-il pas une forme de condescendance à faire la moral à un pays souverrain, voire à distribuer des bons et des mauvais points ?
Ou bien faut-il respecter les coutumes extra-européennes ? Considérer les expériences Libyennes et Irakiennes, y voir qu'en voulant renverser un tyran, on a surtout ouvert la boite de Pandore. Nombre d'autocrates jouent aujourd'hui au "après moi, le déluge". Par pragmatisme, vaudrait-il mieux laisser en paix les "despotes éclairés" ? Comptez sur les populations locales pour prendre elle-même leur destin ? A ce moment-là, la corruption, la prédation, les spoliations voire les exactions ne seraient que des dommages collatéraux. Mais n'est-ce pas condescendant d'expliquer à des Hommes, souvent situés dans des pays en voie de développement, que de toute façon, ils ne sont pas assez mûrs se servir d'une urne ?
Le débat est transpartisan.

On trouva du pétrole en Perse, à la fin du XIXe siècle. Les concessions furent principalement attribuées aux Britanniques. La dynastie Kadjar vacillait déjà. Les Perses protestaient contre ce pétrole soldé aux occidentaux. Les Britanniques se mirent du côté des protestataires, imposèrent une constitution et le shah, Mohammed Ali Kadjar, dut abdiquer au profit de son fils, en 1906. Une dizaine d'années plus tard, les Bolchéviques marchaient sur Téhéran. Le tsar avait pris le Caucase aux Perses, l'URSS pouvait-elle a minima établir une république amie ? Les Britanniques pilotèrent la contre-offensive. Ahmad Kadjar, assista en spectateur à la bataille. Le colonel Reza Khan, qui repoussa les Russes, s'invita à son gouvernement. Puis Reza Khan déposa le shah, en 1925. Il se couronna shah, inaugurant la dynastie Pahlavi. Reza Khan renomma la Perse, Iran (le pays des Aryens.) Les nazis se considéraient comme descendants des aryens. Ils se rapprochèrent de l'Iran (mais aussi de l'Afghanistan, de l'Irak, de la Transjordanie...), à la fois dans un but d'affaiblir l'influence Britannique, mais aussi par orientalisme. En 1941, Britanniques et Soviétiques s'allièrent pour mettre fin à la complaisance de Téhéran envers Berlin. Reza Khan fût contraint de céder le pouvoir à Mohammad Reza.
Marjana Satrapi, proche des communistes, décrivait un souverain corrompu, incapable et violent. La France avait une certaine mansuétude envers ce souverain anticommuniste, qui s'exprimait dans un français parfait. En plus, il avait attribué de nouvelles concessions à Total... Reiser, lui, brocarda ce "shah de gouttière" lorsqu'il dut abdiquer. Mais il fut encore plus acide face à l'ayatollah Khomeini et le virage théocratique de l'Iran. Aujourd'hui, les Iraniens eux-mêmes ont réhabilité leur dernier shah. Se rappelant une époque de prospérité, de modernité sociale et d'ouverture sur le monde.


Le shah d'Iran était un passionné de voitures. Le musée national d'automobiles d'Iran compte une quarantaine de voitures ayant appartenu au shah. D'autres auraient été vendues dans les années 80, alors que les mollahs, sous le coup de sanctions économiques, avaient besoin de cash. Sans oublier les voitures dont il disposait dans ses résidences secondaires. Au total, deux cents voitures ont été identifiées. Mais le shah et ses proches en auraient utilisés trois mille !

Avec la 3500 GT, Maserati voulait devenir un constructeur de GT, en grande série. Adolfo Orsi, le fils du PDG, fit du porte-à-porte auprès de riches amateurs. Le shah visita l'usine de Modène en 1958. Mais après l'avoir conduite, il trouvait que la 3500 GT n'était pas assez exclusive.
La firme au trident venait d'abandonner la compétition. Il lui restait des V12 4,5l de 450S. Le shah suggéra à Giulio Alfieri de mettre l'un de ces V12, sous le capot d'une 3500 GT. L'ingénieur adapta la mécanique, optant pour une cylindrée finale de 4,9l. Elle fut baptisée "5000 GT". Touring créa une carrosserie inédite.
Maserati fit construire une seconde 5000 GT identique pour le salon de Turin 1959. Elle fut vendue à Basil Read, le commanditaire du circuit de Kyalami. La firme au trident produisit une petite série de 5000 GT -sans carrosserie-. A partir du cinquième châssis, elles disposaient d'un V12 4,9l différent, avec injection mécanique. Il y eu une 3500 GT injection Touring à carrosserie "Shah de Perse" pour Marcelo Orsi, le frère d'Adolfo.

Le shah conservait sa Maserati en Suisse. Elle échappa ainsi aux troubles de la Révolution Iranienne.


Touring ferma ses portes en 1966. 40 ans plus tard, un groupe d'investisseurs, dont Roland d'Ieteren voulurent relancer Touring. Il créèrent des concept-cars, comme la MINI Superleggera et restaurèrent des voitures construites par Touring.

Au salon de Genève 2018, Touring dévoila cette Maserati Sciadipersia, en hommage à la 5000 GT. Un an plus tard, le carrossier dévoila une Sciadipersia Spider. L'objectif était d'en produire 25. Roland d'Ieteren mourut brutalement en 2020. Touring poursuivit la construction de concept-cars, mais il n'était plus question de production.

Va-t-on voir d'autres voitures dédiées à des autocrates amateurs de grosses cylindrées ? Entre Omar Bongo, Saddam Hussein, Hussein de Jordanie (qui offrit une Ferrari 365 GT4 BB au shah), Zahir d'Afghanistan...

Proposée à 330 000€, elle fut invendue.

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