Rétromobile 2019 : 19. Venturi 600LM

A Rétromobile, il y a toujours une Venturi ! Cette année, c'est cette 600LM ex-Eric Graham de 1993. Notez que la voiture était déjà à vendre, en 2015, chez Ascot.
Le BPR a connu un état de grâce en 1993-1994. Après des années de Groupe C qui ne ressemblaient à rien, on voyait débarquer des Porsche, des Ferrari, des Lotus... Et des Venturi. Le BPR était une émanation du Venturi Trophy, très franchouillard. Ca parlait pas mal français dans les paddocks. Des pilotes comme Alain Ferté, Henri Pescarolo, Jacques Laffite, Jean-Pierre Jarier ou Bob Wollek sortirent d'une demi-retraite.
Et bien sûr, il y avait des gentlemen-drivers. Jean-Luc Maury-Laribière ou Eric Graham étaient l’archétype de ces patrons de PME, devenus pilotes sur le tard, qui roulaient pour le plaisir.

Pilote de Venturi Trophy, Eric Graham s'offrit une Venturi 500LM en 1993 (avec le Baron Empain [citation needed].) Elle disposa les 24 heures du Mans (mais avec d'autres pilotes au volant.) Il la fit évoluer en 600LM, mi-1994. Le point d'orgue, ce fut une 6e place dans les rues de Zhuhai.
Mi-1995, l'artiste Italien Gianni Celano Giannici peignit la carrosserie (NDLA : le terme de "art car" est un peu usurpé ; on est loin de la "tuile" de Maury-Laribière...) A cet instant-là, les temps ont changé. La McLaren F1 GTR a débarqué et elles envahissent la grille de départ. Les propriétaires étaient richissimes, à l'instar de Lindsay Owen-Jones ou Thomas Bscher. Ils pouvaient s'offrir des pilotes fraichement sortis de la F1 ou de récents vainqueurs des 24 heures du Mans (Olivier Grouillard, John Nielsen, Pierre-Henri Raphanel, Jean-Marc Gounon, Jean-Denis Delétraz...) Les gros sponsors débarquèrent. Et bien sûr, nos patrons de PME se retrouvèrent marginalisés. Graham termina 4e des 1000km de Paris, alors que l'essentiel du plateau préparait les 24 heures du Mans. Signe des temps, l'unique Venturi présente dans la Sarthe, une 600 SLM, ne parvint pas à se qualifier.
En 1996, Graham acheta une autre 600LM. Mais là, c'était carrément les usines (BMW, Mercedes et Porsche), qui débarquaient ! Il se recycla en FFSA-GT, avec Venturi. En 1998, retour dans un BPR devenu FIA-GT, avec une 911 GT2. Aux 24 heures du Mans, la voiture fut repeinte par Georges Wolinski.
Il se trouve que j'ai travaillé pour une société qui fut dirigé par le Baron Empain. En enquêtant sur lui, j'ai découvert que Graham et Empain ont été condamné pour faillite frauduleuse, en 2003. Leur société commune de promotion immobilières laissa un passif de 15,5 millions, en 1998. Le tribunal estima que depuis 1993, les dettes dépassaient les actifs. Voilà pour les faits.
Pour replacer la chronologie, au moment où Graham signait le bon de commande de cette Venturi bleue, la SNC Empain-Graham arrêtait de payer ses fournisseurs. En général, les grosses entreprises possèdent des services de relance et des moyens de pression. Alors lorsqu'une PME laisse des ardoises, cela commence par les petits fournisseurs. Il y avait donc des petites entreprises de BTP qui attendèrent leur chèque, tandis que Graham faisait vroum-vroum sur les circuits. Et le 1er septembre 1998, le tribunal de commerce de Paris prononça la liquidation de la SNC Empain-Graham. Et comme par hasard, une semaine plus tard, Graham prenait son dernier départ en FIA-GT...
Pour leur défense Graham et Empain s'était engagé dans un projet d'aménagement, dans le sud-est. La ZAC de la Tessonière (dite "ZAC Empain") fut un projet de zone résidentielle de standing, lancé en 1989. La loi littoral stoppa le permis de construire. Ce fut une bagarre entre l'état, la commune et les promoteurs. En 1994, Empain voulu être dédommagé. Il estima qu'il avait mis 5 millions de francs sur la table, rien que pour les travaux préliminaires. D'appels en appels, la SNC ne reçu 705 898€ qu'en 2007. 1994, c'était le moment où la trésorerie de la SNC commençait à giter.
Alors, Graham a-t-il été victime du fiasco de la ZAC de la Tessonière ? Ou bien a-t-il utilisé les fonds de la SNC pour financer sa carrière en sport auto ?
Si Venturi n'a pu suivre la course à l'armement en BPR, c'était à cause des difficultés de l'entreprise. La période 1995-1998 fut particulièrement agitée. Vers 2000, Gildo Pallanca Pastor racheta ce qu'il restait.

Et aujourd'hui, que devient Venturi ? Pastor fut incapable de trouver un moteur pour la Fetish. Elle devint donc une électrique. Mais elle ne dépassa pas la pré-série. Lorsque l'on voit les malheurs de Faraday Future et autres Detroit Electric, ce n'est pas un mal... L'électrification et la production de véhicules électriques pour des tiers ? Venturi produisit des Berlingo électrique pour La Poste. Puis la petite usine de Sablé-sur-Sarthe ferma.
Officiellement, la firme se concentre désormais sur son écurie de Formule E. Je m'attendais à ce que pour 2018-2019, Mercedes-Benz s'offre la structure. Mais la firme à l'étoile préféra créer une écurie inédite, HWA.
Puis, avec Antartica, Venturi vient de revenir à la construction de véhicules. Quel est l'objectif ? Où se voit Pastor dans dix ans ? Y'a-t-il seulement un pilote dans l'avion ?

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