Chery QQ par XCarToys
Comme d'habitude, la miniature est parfaitement exécutée. Elle est proposée en trois couleurs vives, comme la vraie. La carrosserie est d'un seul bloc, mais XCarToys a tenu à marquer les différents éléments. Si on était méchant, on dirait que sur la vraie aussi, il y avait des espaces entre les panneaux de carrosserie...
Le gag, c'est l'autorisation de Chery. Oui, c'est une reproduction authentique de Chery !
Et au pire, qu'est-ce que Chery pouvait faire contre XCarToys, les trainer en justice ? Allons !
Dans les années 90, les régions Chinoises les plus pauvres reçurent des aides au développement de Pékin. Ces aides étaient destinées non pas à mettre en place des programmes sociaux, mais à monter des fonds d'investissements. C'était le cas de la province d'Anhui, au sud de Shanghai. Dans la Révolution Culturelle, c'était l'un des endroits inhospitaliers où l'on expédiait les "droitiers". Comme Yin Mingshan, futur fondateur de Lifan. Et puisque l'automobile était en plein boum, les deux fonds d'Anhui allaient financer une marque locale.
Yin Tongyao est un enfant du pays. Il fit parti de l'équipe en charge de la création de la Hong Qi CA770G. On le retrouva ensuite sur le projet de la FAW-Audi 100. Devenu cadre supérieur, il participa à la mise en place de FAW-Volkswagen et le démarrage de la première vraie usine d'assemblage Chinoise.
Vers 1994, la province d'Anhui lui offrit 300 000 yuans et un terrain en friche près de Wuhu pour créer un constructeur ! En 1995, la société Qirui Qiche était immatriculée. Du moins, la transcription en pinyin de 奇瑞 aurait du être "Qi rui" (à prononcer "tchi rui".) Mais en 1994, les habitants d'Anhui avaient des difficultés avec les pinyin. Du coup, "Qi rui" devint "Chery".
Yin Tongyao aurait ensuite fait des courses au Brésil. En tant qu'ancien employé de VW, il savait sans doute que la joint-venture Autolatina était sur le point d'exploser. Ford rebadgeait des Volkswagen et vice-versa. A São Bernardo do Campo, Volkswagen laissait derrière lui les machines dédiées aux Ford rebadgées. Chery les racheta. Yin Tongyao mit aussi l'outillage de la Seat Toledo dans ses valises. D'après Chery, un industriel Brésilien l'avait acheté à Seat, en vue d'une production au Brésil, mais pour cause de crise économique, le projet capota. D'après Volkswagen, l'industriel en question n'était qu'un homme de paille. VW voyait bien que Chery cherchait à s'approprier de l'outillage et il avait refusé de lui vendre des moules ou des plans. Le vrai-faux industriel était un subterfuge pour les obtenir.
Pendant ce temps, à Wuhu, la friche a été rasée. Des jeunes, souvent fraichement diplômés, travaillent dans des préfabriqués. La plupart n'ont donc aucune expérience du secteur automobile... D'ailleurs, à l'époque, beaucoup savent à peine ce qu'est une voiture. Les rues de la ville appartenant exclusivement aux vélos, aux 125 et aux camions...
L'attitude de l'état Chinois était ambigu. D'un côté, il souhaitait la motorisation du pays, à tout prix. Néanmoins, la bureaucratie souhaitait que les constructeurs étatiques (BAIC, ChangAn, DongFeng, FAW, GAIG et SAIC) conservent un monopole de la production. Du coup, Chery donna 25% des parts à SAIC et il profita de sa licence de production.
En 1999, Chery dévoila officiellement la Fulwin et la production débuta dans la foulée. En pratique, ce n'est que vers 2002 que le constructeur fut réellement capable de la produire à la chaine.
La plupart des constructeurs Chinois -y compris les joint-ventures- en avaient tellement bavé pour produire une voiture, qu'ils se reposaient ensuite. Pas Chery. A peine la Fulwin dévoilée, le constructeur réfléchissait à une citadine, pour faire du volume. Yin Tongyao savait où il allait la trouver : en Corée du Sud.
La crise Asiatique de 1997 fut une catastrophe biblique pour les Coréens. Après quatre décennies de croissance annuelle à deux chiffres, le pays connaissait une contraction de son PIB à deux chiffres. Les chaebol, ces conglomérats omniscients, gitaient. La classe moyenne craignait de retrouver le pays misérable, tel qu'il était après la guerre de Corée. Au point, où il y eu des vagues de suicide.
Daewoo semblait immunisé. Il racheta Ssangyong et fit un offre pour Kia. Mais vers 1999, il sombra à son tour. Kim Woo-choong, le fondateur du chaebol, quitta le pays, alors qu'il était mis en examen pour faillite frauduleuse.
Dans ce contexte de panique généralisée et de chaos, Chery fit son shopping. Elle convainquit des cadres de Daewoo de l'aider à produire un clone de Matiz. Daewoo Motors était en fait un agglomérat de filiales. Sans compter les usines d'assemblage de kits. Certains sites avaient été fermés du jour au lendemain, sans avoir été vidés. Chery put donc facilement récupérer des Matiz, leurs plans et tous ce qui était nécessaire à leur production. Sachant qu'en 2001, la reprise de Daewoo Motors par General Motors n'était que très partielle. Certaines entités devenaient GM-Daewoo, d'autres devenaient des fournisseurs privilégiés de GM-Deawoo, mais l'essentiel de Daewoo Motors se retrouvait livré à lui-même. Chery continua donc tranquillement de passer la Matiz au papier-carbone...
Le résultat, ce fut la Chery QQ de 2004. Le constructeur copia la Matiz jusqu'au trois cylindres 0,8l 51ch !
Les premières citadines Chinoises étaient austères et typées bas de gamme ; elles se destinaient aux masses laborieuses.
En 2003, SAIC-VW avait été disruptif avec sa Polo. Les Allemands ciblèrent les jeunes classes moyennes des villes. La Polo Chinoise était plutôt suréquipée, proposée dans des couleurs chatoyantes et ils avaient recruté le blogueur Han Han comme porte-parole.
Chery surfa sur la vague de la citadine pour jeunes bobos (alias "post 90".) "QQ" était d'ailleurs le nom d'une messagerie très prisée des jeunes Chinois. Le tout pour un prix de 4 000€ !
Avec 10 000 ventes par mois, ce fut un carton inédit pour une citadine. Dès 2005, Chery devint le premier constructeur Chinois "pur", doublant le pionnier Geely.
GM cria au plagiat (à raison.) Mais Chery, sûr de la complaisance des juges Chinois, répondit : "Qu'ils viennent me chercher !"
Le talon d'Achille des constructeurs Chinois, c'était la R&D. Chery, lui, se fit financer l'étude de ses modèles, par trois fois !
En décembre 2002, alors que la Fulwin et la QQ n'en étaient qu'à la pré-série, Malcolm Bricklin débarqua à Wuhu. L'homme d'affaires souhaitait représenter la marque aux Etats-Unis. Du moins, il souhaitait que Chery produise pour lui des voitures modernes à prix "Chinois". Elles seraient vendues aux Etats-Unis sous la marque Visionary Vehicle.
Malcolm Bricklin commandita (à ses frais) l'étude de toute une gamme de véhicules : citadine, compacte, grande berline, coupé-cabriolet et SUV. Les lignes étaient signées Bertone, Ital Design, Pininfarina et Lotus. Les moteurs, eux, étaient étudiés par AVL. Objectif : les vendre dès 2007.
Chery et Malcolm Bricklin se brouillèrent en 2006. Le constructeur lança les futures Visionary Vehicle sous ses couleurs, alignant ainsi une gamme inédite. La seule action de Malcolm Bricklin fut d'interdire à Chery de vendre quoi que ce soit sur le sol Américain.
Arriva alors Chrysler, fraichement divorcé de Daimler. Pour se relancer en Amérique Latine, il projeta d'y construire des Chery rebadgées (faute de modèles dans sa propre gamme.) A terme, la firme au pentastar aurait pu distribuer des Chery aux Etats-Unis (comme au temps des Chrysler Import Center.)
Même le Chrysler époque Cerberus jugeait les Chery mal finies. La citadine A1 et la compact A3 (deux des ex-futures Visionary Vehicle) furent revues en profondeur.
L'accord n'aboutit pas, mais il permit à Chery de lancer des modèles "2.0", d'après les recommandations de Chrysler.
Puis il y eu enfin DR. Le distributeur Italien souhaitait proposer des Chery équipées de Fiat Multijet. Trouvant le SUV Tiggo trop quelconque, il le fit redessiner intérieurement et extérieurement. Il le vendit sous le nom de DR5. Là encore, il s'agissait d'un Visionary Vehicle. Chery baptisa ce Tiggo plus cossu "Tiggo DR", en hommage à son commanditaire.
Chery abordait la décennie 2010 en position de force. Avec plus de 500 000 ventes par an, il avait atteint son point d'équilibre. En prime, il disposait d'une présence certaine en Amérique Latine, en Asie du Sud-Est et en Afrique du Nord.
Pour la suite, Yin Tongyao prit des décisions a priori sages : montée en gamme, implantation plus durable à l'export (avec ouverture de l'Australie, de l'Argentine, du Brésil et de la Serbie) et création d'une marque access premium, destinée à l'occident (Qoros.)
Hélas, ce furent une série de flops. Pour les Chinois, Chery restait le constructeur de la modeste QQ : pas question de payer 20 000€ une grande berline ou un SUV Chery. A l'export, il subit de plein fouet la stagnation économique de l'Amérique Latine. Quant à Qoros, le lancement Européen, sans cesse repoussé, fut finalement ajournée. Les ingénieurs et cadres occidentaux, débauchés à grands frais, partirent ailleurs. Danilo Teobaldi, responsable de l'ingénierie, est ainsi l'une des figures de prou de NIO.
Aux Etats-Unis, Chery misait sur la disparition de Malcolm Bricklin (né en 1939) et l'évaporation de Visionary Vehicle. Mais l'homme d'affaires est immortel ! Il fit tourner par son fils un documentaire, où il déclamait tous ses regrets sur le naufrage de Visionary Vehicle et à quel point il était peiné pour les pigeons investisseurs. En juillet 2013, un juge de Detroit condamna Chery. Le marché Américain lui restait interdit. Y compris pour Qoros.
4 jours plus tôt, c'était cette fois un juge Chinois qui condamnait le constructeur. Cette fois-ci, cela concernait le nom "QQ". Tencent, l'éditeur de la messagerie, gagnait son procès. De toute façon, la mode était passée et la Chery QQ quitta la scène.
Dans un catalogue de 2010, la QQ se comparait à la Coccinelle ou à la Mini. Comme elles, la micro-citadine aurait du être le point de départ d'une aventure industrielle. Ce fut hélas un quasi-feu de paille.
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