Rétromobile 2025 : 8. Studebaker Avanti
Les Studebaker sont sans doute plus populaires en France qu'aux Etats-Unis. Il faut dire que grâce à (ou bien "à cause de", c'est selon) Raymond Loewy, on considère ces voitures comme "française". Voici donc une Avanti.
Raymond Loewy (1893-1986) a longtemps été considéré comme un dieu du design. Il avait écrit sa propre légende dans son best-seller La laideur se vend mal. Puis il y eu l'exposition posthume, au Centre Georges Pompidou, en 1990, presque hagiographique.
Ainsi, le designer franco-américain possédait un pouvoir presque magique. En quelques coups de crayon, il transformait le banal en beau, en agréable... Et surtout, en un produit qui se vendait ! Qu'il s'agissait d'une bouteille de Coca, d'un paquet de cigarette ou d'une voiture, il savait métamorphoser le produit.
Précisons que durant les trente glorieuses, les ressorts du marketing et de la publicité étaient encore flous. Les études, tests et autres recherches en amont étaient rares. Les designers (ou plutôt les "dessinateurs industriels") étaient des hommes en blouses blanches au fond d'un atelier. Y compris aux Etats-Unis. Cet homme toujours en costume, avec sa moustache bien taillée et son discours très arrêté, tranchait forcément.
La première moitié du XXe siècle avait été marquée par la production. Produire toujours plus, pour baisser les coûts. On glissait vers l'idée de plaire pour conquérir des parts de marché. Raymond Loewy matérialisait cette transition.
En 1961, Studebaker était au plus mal. Il lui fallait un nouveau modèle à peu de frais.
Raymond Loewy était déjà intervenu deux fois chez le constructeur. D'abord pour la face avant avec nez en obus de 1950 (NDLA : en fait, c'était l'œuvre d'un subordonné, Virgil Exner, viré lorsqu'il demanda davantage de crédit.) Puis il y eu le redesign complet de la gamme 1953 (NDLA : dû à Robert Bourke ; Studebaker préféra parler de "design Loewy", plus vendeur.) A chaque fois, Raymond Loewy avait fait des miracles. Sherwood Egbert, le PDG de Studebaker, espérait que la magie opérerait de nouveau.
La gamme Studebaker était coiffée par la Hawk, lancée en 1957. Brook Stevens avait réussi à lui redonner un peu de jeunesse avec des changements minimaux. Mais il fallait un vrai nouveau coupé à Studebaker.
Sherwood Egbert avait lui-même tracé des croquis. L'Avanti reposait sur le châssis de la compact Lark. Le moteur était le bon vieux V8 4,7l de la Hawk, passé à 240ch. Faute de temps et d'argent pour une carrosserie en acier, l'équipe opta pour de la fibre de verre.
En quelques semaines, l'Avanti était née. A l'époque des chromes à profusion et de l'ostentation, Raymond Loewy avait opté pour un style plus discret. L'objectif était de marquer les esprit en se distinguant de la concurrence. L'Avanti ne possédait ni calandre, ni filet de chrome courant le long de la carrosserie, ni de quelconque emblème. D'ailleurs, elle n'avait même pas de badge "Studebaker" ; à peine un discret "S" sur le montant C.
Malheureusement pour Raymond Loewy et Studebaker, les Américains l'accueillirent très mal. Ce mauvais démarrage coûtait cher à un constructeur déjà mal en point. Un projet d'Avanti 4 portes n'était même plus d'actualité.
Fin 1963, Sherwood Egbert prit une décision radicale : il ferma l'usine principale, à South Bend et ne garda que celle d'Hamilton, au Canada. L'objectif était de réduire la voilure pour abaisser le point-mort. Peu avant noël 1963, South Bend ferma donc définitivement. La petite usine d'Hamilton produisit donc des Lark re-reliftée pendant trois ans.
En fait, Studebaker payait cash une décennie de "un pas en avant, deux pas en arrière". Il rejeta ainsi trois propositions de berline de Porsche (principalement car les ingénieurs étaient jaloux.) A la fin des années 60, Studebaker approcha Isuzu pour un modèle rebadgé. Mais le constructeur Américain traina les pieds et il dut fermer boutique, avant d'avoir pu prendre une décision.
Signalons que l'Avanti n'est pas complètement morte à la fermeture de l'usine de South Bend. Deux anciens rachetèrent les droits et les moules de l'Avanti. Ils l'équipèrent d'un moteur de Corvette et créèrent l'Avanti II. Ils tentèrent même de faire distribuer leur création dans ce qu'il restait du réseau Avanti !
Puis l'Avanti Motor Company passa de mains en mains. Tom Kellogg, un ancien de l'équipe de Raymond Loewy (et auteur de l'Avanti 4 portes) effectua un lifting profond dans les années 90. La production passa de South Bend à l'Ohio, la Georgie et enfin, le Mexique. L'Avanti de 2005 n'était en fait une Mustang avec un avant évoquant le coupé originel. Le propriétaire prétendait avoir passé un accord avec Ford. C'était surtout une escroquerie. L'incarcération du propriétaire fut synonyme de fin de parcours définitif pour l'Avanti.
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