A côté, une intruse : une Simca Versailles. Après tout, cette voiture possédait des origines Américaines...
A 4,52m, la native de Poissy semblait immense, à l'époque. Rappelons que la circulation tricolore était dominée par la 4cv et ses 3,66m... Mais les gabarits US, c'était autre chose. Avec ses interminables porte-à-faux, la Buick mesure 5,57m !
Un quatuor de katrapla. Elles aussi, elles ne sont pas censées être là... Mais les Volkswagen dans une concentration d'anciennes, c'est juste incontournable. Au même titre que le joueur de tam-tam dans les festivals de musique (cf. les BD de Zep.)
Autre "géante" : la Ford Galaxie 500, le deuxième plus gros modèle de la gamme "berline" de l'ovale bleu. Car juste au dessus, il y avait la Galaxie 500 Starliner, avec son toit escamotable en deux parties. L'un des défauts des Peugeot "Eclipse", c'était le toit minuscule. Ford avait donc ajouté une cassure à mi-longueur et ainsi proposer un vrai coupé-cabriolet 4 places... Mais il n'avait pas résolu les autres défauts. Le plus évident, c'était le coffre plein, une fois décapoté. Mais l'autre soucis, c'est que même équipée d'une inédite batterie 12 volts "29N", le système avait tôt fait de pomper tous vos ampères...
De la Vauxhall Prince Henry, à la Ferrari Daytona, nombre de voitures ont été nommées suite à une victoire dans une épreuve. C'était une manière de fêter son succès et de signaler aux clients potentiels que cette marque a triomphé. L'usage voulait que le nom (ou une référence au nom) soit utilisé dans les deux années suivants une victoire (le terme "victoire" s'appliquant aux victoires de classe.)
Pontiac fit un bras d'honneur aux us et coutumes. Au début des années 60, Pontiac voulait des noms qui évoquent la vitesse, l'exotisme... D'où le choix de Bonneville, Grand Prix et ici, Le Mans. Sauf erreur, aucune Pontiac n'avait couru dans la Sarthe, mais tant pis.
On reste chez Pontiac avec la célèbre Firebird Trans Am. Oui, la Trans Am était une compétition et bien sûr, Pontiac ne s'y était pas imposée. C'est John Z DeLorean qui aurait eu l'idée du "screaming chicken". Norm Inouye est l'auteur du dessin. Bill Porter le valida. Mais c'est DeLorean qui saisit le potentiel commercial. La marque ronronnait et il fallait marquer le coup. Peinture dorée, jantes nid d'abeille, prises d'air à gogo et cet énorme oiseau sur le capot. C'est sûr que c'était très voyant !
La Firebird Trans Am bénéficia de l'effet Smokey and the bandit, aux USA. Une de ces comédies-road movies typique de la fin des années 70. Autant le film est devenu culte aux USA, autant il est passé inaperçu en France. Qui connait Cours après moi, shérif, la VF du titre ?
En voyant ces deux voitures, je me suis dit : "Ce mois-ci, au sommaire de Nitro..." Et en me retournant, j'ai vu une banderole du magazine !
Ah,
Nitro... Fondateur d'Echappement,
Michel Hommell a vite songé à lancer d'autres titres. En 1976, il y eu
Auto-Hebdo et
Auto Verte. "Auto Verte", car c'était comme cela que l'on désignait la pratique du tout-terrain (par analogie avec la "moto verte".) Très centré 4x4,
Auto Verte a commencé à suivre les nombreuses concentrations et autres salons de l'auto locaux. Du coup, en 1979, Hommell lança Auto Loisirs, tourné vers la "culture bagnole". Y compris les premiers hot rod qui commençaient à apparaitre en France, dans la foulée de la diffusion d'
American Grafiti. En théorie, Michel Hommell était le rédacteur-en-chef de tous ses titres. Mais de facto, c'était Jacky Morel qui tenait la barre d'
Auto Loisirs.
Outre-Quiévrain, un jeune publicitaire s'est fait construire une Oldsmobile 88 façon hot-rod avec top chop, châssis raccourci.
Patrice de Bruyne, le publicitaire en question, décrocha un contrat pour un cigarettier. Il fit construire un second rod et repeint l'Oldsmobile aux couleurs du cigarettier. En parallèle du road show, Patrice de Bruyne édita une feuille de choux à la gloire des cigarettes et de ses rods. Le public était enthousiaste. Le publicitaire se décida à passer la seconde. D'une part, il commença à organiser des meetings d'hot-rods, avec démonstrations de dragsters. En parallèle, en 1980, il fit évoluer sa feuille de choux en vrai magazine, avec
Chromes & Flammes. Au menu, des hot-rods, des reportages sur les USA, beaucoup de pin-up... Et les meetings organisés par Patrice de Bruyne !
Michel Hommell assista à un meeting de de Bruyne au Mans, en présence de Jacky Morel. Le patron de presse eu l'idée de Nitro, un magazine de hot-rods, mais plus centré sur la construction des voitures. Il débuta en 1981. Quant à Jacky Morel, il créa Rod et Customs, en 1982.
Nitro ne décollait pas. En 1984, un pigiste de
Chromes & Flammes dénonça son patron au fisc (NDLA : ça sent les piges impayées...) Peu après,
Rod et Customs baissait lui aussi le rideau. Michel Hommell demanda à Jacky Morel de transformer
Nitro en clone de
Chromes & Flammes (mais avec moins de pin-up.) Du coup, le magazine décolla. Le milieu rod Français décollait. On hésitait pas à customiser
de vieilles "popu" françaises. En 1985, Jacky Morel lança un nouveau titre pour Hommell :
Super VW. Il finit par laisser le poste de rédacteur-en-chef à Olivier Quesnel, futur responsable de Citroën Sport. Désormais, la maquette de
Nitro était calquée sur celle du prestigieux
Hot Rod Magazine. Un magazine US auquel
Nitro achetait certains articles. C'était aussi l'arrivée de pigistes comme Daniel "Zoot" Dimov, Denis Sire et les photos de Dingo (en charge notamment du poster central.) Dès 1990, Michel Hommell basculait Olivier Quesnel sur
Auto-Hebdo ; Claude Lefebvre, un journaliste, était promu rédacteur-en-chef. Dans l'organigramme, on voyait aussi un jeune photographe, Didier Soyeux.
Claude Lefebvre étendit
Nitro à la "culture US". Cela incluait
les nouvelles Chrysler distribuées par Sonauto, les films où l'automobile US tenait le rôle principal (comme
Rain Man), mais aussi les objets américanisants (les tee-shirts Chevignon, la chaîne de restaurants Hollywood Canteen, les gadgets de Soho, etc.) Il tint aussi à faire des dossiers sur tel ou tel classique US. Puis l'engouement autour des fifties et des sixties s'est estompé. La mode était désormais
au tuning. D'ailleurs, le groupe Hommell lança
Shift'R... L'American Car Club de France, un temps moteur de l'ancienne dans l'hexagone, se plaignit de la baisse du nombre d'adhérents. Pendant ce temps,
Nitro changeait de maquette tous les quatre matins. Michel Hommell créa un nouveau titre :
American Muscle Cars. Ce magazine piloté par Didier Soyeux libérait ainsi
Nitro de ses pages "culture US". Dés 2009, sur les forums, il y avait des rumeurs de disparition prochaine de
Nitro. En 2016, Claude Lefebvre prit sa retraite. Notez qu'en plus d'être rédacteur-en-chef, il gérait la page
Facebook et l'adresse mail "contact" du magazine. C'est dire si l'équipe s'était réduite à peau de chagrin. Didier Soyeux succéda à Claude Lefebvre, gérant donc deux titres à la fois.
En 2020, le groupe Hommell accusait un passif de 15,5 millions d'euros. Plusieurs titres (dont Auto-Hebdo) furent revendus. Le groupe frôla la dissolution, Michel Hommell fut poussé vers la sortie, mais Nitro continue.
Voilà, j'ai un peu pourri l'ambiance avec cette quasi-nécrologie de Nitro !
Changeons de sujet, vous préférez laquelle, parmi ces Ford Falcon ? Version stock ou custom ?
A mon avis l'engouement pour les voitures Américaines a débuté avec le cinéma des années 70. Des road movies comme Macadam à deux voies, Point Limite Zéro... Plus les American Graffiti et Cours après moi, shérif sus-cités. Des voitures filmées comme de vraies stars et aussi une image de la voiture comme instrument de liberté, comme reflet de sa personnalité.
Puis vous avez la télévision des années 80. Les séries TV françaises n'étaient vraiment pas terrible : Marie Pervenche, Maguy, Vivement Lundi... Alors, les chaines achetaient en masse des séries US. Vous en aviez en mâtiné, l'après-midi, en début de soirée... Mais c'était le week-end qu'elles s'y donnaient à cœur joie : MacGyver, L'Agence tout risque, L'homme qui tombe à pic, K2000, Tonnerre Mécanique, Supercopter, Rick Hunter, Hooker, L'homme qui valait trois milliards, Starsky & Hutch, Wonder woman, Kojak, Shérif fais moi peur, Riptide... Des séries diffusées, rediffusées, puis re-rediffusées, sans aucun scrupule.
Toutes ces séries avaient des scènes de poursuite et des cascades. Les constructeurs donnaient volontiers des véhicules. Ils pensaient que toute apparition était bonne à prendre. Accessoirement, c'était un bon moyen de liquider les invendus.
Ce qui marquait le spectateur, c'est que vous aviez une mise en valeur de la voiture et de l'American way of life. Avec des personnages principaux vivant seuls dans d'immenses maisons, par exemple. Prenez les voitures de police. En France, on en était aux R11 et autres R18 break, couleur pie, avec un unique gyrophare sur le toit et qui prenaient 140 en bout de descente. Dans les séries US, les policiers avaient des Dodge Monaco et autres Chevrolet Impala, avec des pare-buffles et des rampes de gyrophares. Et je ne parle même pas des motards en Harley... Forcément, à force de voir ça tous les week-ends, vous étiez vacciné !
Où placer le curseur des "Belles Américaines" ? Autrefois, c'était la période 1945-1965. Car après 1965, les chromes se raréfièrent et les ailerons disparurent. Aussi, c'était le début des muscle cars. Au Rock and Roll Car Show, c'était 1975. Après cela, les cylindrées diminuèrent.
La Dodge Charger de troisième génération correspondait à la fin des muscle cars. Les Challenger et Super Bee furent arrêtées. La Charger fut la seule à poursuivre son chemin, mais elle voulait évoluer vers un style plus luxueux (on dira plus clinquant.)
Une "petite" Plymouth Valiant, de deuxième génération. Ce fut la première compacte du groupe Chrysler. Quasiment simultanément, les Trois Grands lancèrent des compactes : Chevrolet Corvair, Ford Falcon et donc Plymouth Valiant.
Jusque là, les groupes réfléchissaient en positionnement par marque. Chaque groupe ne fabriquait qu'un seul modèle, décliné en plusieurs marques. Ils jouaient sur les équipements, la motorisation et surtout, l'aspect, pour se positionner. Sachant qu'à l'intérieur d'une marque, un modèle était décliné en trois, voire quatre finitions.
Mais à la fin des années 50, les Américains en demandaient davantage. Certains voulaient des compactes, d'autres des tout-terrain ou des vans vitrés. Ces voitures, ils les trouvaient chez les importateurs ou les constructeurs indépendants. Face à cela, les Trois Grands étoffèrent leur gamme. Terminé, le modèle unique ! A la fin des années 60, les noms de modèles ne correspondaient plus à des finitions, mais bien à des voitures différentes. Des voitures de gabarits, de motorisations et de positionnements différents... Mais qui étaient commercialisées sous deux ou trois marques, au sein du groupe. Et sur le long terme, cela posa
la question de la plus-value d'une marque, par rapport à une autre, au sein d'un groupe.
Pour terminer, une Chrysler Saratoga de 1960 (un nom qui sera réutilisé beaucoup plus tard...) Visiblement, le propriétaire est un nostalgique de Kennedy !
J'arrive presque à la fin de la concentration ; le terrain de rugby est déjà clairsemé. J'imagine que les propriétaires ayant des jeunes enfants ont déjà tourné les talons. Pour autant, mon impression générale, c'est que le collectionneur d'Américaine de 2024, collectionnait déjà les anciennes en 1990. Dans les films et séries US actuels, il n'y a quasiment plus de voitures. Les polars préfèrent s'attarder sur les scènes d'autopsies ou de hacking. James Dean, Marilyne Monroe et Elvis Presley, on les a quasiment oubliés. De plus, l'imaginaire des ados, c'est désormais plutôt les JDM ou les grosses cylindrées Allemandes. Quand bien même votre jeune actif aimerait les Américaines : où la garer ensuite ? Sans parler des 100€ à débourser à chaque plein. Et toutes les semaines, qui plus est. Quant aux collectionneurs ayant les moyens, ils boudent ces voitures jugées trop vulgaires.
On assiste au même phénomène qu'avec les entre-deux guerre, il y a vingt ans. Les prix des Américaines des années 50-60
s'est effondré. Ceux qui s'y intéressaient sont sur le départ. Les négociants doivent solder leurs véhicules auprès
des maisons de ventes aux enchères. Tout cela, on ne peut que le regretter.
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