Altaya a lancé une collection d'utilitaires Citroën au 1/43e baptisée... Utilitaires Citroën. Le numéro 7, c'est ce Citroën Type H de 1965, en version "Miko".
Le fascicule, c'est une astuce fiscale. Grâce à lui, chaque numéro devient techniquement un livre avec un cadeau bonus (à l'instar d'un Pif Gadget.) Donc TVA du livre, à 5,5%. Alors que si Altaya vendait la miniature seule, elle serait taxée à 20%.
Mais pour le-dit fascicule, Altaya fait le minimum syndical ! 8 pages, couverture comprises. L'histoire du Type H, de Miko et de ce camion de glaces sont vite expédiées. Dire que l'éditeur parle "d'œuvre éditoriale complète" !
La miniature est basée sur un véhicule qui existe vraiment. Le vrai Type H "Miko" était notamment
de passage à Chantilly. Ce jour-là, la 2cv AZU "Orangina" (reproduite dans le N°4 de la collection) était à quelques mètres de là. Concernant le "Miko", Altaya n'a pas fait reproduire le "Mme Garcia, Bourges". Par contre, les longues portées jaunes sont présents !
Le glacier avait fait construire nombre de véhicules pour vendeurs ambulants. Toute la partie arrière servait de comptoir. Les tôles, relevées à l'arrêt, offrait de l'ombre ou un abri en cas de pluie. La partie centrale de l'habitacle faisait office d'arrière-boutique et de réserve de glace.
A priori, le Type H n'était pas réfrigérée et il n'y avait pas de prise pour brancher un congélateur. La partie centrale était un simple caisson étanche. Si les glaces étaient un peu trop moles, le glacier passait un coup de bombe glaçante (NDLA : en gros, le produit nettoyant pour clavier d'ordinateur) et cela rendait son aspect aux glaces...
En fait, l'engouement pour le Citroën Type H est assez récent. Dans les années 50-60, son principal attrait, c'était son volume. 7,3m3, contre 6,8m3 pour les Peugeot D3/D4 et 5,3m3 pour la minuscule
Renault Estafette. Qui plus est, Citroën proposait un châssis long. En 1965, Peugeot haussa le ton avec
le J7 avec ses 8,7m3 et surtout, une technologie plus moderne. La firme aux chevrons riposta en cassant les prix. Malgré l'arrivée du
C35, il poursuivi sa carrière jusqu'en 1981.
Le Type H était complètement anachronique, avec ses suspensions en noyaux de pèche, son poussif moteur de traction, sa boite 3 vitesses et ses 90km/h (à vide, en bas d'une descente.)
Les utilisateurs furent bien content de le quitter. Et faute de demande en occasion, les Type H rouillèrent dans un coin. Tome et Janry illustrèrent bien cela avec cette case de Qui arrêtera Cyanure ? (1985.)
Dans Les Grandes Marques - Citroën (1987), il n'y avait aucune photo de Type H. Y compris en arrière-plan d'un autre véhicule. Pire : le fourgon n'était même pas cité.
Le Type H sortit (un peu) de son purgatoire en 1994. L'époque était aux monospaces et les nouveaux entrants se cherchaient une crédibilité en la matière. Euro-RSCG eu l'idée de rattacher le Citroën Evasion, au Type H...
En version "panier à salades" !
Une campagne pleine d'humour, accompagnée d'une publicité faisant ce même parallèle.
Mais le vrai décollage du Type H fut au milieu des années 2010, avec l'essor des food-trucks. Il avait pour lui sa silhouette inimitable et rustique. Sans oublier son côté "France profonde". Or, l'ironie était la clef de voute des hipsters : je veux un décor le plus franchouillard possible, pour manger de la nourriture hors-sol.
La mode des food-trucks est un peu retombée. Pourtant, les prix des Type H restent élevés. Comptez 10 000€ pour une quasi-épave vendue au milieu de nul part et 40 000€ pour un véhicule déjà transformé. Au-delà des food-trucks, il est devenu un symbole du terroir et d'une France éternelle. Caselani a profité du phénomène pour proposer
des utilitaires Citroën modernes au look de Type H. Il existe également des remorques (non-motorisées) en forme de Type H. On en trouve
jusqu'en Malaisie ! Enfin, il existe des Type H en carton, comme
Jean-Michel, sur lesquelles ces photos ont été prises...
Et bien sûr, les fabricants de miniatures s'en donnent à cœur-joie. La Collection Citroën débuta d'ailleurs par un Type H "Gervais".
Je me suis rendu compte que c'était mon troisième camion de glaces miniature ! Trois miniatures réalisées d'après des véhicules existants vraiment (
l'Estafette faisant parti de la collection Renault.) Il faut dire que parmi les utilitaires, il a un rôle particulier. D'ordinaire, l'aménagement est purement fonctionnel. Un camion de glaces ambulant, lui, doit être vu de loin. Il doit générer du désir. Notamment chez des enfants qui ne savent pas lire. D'où des couleurs vives et de larges inscriptions.
Qui plus est, il y a les proportions, assez inhabituelles. Un camion de glaces n'a pas besoin d'un châssis long. Par contre, le glacier doit pouvoir tenir debout, à l'arrière. Enfin, il faut de larges ouvertures pour montrer les produits.
Pour un fabricant de miniatures, s'ajoute en plus la nostalgie chez l'acheteur potentiel.
Luis Ortiz Martinez est né en 1889 dans un hameau perché dans les montagnes de l'Espagne septentrionale. Dans la région, il y avait beaucoup de marchands ambulants : lait, gaufres, beurre... Et glaces (peut-être un lointain héritage des Maures.) Le petit Luis passa ainsi son enfance à arpenter les communes des alentours.
En 1905, il traversa les Pyrénées. Il enchaina les petits boulots, aux quatre coins de la France... Et en passant ses week-ends à vendre, glaces, gaufres et friandises dans la rue.
En 1922, Luis Ortiz s'établit à Saint-Dizier. Avec ses cinq fils, les "Titiz" sillonnaient la Haute-Marne à bord de triporteurs. Ils vendaient des glaces, mais aussi des gaufres, des marrons chauds, etc. Infatigable travailleur, Luis Ortiz démarchait les foires, kermesses et autres cinéma, le week-end.
Notez qu'à Deauville, ses cousins Fernand, Joseph et Manuel Ortiz avait ouvert un glacier, en 1919. Sous l'enseigne "Glaces Pompon". Tandis qu'un certain José Ortiz (a priori homonyme, mais issu de la même région) fonda les Glaces Ortiz, au Havre. Barnabé Martinez, un autre cousin, fabriqua des esquimaux assez grossier, en 1925. Il vendit son affaire à Charles Gervais, en 1928. Quant à Oligario Martinez, il avait travaillé avec Luis Ortiz dans une verrerie Parisienne. L'ayant vu vendre des glaces le week-end, il ouvrit son propre glacier, à Montreuil, en 1925. Aujourd'hui, les monts Cantabriques, en Espagne, sont fiers de cette "diaspora des glaciers".
Luis Ortiz rêvait de croissance. Bien qu'autodidacte, il avait le sens des affaires. Il avait bien compris que la clef, c'était la visibilité. Il faisait ainsi appel aux artistes locaux pour réaliser des publicités.

Saint-Dizier possédait un petit aérodrome. Lors de l'Occupation, la Luftwaffe en prit le contrôle et en fit une base aérienne ad hoc. En 1944, Saint-Dizier devint donc un objectif militaire important pour les GIs. Les militaires alliés restèrent, avec l'objectif de transformer le site en véritable base aérienne (qui devint beaucoup plus tard le BA113.) Les Ortiz sympathisèrent avec des soldats latinos, bien contents de parler espagnol... Et de manger des glaces. Lorsque certains furent démobilisés, ils exportèrent des produits Américains à la PME de Saint-Dizier.
Luis Ortiz mourut en 1948. Louis, le fils ainé, prit la suite. Avec son frère Vidal, il partit aux Etats-Unis. le marché des glaces était beaucoup plus mature. Non seulement les Américains consommaient 10 fois plus de glaces que les Français. Surtout, on voyait apparaitre des produits tout prêts, commercialisés par des industriels. Les Ortiz avaient conscience qu'il fallait changer de dimension. En 1952, ils fondèrent Miko et commercialisèrent des esquimaux et des cornets. Ils transformèrent une ancienne brasserie en usine de glaces. Ils ouvrirent des dépôts à travers la France. Martial Ortiz, le cadet, géra le premier d'entre-eux, à Metz.
Comme Luis Ortiz dans les années 30, Miko voulait être vu. En 1958, l'industriel participa à la caravane du Tour de France avec une 11cv BL bleue. En 1960, il fit transformer deux 2cv AZL comme glacier ambulant. Puis il y eu donc les Type H, en 1965 et toute une flotte de
Renault 4, en 1968.
A l'heure où les Français découvraient les joies des vacances estivales. Ils trouvaient ainsi souvent un glacier Miko, à la sortie de la plage. Et les ouvreuses des cinémas possédaient souvent des esquimaux Miko dans leurs paniers en osier. Là encore, c'était une reprise des préceptes de Luis Ortiz, mais portés à un autre niveau.
Comme prévu, le marché des glaces était compétitif. L'Italien
Motta avait pour lui son image de "glacier Italien". Charles Gervais racheta le pôle glaces d'Heudebert. Miko, lui, s'offrit Délico. Unilever avait tenté de créer cette marque de glace ex nihilo, sans succès. Délico, c'était un outillage flambant neuf. Et surtout, une gamme de gâteaux glacés. Les cafés, hôtels et restaurants (CHR ; HORECA en Belgique) commençaient à s'équiper en congélateurs. Grâce aux produits de Délico, Miko pu s'inviter à la carte des desserts et prendre le tournant des années 70.

Les années 80 furent une série de mauvaises nouvelles pour les Ortiz et Miko.
Louis Ortiz mourut en 1984 et Vidal prit sa succession. Deux autres frères étaient décédés et les héritiers voulaient céder leurs parts.
Désormais, les congélateurs entraient dans les appartements des Français. Du moins, de la bourgeoisie urbaine. Miko devait donc percer dans les supermarchés. Vidal Ortiz racheta Vivagel, de quoi donner du poids à Miko dans le rayon surgelés. Il put ainsi repousser les assauts du Suisse Mövenpick ou du méridional Pilpa.
L'une des faiblesses de Miko, c'était son image enfantine et populaires. Or, les particuliers qui achetaient des glaces était plutôt un public adulte et cultivé. Les nouveaux entrants comme Häagen Dazs (Sara Lee) ou plus tard Magnum (Unilever) et Ben & Jerry's (Unilever) axèrent leurs campagnes sur ce public adulte. Unilever avait également racheté Motta, très agressif sur le CHR avec sa marque Carte d'or. Miko répliqua avec un simili-Häagen-Dazs, Ortiz. Mais il arriva trop tard.
Miko était N°1 des ventes en France, mais il restait un acteur très franco-français. Au début des années 90, il avait racheté les glaciers Mio (Belgique) et Warncke (Allemagne) pour se donner une assise plus Européenne. Là aussi, ce fut une décision trop tardive pour infléchir la donne.
Dissensions familiale, manque de poids face à la concurrence... En 1994, Miko vendit à Unilever. Le conglomérat se remboursa en cédant Vivagel à BSN (Danone) et Warncke à Nestlé. Miko perdit sa spécificité. Unilever tint à proposer un catalogue unique, mais vendu sous différentes marques.
En conclusion, la miniature est relativement bien réalisée et le sujet est original. Nul doute que sous peu, on la verra sur l'étale des brocanteurs...
Prochain numéro : une ambulance CX Tissier à 6 roues. Altaya nous annonce également une "girafe" C35 JCDecaux et
une DS21 porte-voiture Tissier. Quid aussi du C15 ? Mystère...
Le plus dur, ça sera de ne pas toutes les acheter ! On vit dans une époque infantilisante, avec des avertissements partout. Peut-être qu'un jour, on finira par mettre des avertissements sur les collections : "Attention, ce type de hobby peut entrainer des difficultés financière ou des problèmes de rangement."
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