Auto Tour : France 2020


Il y a une semaine, j'avais évoqué Carmen et son projet de balades en Porsche 911 pour riches Chinois. Et si nous avions pu le concrétiser ? A quoi aurait ressemblé une tournée ?

J'avais présenté une dizaine de projets, dont un sur le quart Sud-Ouest (de Toulouse à La Rochelle, via Pau, Biarritz et Bordeaux.) Elle a opté pour celui-ci, ramené à un tour de l'estuaire de la Gironde et baptisé "France 2020".

Il aurait donc du être le premier de notre société. Carmen l'aurait financé avec les fonds d'une richissime tante (avec laquelle elle ne s'entendait pas trop.) Evidemment, lorsque Carmen est venue la voir, la tante l'a envoyée promenée.

La suite est donc une pure fiction (en admettant qu'en plus, il n'y est jamais eu de Covid-19...)

"L'avant"
Une telle tournée, c'est un gros travail en amont. 

Carmen devait trouver une dizaine de riches Chinois acceptant de débourser environ 75 000 yuans (soit 10 000€) pour 9 jours à Bordeaux. Dans le lot, l'un d'eux n'a pas de passeport et un couple a demandé un visa au consulat des Etats-Unis (NDLA : le Chinois moyen connait aussi mal l'Europe que l'Européen moyen ne connait l'Asie...) Ensuite, ils doivent obtenir une équivalence de leur permis de conduire. Elle s'occupe également des partenariats. Un manufacturier de pneus nous a tout de suite suivi.

Pour ma part, je dois tout approvisionner. A commencer par le "pace car", une 911, bien entendue. En optant pour une automatique, j'ai pu dégotter une voiture de 2016  jamais accidentée, entretien Porsche, pour 100 000€. Il y a aussi "Van #1", un Volkswagen Caravan. Ils dorment dans des boxes. J'ai besoin d'outils, d'accessoires (comme un drapeau à damier), de vêtements, de calicots... Bref, de longues journées chez moi, derrière l'ordi, avec les cartons qui s'accumulent.

Puis il y a les reconnaissances, trois jours avec Carmen. Comme l'argent de la tata n'est pas illimité, on dort à l'Ibis de Bordeaux ! Il s'agit de valider le parcours et définir des "routes B".


Les derniers jours
A J-4, on descend à Bordeaux. Carmen et Marianne me rejoignent à Paris. Mannequin durant son adolescence, Marianne a le charme et la prestance. De plus, en tant qu'auxiliaire de santé, elle est capable de jouer les secouristes.
Je conduis le pace car. Comme Carmen n'a pas le permis, Marianne se charge du "Van #1"... Mais comme elle est jeune conductrice, mieux vaut se prendre deux jours... On investi un grand hôtel, où l'on restera jusqu'au deuxième jour de la tournée.

A J-2, les hôtesses arrivent. Je les avais recruté via des réunions sur Teams, WeChat et Skype. Bordeaux possède plusieurs écoles de commerce, qui font la soudure en intégrant des étudiants Chinois. Ils sont souvent issus des classes moyennes de la cote (les bonnes familles de Pékin et Shanghaï envoient leurs enfants aux USA.) Et sur place, les étudiants découvrent que la vie en France est un poil plus chère qu'en Chine... Au moins, on peut trouver facilement des jeunes filles parlant français et mandarin. Par contre, elles ont le look "première de la classe". Marianne est chargée d'une formation maquillage/présentation express. Et je leur remets trois tenues à chacune.

Impossible de trouver six 911 chez un loueur. Il y en a trois d'un premier loueur et trois d'un second. G (1) débarque à J-1. Premier job : recetter les voitures et les sticker à nos couleurs (ce qui est théoriquement interdit par le contrat de location.) Au volant de son camion-atelier, alias "Van #2", il doit veiller à ce qu'elles restent nickel. On a prévenu Porsche Bordeaux, au cas où. Et en cas de gros problème, la sixième voiture servirait de back-up.
Le dernier soir, les hôtesses mangent à l'hôtel. C'est aussi un moyen de rôder le service. En effet, les Chinois ont des habitudes particulières. Lors des repas, il faut mettre les plats au centre de la table et ils piochent dedans. Accessoirement, ils aiment les viandes très cuites, avec des os et ils méprisent les légumes crus. Le pire étant les épinards (2.) De plus, même s'il n'y a que dix invités, il faut au moins un serveur en permanence à proximité. Ensuite, Marianne va avec les filles dans un trois étoiles. C'est là qu'elles dormiront tous les soirs. Marianne jouant les chaperonnes (alors qu'elle est la benjamine.) Néanmoins, ce n sont pas le genre à faire le mur pour aller en boite ; elles préfèrent passer leurs soirées à réviser.

Jour J
En fin d'après-midi, un minibus affrété pour l'occasion vient chercher nos dix participants. Ils ont droit à un accueil royal, à leur arrivée à l'hôtel. D'abord, le sourire de Marianne, véritable déesse Asiatique, habillée en race queen. Moi, habillé en pilote, je me tiens aux côtés de la sixième voiture (que l'on a fait rentrer à l'intérieur.) Puis un cocktail de bienvenue et un sac de goodies, distribués par les hôtesses. 干杯 ! Et enfin, le "red carpet". Carmen, monteuse vidéo à ses heures, les interview. Les joues rosies par le cocktail, les participants sont forcément sur un nuage. C'est idéal pour la vidéo publicitaire que l'on diffusera ensuite. En attendant, on en profite pour leur faire signer les décharges. Curieusement, les hommes venus avec madame sont ceux qui exigent le plus de selfies avec Marianne. Les rouleaux à pâtisserie vont voler très bas, dans la chambre...

Jour 2
On reste à Bordeaux. Les participants subissent le décalage horaire. Il y a différentes formules : homme seul que l'on place de manière aléatoire, homme seul qui tient à partager sa voiture avec quelqu'un de précis, couple (un seul conducteur), couple (les deux personnes conduisent) et homme seul dans la voiture. J'ai surnommé cette dernière formule "Neil Young" (alias "le loner"), ce qui ne fait rire personne.
En attendant, on a trois couples (où seul l'homme conduit) et quatre participants à placer au hasard. Soit sept conducteur. Je me charge d'un bref test de conduite, pour valider leurs aptitudes. Puis un huitième test pour l'hôtesse qui devra conduire la voiture de réserve.

L'après-midi, c'est shopping. Sans surprise, ils cherchent surtout du lait Hipp, de l'anti-moustique et des crèmes Lancôme (3.)

Le soir, dégustation de cannelés.


Jour 3
On quitte Bordeaux pour... Saint Emilion. Un programme allégés, toujours à cause du jet-lag et aussi pour qu'ils se familiarisent avec la voiture. L'arrivée, c'est bien sûr une propriété viticole (en l'occurrence un proposant des visites en mandarin.) En bon commerçant, le responsable du domaine veut leur faire goûter tout ses vins et les Chinois refusent de le recracher...Ils sont donc ivre-mort. Au moins, ils repartent tous avec des caisses de vin millésimé. Les affaires sont bonnes pour le responsable, qui me file un bouteille. Le minibus dépose le groupe à l'hôtel... Plusieurs caisses resteront sur les sièges. G et moi, on se charge des voitures. Le personnel de l'hôtel est assez flegmatique. Forcément, à Saint Emilion, ils ont déjà vu des personnes en état d’ébriété après une visite de cave...

Le soir, dégustation de cigares. Gros succès pour le vendeur.

Jour 4
Direction Royan, soit 160km en prenant le chemin des écoliers. A mi-parcours, on s'arrête déjeuner. Et à chaque demi-journée, à mi-parcours, il y a un "coffee stop" (ou plutôt, un "tea stop".) Dans un environnement inédit, le conducteur a tendance à se sur-concentrer. Donc à se fatiguer très vite. Lorsque je donnais des cours de conduite, les novices partaient complètement au bout de 45 minutes.
Le dispositif est le suivant. Moi, seul, dans la voiture de tête. Suivi par les cinq 911 des clients. Carmen et l'hôtesse-conductrice ferment la marche dans la voiture de réserve. Et G, dans le Van #2, suit tout le monde. G, Carmen et moi sommes en liaison par talkie-walkie. Et on a tous les trois le parcours dans le GPS. Dans le Van #1, Marianne et les quatre autres hôtesses, prennent les raccourcis pour arriver avant nous. Au coffee stop, le client doit avoir une tasse de thé chaude qui l'attend. Et le soir, on lui tnd directement la clef de sa chambre. A 10 000€ environ par client, c'est un minimum.

L'hôtel de Royan a été sélectionné car il possède un golf. L'occasion d'un mini-tournoi. G, Marianne et moi -les trois non-Chinois de la troupe-, on est à la plage. Au préalable, on a quand même mis quelques litres d'essence dans les réservoirs.
Avant le diner, on propose un apéro, avec rosé et petits fours salés, devant le front de mer. Les femmes font des selfies, verre à la main.
Après dîner, Alicia débarque, dans son rôle de chanteuse, avec son ukulele. Pour l'occasion, elle a adopté un maquillage asiatique et adapté son répertoire. Exit Amy Winehouse, place à Quelqu'un m'a dit, Joe le taxi et autres ballades sirupeuses. Les hôtesses font des stories sur ce mini-concert.

Jour 5
On va dans les terres, direction Cognac. Le midi, visite d'Hennessy, qui propose des visites en mandarin. Lors de la dégustation, le sommelier ne peut retenir une larme en voyant le groupe faire 干杯 avec de l'Extra Old... Ils repartent presque tous avec un coffret "paradis" (avec bouteille en cristal) à 900€. On nous file, à Carmen et moi, une bouteille de Very Special pour me remercier.
La pause du midi s'éternise, le temps que l'alcoolémie retombe, puis l'on va à Mirambeau. Les clients, pourtant revenus de tout, sont époustouflés de pouvoir dormir dans un authentique château de style renaissance.

A l'arrivée, G et moi allons faire le plein des voitures. On est les deux seuls à avoir le droit de conduire les 911. Et les clients n'ont le droit de les conduire que sur le parcours. Pendant ce temps, Marianne et l'une des hôtesses vont sur Bordeaux, direction Métro, pour faire le plein de bouteilles d'eau, de biscuits salés, etc.

Un joailler de luxe nous rend visite. Et les femmes craquent. En moyenne, lors de leurs voyages, les Chinois dépensent 50% de leur budget en shopping (achats personnels et cadeaux pour la famille.) Ça, le secteur Français du luxe l'a bien intégré...

Jour 6
On va sur l'autre rive de l'estuaire de la Gironde. Beaucoup d'idées sur la forme de la tournée sont inspirées d'Audi et de Domi. Domi est un peu le dixième membre de l'équipe ; il m'a vraiment tout appris. Le hasard a voulu que la première tournée ait lieu dans sa région (c'est un choix de Carmen ; j'avais plutôt poussé pour les châteaux de la Loire.) Ce midi, on est au Pila, à quelques centaines de mètres de sa maison. Mais d'après Facebook, il participe à un rallye d'anciennes, avec son Escort RS.

Les Chinois ont une sainte horreur du bronzage. La peau mate, c'est bon pour les paysans, qui travaillent en plein soleil. Donc, pour le déjeuner sur la dune, ils sont en intérieur. Seuls G, Marianne et moi sommes assis en terrasse.

L'après-midi, on est à Arcachon. Evidemment, on visiter un ostréiculteur, avec dégustation sur-place.

L'animation du soir, c'est un horloger de luxe. C'est étonnant de voir comment la plupart des riches, au-delà des différences culturelles, se retrouvent autour des passions du golf, des cigares et des montres.


Jour 7
Retour sur Bordeaux et l'hôtel du début. Les clients ont de nouveau droit au red carpet, avec cocktail et interviews. Il y a une cérémonie de remise de prix. Puis ils partent assister, en minibus, à un match des Girondins de Bordeaux, en présence de Tao Jian. Il fait ses propres commentaires sur le match, à l'intention des invités.

Jour 8
C'est le retour au bercail. Le minibus ramène les clients. On a prévu un service de colisage, les compagnies aériennes Chinoises imposant un poids maxi des bagages très bas.
Pendant ce temps, G et moi faisons l'état des lieux des voitures, avec le dé-stickage. Pas d'accidents, pas besoin de prévenir Porsche Bordeaux. Bref, tout s'est bien passé. Les camions ramènent les voitures à leurs loueurs respectifs.
C'est aussi le débrief des hôtesses. Pas de souci, non plus. On veut faire une petite fête, dans un restaurant, mais les cinq jeunes filles préfèrent rentrer chez elles et réviser ! C'est donc à quatre, Carmen, G, Marianne et moi, que l'on célèbre la fin de la tournée.

(1) A ce moment-là, pour le mécano, je songeais à deux pros, qui ont tous les deux des prénoms en "G".
(2) En Chine, les sols sont souvent pollués. Or, la salade, en particulier les épinards, absorbe les métaux lourds.
(3) En 2008, il y a eu un scandale du lait pour bébé contaminé, en Chine. Une tragédie au pays de l'enfant unique. Quelqu'un a décrété que le lait infantile Français était le meilleur. Je n'ai pas d'explication pour l'anti-moustique. En tout cas, ils en ramènent.

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